L'accusé a reconnu avoir eu une relation sexuelle complète et non protégée avec une amie sans l'informer qu'il était porteur du VIH (agression sexuelle grave). Le ministère public réclame une peine de trois ans d'emprisonnement. L'avocat de la défense suggère une peine de moins de deux ans qui serait purgée dans la collectivité.
La peine qui doit être imposée à l'accusé doit viser en priorité les objectifs de dénonciation et de dissuasion. Les tribunaux, de façon systématique, mettent l'accent sur ces objectifs en matière d'agression sexuelle. Et cela est d'autant plus nécessaire lorsque l'agression est une agression sexuelle grave punissable par l'emprisonnement à perpétuité.
Par ailleurs, les circonstances aggravantes sont importantes. D'abord, la conduite de l'accusé est délibérée. Il est vrai qu'un premier test positif pour le VIH doit être confirmé par un deuxième. C'est une pratique connue par la science médicale. Toutefois, en vertu de la même pratique médicale, le patient est informé, dès le premier test, qu'il doit se conformer à une règle d'abstinence sexuelle. En l'espèce, la preuve confirme qu'une telle mise en garde a été faite à l'accusé. Or, ce dernier s'est aveuglé volontairement et a agi contrairement à cette mise en garde. Un tel comportement n'est assurément pas celui d'un ami. En effet, on ne peut s'attendre à ce qu'une personne bienveillante et responsable expose une amie au risque de la transmission du VIH. En mentant par omission à la victime, l'accusé a abusé de sa confiance. De surcroît, la victime a été infectée par le VIH. Ce n'est pas banal. Et en plus des conséquences physiologiques qui découlent du VIH, la victime a eu des idéations suicidaires, elle a perdu ses amis et il lui est maintenant difficile de se créer une vie sociale convenable. Qui plus est, et cela est la conséquence la plus pénible pour la victime, les contacts fréquents qu'elle avait avec sa fille et ses petits-enfants se sont interrompus. L'avocat de la défense soutient que l'accusé ne peut être tenu responsable de l'ignorance ou de la méconnaissance des gens. Cet argument ne peut être retenu. Celui qui porte le VIH doit comprendre que s'il le transmet, il risque d'infliger à la victime de multiples conséquences, ce qui inclut la réprobation sociale. Enfin, le fait que la science moderne ait permis que le VIH ne devienne pas nécessairement létal ne doit pas être ignoré. Cependant, il serait tout à fait inapproprié de banaliser les conséquences subies par la victime tant au point de vue physique qu'au point de vue moral et social.
En contrepartie, il faut également considérer que l'accusé n'a pas d'antécédents judiciaires pertinents, qu'il présente un faible risque de récidive, qu'il a plaidé coupable (le matin du procès, après deux ans et demi de procédures) et qu'il a présenté des excuses (brèves et rédigées la veille de l'audience sur la détermination de la peine, soit pratiquement six ans après les faits).
L'ensemble des facteurs atténuants ne contrebalance pas le poids important qu'ont les circonstances aggravantes. La peine doit être conséquente. Un emprisonnement s'impose donc. Certes, depuis novembre 2022, l'emprisonnement avec sursis est possible pour une agression sexuelle grave. Cette peine doit alors être considérée. Mais elle ne peut être retenue. La peine d'emprisonnement qui doit être imposée ici doit être de plus de deux ans. La peine de trois ans d'emprisonnement réclamée par le ministère public se situe à l'intérieur de la fourchette applicable à une infraction comme celle commise en l'espèce. Cette peine permet en outre d'atteindre les objectifs de dénonciation et de dissuasion, tout en étant adaptée aux circonstances de l'affaire. Toutefois, comme cette peine se situe dans la partie la plus élevée de la fourchette applicable, elle doit être réduite de six mois pour tenir compte des facteurs atténuants mentionnés précédemment. Par conséquent, l'accusé est condamné à une peine de deux ans et demi d'emprisonnement.