Le 4 juin 2020, alors que tous les rassemblements intérieurs sont interdits (mesure pour protéger la santé de la population / état d'urgence sanitaire dans tout le territoire québécois), le défendeur est trouvé avec deux autres personnes à l'intérieur d'un appartement situé à Longueuil où il ne réside pas. Les policiers appelés sur les lieux à la suite d'une plainte de bruit lui remettent un constat d'infraction lui reprochant d'avoir refusé d'obéir à un ordre donné en vertu de la Loi sur la santé publique (la Loi). Le défendeur conteste ce constat d'infraction pour trois motifs : 1) il n'a pas reçu un avertissement avant la délivrance du constat d'infraction; 2) il croyait que les rassemblements de moins de dix personnes étaient autorisés; 3) il n'a jamais refusé d'obéir puisqu'il a immédiatement quitté l'appartement lorsque les policiers l'ont informé que ce genre de rassemblements n'étaient permis qu'à l'extérieur. Concernant ce dernier motif, le ministère public soutient que c'est plutôt la mesure interdisant tous les rassemblements intérieurs qui constitue l'ordre auquel le défendeur n'a pas obéi.
Il convient de déterminer, dans un premier temps, si une mesure pour protéger la santé de la population qui est ordonnée par décret en vertu de l'art. 123(8) de la Loi peut constituer un « ordre » au sens de l'art. 139 de la Loi. La Loi ne définit pas la notion d' « ordre » et ne donne aucune indication sur sa nature. En matière d'interprétation des lois, il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'économie de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur. Ici, suivant le sens ordinaire et grammatical du mot ordre (définition du terme dans les dictionnaires), il y a lieu de conclure que la mesure ordonnée par décret en vertu de l'art. 123(8) de la Loi peut constituer un « ordre » visé par l'art. 139 de la Loi.
Par ailleurs, la croyance, même sincère, du défendeur voulant que les rassemblements intérieurs de moins de dix personnes soient permis ne saurait être retenue puisque cela revient à plaider l'ignorance de la loi, laquelle ne constitue pas un moyen de défense.
En ce qui concerne l'argument basé sur l'absence d'avis préalable à la délivrance du constat d'infraction, ni la Loi, ni ses règlements d'application, ni le Code de procédure pénale ne prévoient l'obligation pour les agents de la paix de respecter des mesures préalables à la délivrance d'un constat d'infraction lorsque ceux-ci constatent qu'une personne est en train de commettre une infraction. De plus, aucun décret provincial paru depuis le 13 mars 2020 ne semble non plus obliger les autorités policières à respecter certaines étapes avant la délivrance d'un constat d'infraction pour non-respect d'une mesure ordonnée en vertu de l'art. 123(8) de la Loi. Ce pouvoir de donner un avis préalable semble donc relever de la discrétion policière. À moins de prouver que les policiers agissent de façon abusive, ce que le défendeur n'a pas démontré en l'espèce, il n'y a pas lieu d'intervenir.
Pour ces motifs, le défendeur est déclaré coupable de l'infraction reprochée.