La Cour suprême du Canada confirmait dans une paire d'arrêts rendus la semaine dernière que les messages échangés par messagerie SMS (des « textos ») peuvent susciter une attente raisonnable en matière de respect de la vie privée.
Dans les deux affaires en question, R. c. Marakah (2017 CSC 59) et R. c. Jones (2017 CSC 60), les policiers ont mis en preuve des textos incriminants, ce qu’ont contesté les accusés pour tenter de se disculper. La question se posait donc de savoir quelles règles doivent être suivies avant de pouvoir produire ainsi des textos devant un tribunal pénal. Dans quelle mesure s’agit-il réellement de communications privées ? La messagerie SMS génère-t-elle ou non des messages protégés (par la Charte) ?
Au final, la Cour statue que les individus peuvent généralement s’attendre à ce que les textos qu’ils échangent avec autrui demeurent privés, comme une lettre mise à la poste, par exemple. Oui, des textos peuvent susciter une attente raisonnable en matière de respect de la vie privée, c’est maintenant confirmé par nos tribunaux.
Résultat : les forces de l’ordre ne peuvent simplement mettre le grappin manu militari sur des textos, pour les utiliser ensuite en preuve contre des accusés. Une telle pratique pourrait violer le droit des individus de ne pas être sujet de perquisitions abusives. Pas de différence, donc, entre un texto, un courriel, une lettre cachetée, etc. – une communication privée est une communication privée, peu importe le médium de communication.
Dans le cas de M. Marakah, la preuve provient d’une perquisition (légale) de lieux physiques où on a tout bonnement mis la main sur un appareil téléphonique (du destinataire des textos) dans lequel les policiers ont ensuite farfouillé. À noter qu’ici on avait le mandat de perquisitionner à cet endroit, mais pas dans le contenu d’appareils électroniques. Pour cette raison, le plus haut tribunal du pays a affirmé qu’on doit rejeter la preuve (contenu des textos), puisque résultant d’une fouille abusive. Les textos étant des communications privées, un individu peut s’attendre au respect de sa vie privée (menacée si on divulgue ces messages), donc un policier ne devrait pas pouvoir simplement s’en emparer sans mandat.
À l’inverse, dans le cas de M. Jones, la preuve provient plutôt des registres du fournisseur TELUS, obtenus grâce à une ordonnance judiciaire. Puisque les policiers ont fait le nécessaire pour obtenir qu’un juge autorise la divulgation, les textos ainsi révélés constituent de la preuve valable. Résultat, la condamnation de M. Jones, elle, tient la route.
Fait intéressant, la Cour suprême statue au passage que c’est non seulement le contenu des textos qui s’avère privé, mais que l’existence même de la conversation (c.-à-d. le fait que ces interlocuteurs discutent) fait aussi partie de ce qu’un individu peut considérer comme privé. Ce faisant, tout dépendant des circonstances, même le fait que M. X a échangé des textos avec M. Y peut s’avérer susceptible de protection.