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L’accusé a proféré une menace de mort ou de lésions corporelles à l'endroit des musulmans. Cet usage abusif et illégal de sa liberté d'expression lui vaut 45 jours d'emprisonnement.

Résumé de décision : R. c. Petitclerc, C.Q., 5 mars 2020
L’accusé a proféré une menace de mort ou de lésions corporelles à l'endroit des musulmans. Cet usage abusif et illégal de sa liberté d'expression lui vaut 45 jours d'emprisonnement.

L'accusé a reconnu avoir proféré une menace de mort ou de lésions corporelles à l'endroit des membres d'un groupe identifiable, les musulmans. Il a également reconnu avoir enfreint ses conditions de mise en liberté. Le ministère public suggère une peine de 45 jours d'emprisonnement pour l'infraction de menace. Il reconnaît que la faible gravité objective de l'infraction, le fait que la menace a été transmise sur un réseau privé et la jurisprudence l'empêchent de demander une peine beaucoup plus sévère. L'avocat de la défense soutient, lui, que les paroles de l'accusé n'étaient que de simples réactions aux nouvelles dont ils s'abreuvaient. Il demande en conséquence une peine clémente, à savoir un sursis de peine.

La dénonciation générale et spécifique doit primer en cette matière, peu importe l'infraction. La société civile condamne autant ceux qui augmentent la menace à l'égard des groupes identifiables par leurs propos que ceux qui les menacent directement. Les propos de l'accusé (« Moi je vais égorger des musulmans ça va être normal [...] ») dépassaient nettement ce qui est tolérable en société. L'accusé a cru, à tort, que sa liberté d'opinion et d'expression ne connaissait aucune limite et a agi sans égard pour la vie et la sécurité des personnes visées. En considérant le contexte dans lequel ces propos ont été tenus et leur teneur, la peine doit être suffisamment sévère pour avoir un effet dénonciateur. Le crime était motivé par la haine. Les messages étaient relayés à un diffuseur public et la répétition des propos donnait à penser que le risque était sérieux. En outre, l'accusé entretient encore des pensées haineuses. La réduction de sa dépendance à l'alcool offre assez peu de garanties pour l'avenir. L'alcool facilitait peut-être le passage à l'acte, mais la sobriété ne modifiera pas les convictions de l'accusé.

En définitive, la peine suggérée par le ministère public permet de concilier les objectifs généraux et spécifiques de détermination de la peine et de condamner cet usage abusif et illégal que l'accusé a fait de sa liberté d'expression. L'accusé est donc condamné à 45 jours d'emprisonnement pour l'infraction de menace. Il faut, toutefois, retrancher 15 jours de cette peine pour tenir compte des 10 jours que l'accusé a passés sous garde (crédit majoré). Un crédit de 14 jours est également accordé pour les 28 jours que l'accusé a passés en thérapie. Considérant le nombre et la variété des thérapies et des programmes offerts, la Cour n'est pas à l'aise de comptabiliser le temps passé en thérapie, même fermée, de la même façon que le temps passé sous garde. Les juges doivent pouvoir bénéficier d'une discrétion dans l'appréciation du temps passé en thérapie et le calcul d'un crédit afférent. Il s'agit d'un examen beaucoup plus complexe que celui fait pour le temps passé sous garde. Le temps passé sous garde se compte plus qu'il ne s'apprécie. Dans la présente affaire, l'accusé a passé 28 jours à la Villa Ignatia. Les thérapies à cet endroit sont de très courtes durées. Par ailleurs, l'accusé n'a amorcé sa thérapie qu'à la suite de son arrestation pour avoir enfreint ses conditions de mise en liberté (près de 11 mois après avoir proféré la menace). C'est pour ces raisons que la Cour n'accorde qu'un crédit de 14 jours. À la peine d'emprisonnement pour la menace s'ajoutent 15 jours d'emprisonnement pour chacune des omissions de se conformer aux conditions de l'ordonnance de mise en liberté. Ces peines sont concurrentes entre elles, mais consécutives à la peine pour la menace. Une peine globale de 60 jours d'emprisonnement n'apparaît pas excessive (31 jours d'emprisonnement à compter de ce jour une fois que l'on retranche les crédits accordés pour le temps passé sous garde et le temps passé en thérapie). De plus, l'accusé sera soumis à une ordonnance de probation d'une durée de 18 mois.

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