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Le tribunal n’a pas à mitiger la peine pour une infraction de possession de cannabis dans un centre de détention afin de tenir compte du choix du législateur de décriminaliser en partie la possession de petites quantités de cannabis en société

Résumé de décision : R. c. Simard, EYB 2019-315314, C.Q., 19 juin 2019
Le tribunal n’a pas à mitiger la peine pour une infraction de possession de cannabis dans un centre de détention afin de tenir compte du choix du législateur de décriminaliser en partie la possession

DÉTERMINATION de la peine relative à une infraction de possession de cannabis.

L'accusé, qui purge actuellement une peine de 14 ans d'emprisonnement dans un centre de détention fédéral, s'est reconnu coupable de possession d'un peu plus de 30 grammes de cannabis. Les faits à la base de l'accusation sont survenus le 25 mai 2017. L'accusation contre l'accusé a alors été portée en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. La procureure de l'accusé suggère au tribunal d'imposer une amende d'environ 750 $. Bien que l'infraction ait été commise dans un centre de détention, elle souhaite que le tribunal ajuste la peine en fonction des choix faits par le législateur pour la possession de petites quantités de cannabis. La possession de moins de 30 grammes de cannabis est décriminalisée et la procureure invite le tribunal à tenir compte d'une évolution du regard porté par la société sur la possession de petites quantités de cannabis. Elle puise un argument dans la Loi encadrant le cannabis, qui tout en ayant comme objectif de restreindre l'accès au cannabis, prévoit spécifiquement une peine pécuniaire en cas de possession de cannabis dans un centre de détention. Le ministère public suggère, lui, six mois d'emprisonnement consécutifs à la peine en cours. Selon lui, la décriminalisation partielle du cannabis ne change rien à la gravité du geste. La présence de stupéfiants dans un centre de détention pose des risques réels et importants pour le personnel et les détenus. Le ministère public suggère au tribunal de considérer l'infraction comme une atteinte directe à l'intégrité du système de justice et de favoriser la dissuasion générale.

En regardant les objectifs énumérés tant dans la Loi sur le cannabis que dans la Loi encadrant le cannabis, l'on constate que, même si l'on peut encore débattre dans la société civile sur les bienfaits ou sur la dangerosité de la consommation de cannabis sur le plan de la santé et de l'acceptabilité, les législateurs tant fédéral que provinciaux ont fait le choix de décriminaliser en partie la possession du cannabis et d'encadrer strictement son usage pour préserver la santé des jeunes en donnant accès à un produit licite, et ce, tout en limitant et en prévenant les activités illicites. S'agissant de possession d'un peu plus de 30 grammes de cannabis dans un centre de détention, une quantité importante dans un lieu où la sécurité des détenus et du personnel exige une absence complète de stupéfiants, il n'y aurait pas d'ouverture à un assouplissement ou un certain encadrement, mais plutôt une volonté de maintenir une interdiction stricte, et ce, pour des raisons évidentes. Certes, la Loi encadrant le cannabis permet une procédure réglementaire dont la sanction est une amende, mais cette possibilité n'existait pas en mai 2017. En outre, l'on ne déduit pas de cette interdiction punissable par une amende que le législateur québécois souhaite indiquer aux tribunaux qu'il considère comme moins grave la possession de cannabis illégal en milieu carcéral. Les infractions réglementaires prévues dans la loi provinciale ne visent globalement qu'à interdire l'usage du cannabis dans les lieux où il est interdit de fumer du tabac. Enfin, l'art. 15 de la Loi sur le cannabis ne précise pas que le fait de commettre l'infraction en milieu carcéral est une circonstance aggravante vraisemblablement parce que cela va de soi selon les principes généraux et jurisprudentiels. Personne ne conteste que dans un milieu carcéral, l'alcool, le tabac et les stupéfiants posent un défi à la sécurité qui est accentuée par rapport à la vie en société. De surcroît, la possession dans un centre de détention fédéral implique nécessairement une planification, une aide extérieure et une complexité d'exécution qui sont autant de facteurs qui sont très rarement pris en compte dans l'imposition d'une peine pour possession simple d'un peu plus de 30 grammes de cannabis en société.

Considérant les circonstances, la quantité et le lieu, une peine d'emprisonnement significative s'impose pour faire écho à la réprobation sociale et contribuer à la dénonciation et à la dissuasion générale. Une peine d'emprisonnement fait également écho aux fortes préoccupations de sécurité nécessaires en ce lieu et soutient l'intégrité du système de justice. La peine de six mois d'emprisonnement suggérée par le ministère public à être purgée consécutivement à la peine actuelle permet d'atteindre cet objectif de dénonciation générale, tout en prenant en compte les caractéristiques personnelles de l'accusé et la poursuite de son éventuelle réinsertion sociale.


Ce résumé est également publié dans La référence, le service de recherche juridique en ligne des Éditions Yvon Blais. Si vous êtes abonné à La référence, ouvrez une session pour accéder à cette décision et sa valeur ajoutée, incluant notamment des liens vers les références citées et citant.

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