À l'issue de son procès, l'accusée a été déclarée coupable de deux infractions à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés : 1) avoir sciemment aidé M. Thomassin à engager une étrangère, à savoir Mme Akimana, alors que celle-ci n'était pas autorisée à travailler au Canada; 2) avoir sciemment aidé Mme Akimana à travailler alors qu'elle n'y était pas autorisée par un permis de travail. M. Thomassin, directeur général d'une résidence pour personnes âgées, embauchait des étrangers qui avaient un statut de visiteurs avec les informations personnelles d'un prête-nom qui avait un statut légal au Canada. La participation de l'accusée a été de fournir son numéro d'assurance sociale à Mme Akimana (sa belle-sœur). M. Thomassin a complété un dossier d'employé en utilisant le numéro d'assurance sociale et le numéro de compte bancaire fournis, tout en sachant qu'ils appartenaient à l'accusée. Pendant huit mois, Mme Akimana a travaillé à titre de préposée aux bénéficiaires sous l'identité comptable de l'accusée. À tous les dépôts de paye, l'accusée a effectué un transfert dans un second compte bancaire ouvert par son mari en faveur de sa sœur (Mme Akimana). Finalement, à l'occasion de ses déclarations d'impôts 2016 et 2017, l'accusée a camouflé les revenus obtenus illégalement en les ajoutant à ses propres revenus conformément aux reçus T4 émis. Le ministère public, qui a choisi de procéder par voie sommaire, requiert une amende de 1 000 $ ainsi que 75 heures de travaux communautaires pour chacune des infractions. L'accusée demande, elle, une absolution inconditionnelle avec un don volontaire fait au préalable pour chacune des infractions et l'exemption des frais.
Il ne s'agit pas d'un geste isolé, mais d'un geste répété sur une période de quelques mois. La conduite est réfléchie et intégrée. Par contre, il y a un contexte familial circonscrit. L'accusée n'a retiré aucune somme directe d'argent de ce stratagème. Elle retirera cependant un léger bénéfice à sa retraite pour la participation au régime des rentes du Québec durant ces quelques mois additionnels pour lesquels elle a faussement contribué. M. Thomassin a été l'instigateur principal. De son côté, l'accusée a joué un rôle secondaire, mais essentiel à la réalisation de la supercherie qui a favorisé les intérêts de M. Thomassin et de Mme Akimana. L'accusée ne démontre pas qu'elle se sent responsable des gestes posés. Elle n'admet pas, non plus, sa participation volontaire ni son aveuglement délibéré face à la situation. Par ailleurs, les personnes étrangères sont considérées comme des personnes vulnérables en ce qu'elles ne bénéficient pas de tous les droits et protections d'un travailleur légal. De plus, ces travailleurs ont perdu leur statut légal de visiteurs. Toutefois, ces derniers n'étaient pas exploités ni payés à un taux horaire moindre que celui des autres employés. Finalement, en ce qui concerne la problématique de main-d'œuvre chez les préposées aux bénéficiaires dans les résidences de personnes âgées, ce n'est pas un fait à retenir au chapitre des facteurs atténuants.
Il y va de l'intérêt véritable de l'accusée d'être absoute. Cette dernière a démontré qu'il est dans son intérêt de poursuivre des études universitaires en comptabilité. Son intérêt pour ce champ d'études est réel et constant depuis plusieurs années. Il s'agit d'un projet d'avenir sérieux. De plus, il est démontré que la comptabilité en milieu de travail exige la preuve d'une honnêteté rigoureuse. Il y a un lien direct entre les infractions commises et la mise en doute de l'honnêteté de l'accusée. Refuser l'absolution aurait un effet démesuré par rapport aux gestes posés. En outre, l'accusée a fait la démonstration que l'Ordre des comptables professionnels agréés du Québec exige de ses membres qu'ils ne possèdent aucun casier judiciaire. Cette preuve milite également pour l'octroi d'une absolution. Enfin, la preuve démontre l'intérêt de l'accusée à l'égard de son projet d'adoption internationale. Un casier judiciaire mettrait ce projet en péril.
Les infractions commises sont sérieuses, mais de gravité moindre. Elles ne constituent pas, non plus, un fléau. Par ailleurs, l'accusée est un actif pour la société en ce qu'elle occupe un emploi rémunéré ou est en recherche d'emploi lorsque ses contrats de travail sont terminés. En parallèle, l'accusée a fait des études de soir et démontre qu'elle est travaillante et qu'elle s'investit sérieusement dans ses projets d'études. Il n'est pas dans l'intérêt de la société qu'elle ne puisse plus occuper un emploi dans son champ d'expertise ou ne puisse plus poursuivre ses études pour acquérir un meilleur emploi. La preuve a aussi mis en évidence le contexte familial entourant la commission des infractions : l'accusée a voulu aider la famille de sa belle-sœur, laquelle n'avait aucun moyen de subsistance. Il ne s'agit donc pas d'infractions commises par cupidité, par pur plaisir ou par vengeance. La preuve a en outre révélé que l'accusée a agi sous la crainte d'être rejetée par sa belle-famille. L'accusée a effectivement accepté d'aider sa belle-sœur sous la pression de la famille de son mari. Le contexte culturel est ici important. L'accusée a un statut précaire au sein de la famille parce qu'elle n'a aucun enfant. Cette situation lui est imputable selon la culture de sa famille. De surcroît, l'accusée n'a pas d'antécédents judiciaires et les sommes qu'elle a investies pour sa défense et les procédures à la cour ont certainement contribué à lui faire réaliser le sérieux des infractions commises. L'objectif de dissuasion individuelle est amplement atteint. Le risque que l'accusée récidive est inexistant. Somme toute, le public ne perdra pas confiance dans le système de justice du fait qu'une absolution soit accordée dans le présent contexte.
En conclusion, une absolution inconditionnelle, sans frais, une fois que l'accusée aura volontairement fait un don de 3 000 $ au SAII, un organisme à but non lucratif de la ville de Québec qui offre un service d'aide aux immigrants, constituera une peine juste et appropriée. Pour permettre à l'accusée de faire ledit don, le prononcé de la peine est reporté.