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Prison à domicile pour une éducatrice en garderie qui a malmené quatre enfants âgés entre deux ans et demi et trois ans : la délinquante passera près de six mois à son domicile et ses déplacements autorisés seront contrôlés.

Résumé de décision : R. c. El Hmaini, EYB 2023-506445, C.Q., 16 janvier 2023
Prison à domicile pour une éducatrice en garderie

Alors qu'elle travaillait dans une garderie, l'accusée s'est livrée à des voies de fait contre quatre enfants âgés entre deux ans et demi et trois ans dont elle assurait la supervision. Ces voies de fait, filmées à l'insu de l'accusée par une autre éducatrice, consistent en des gifles au visage, des petites tapes sur la tête, du tirage de bras et de cheveux ainsi que des prises par les bras et les jambes. Le ministère public recommande l'imposition d'une peine totale de huit à dix mois d'emprisonnement, soit l'équivalent de deux mois d'emprisonnement pour chaque infraction purgés consécutivement. L'avocate de la défense soutient plutôt qu'une absolution conditionnelle est la peine appropriée.

Exerçant ses fonctions d'éducatrice à l'enfance, et se sachant dans l'angle mort des caméras de surveillance de la garderie, l'accusée s'en est pris à quatre victimes, très jeunes et vulnérables, qui étaient toutes, sauf une, relativement calmes. Les gestes commis constituent un abus de la confiance des victimes et de leurs parents. Ils ont eu, également, des conséquences importantes, particulièrement sur deux familles. Enfin, encore à ce jour, l'accusée se déresponsabilise partiellement en ce qui concerne l'une des victimes.

Cela dit, l'accusée a plaidé coupable, elle n'a pas d'antécédents judiciaires, elle exprime des regrets et des remords sincères, elle est capable d'introspection, elle a respecté ses conditions de mise en liberté et son risque de récidive est faible. En outre, le profil de l'accusée est bon et cette dernière n'a pas de lacunes particulières ni de besoins criminogènes particuliers. Il y a plus. L'accusée a entrepris une démarche thérapeutique et elle a une vie familiale stable (elle est aujourd'hui la mère d'un bambin de 18 mois). De plus, les procédures judiciaires ont eu un effet punitif et dissuasif sur elle. Qui plus est, la peine aura des conséquences indirectes sur son statut de résidente permanente. En ce qui concerne la perte d'emploi, un poids minimal lui sera accordé puisque l'accusée a été congédiée en raison de gestes commis dans le cadre de son travail d'éducatrice. Tout au plus, ce facteur appuie l'affirmation de l'autrice du rapport présentenciel suivant laquelle les procédures ont eu un impact punitif sur l'accusée. Il est vrai aussi que la présente affaire a fait l'objet d'une couverture médiatique importante. Il ne s'agit cependant pas d'une circonstance atténuante en tant que telle. Toutefois, l'effet de la médiatisation des procédures permet de mieux comprendre l'affirmation de l'autrice du rapport présentenciel selon laquelle les procédures ont eu un impact dissuasif sur l'accusée.

Étant donné la présence de facteurs tant aggravants qu'atténuants, la fourchette intermédiaire, dont les peines s'échelonnent de l'absolution à l'emprisonnement ferme ou avec sursis de dix mois, s'applique en l'espèce.

Par ailleurs, l'art. 718.01 C.cr. mentionne explicitement l'attention particulière qui doit être accordée aux objectifs de dénonciation et de dissuasion dans les cas de mauvais traitements envers les enfants. Dans un tel cas, l'emprisonnement est la règle. Cependant, il ne faut exclure aucun objectif de l'analyse. Seul l'équilibre entre les différents objectifs mène à une peine juste. Ici, compte tenu du nombre de victimes, de leur âge et de leur vulnérabilité, de l'abus de confiance et des autres circonstances aggravantes, les objectifs de dénonciation et de dissuasion doivent primer. Cela dit, compte tenu du plaidoyer de culpabilité, de l'absence d'antécédents judiciaires, de la thérapie sérieuse entreprise, du faible risque de récidive et de la réhabilitation bien entamée, l'objectif de réhabilitation doit aussi être valorisé.

Il serait dans l'intérêt véritable de l'accusée de bénéficier d'une absolution étant donné que ses démarches sérieuses pour se trouver un nouvel emploi se sont avérées infructueuses en raison des procédures judiciaires. Par contre, l'absolution irait à l'encontre de l'intérêt public, et ce, même en considérant l'objectif secondaire de réhabilitation. En effet, la dissuasion générale, les victimes multiples, les conséquences pour les parents ainsi que l'importance des services de garde à la petite enfance dans le quotidien d'une grande majorité de parents font en sorte que l'absence de condamnation que procure l'absolution conditionnelle nuirait à l'intérêt public.

La grande vulnérabilité des victimes, leur nombre et l'abus d'autorité de l'accusée font en sorte que seule une peine d'emprisonnement permet de prioriser l'objectif de dénonciation, et ce, malgré la présence de plusieurs facteurs atténuants. Cette peine d'emprisonnement (les peines seront consécutives, sauf deux qui seront concurrentes puisque les voies de fait découlent de la même séquence factuelle) pourra cependant être purgée dans la collectivité. Elle aura un effet dénonciateur et dissuasif appréciable, compte tenu des conditions rigoureuses dont elle sera assortie. L'accusée sera notamment assignée à son domicile 24 heures sur 24 pour la durée totale de la peine. Son assignation et ses déplacements permis seront contrôlés. Elle sera donc « sous stricte surveillance de la communauté ». Au total, c'est 170 jours (près de six mois) que l'accusée sera assignée à son domicile. Une ordonnance de probation (avec suivi) d'une durée de deux ans est également prononcée. En vertu de cette ordonnance, l'accusée devra accomplir 240 heures de travaux communautaires. Il lui sera également interdit d'occuper un emploi, rémunéré ou non, dans lequel elle serait susceptible d'être en position d'autorité ou de confiance auprès de personnes âgées de moins de 18 ans. Quant à la suramende compensatoire, l'accusée, qui n'a pas d'emploi, ne sera pas tenue de la verser. Elle constituerait un préjudice injustifié.

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