On reproche à la défenderesse, un centre de la petite enfance (CPE), de ne pas s’être assurée que les enfants à qui elle fournit des services de garde sont sous constante surveillance, contrevenant ainsi à l’article 100 du Règlement sur les services de garde éducatifs à l’enfance. Les faits à la base de cette accusation sont survenus le 12 février 2015. À cette date, une éducatrice du CPE se prépare une tisane pendant que les enfants font leur sieste. L’éducatrice entend un enfant pleurer dans le local adjacent. Elle s’empresse d’aller le chercher et le ramène dans la pièce où elle se trouve afin qu’il ne réveille pas les autres enfants. Elle le dépose au sol et se dirige vers la table à langer pour récupérer ses chaussures. Au même moment, l’enfant se déplace à quatre pattes dans la direction opposée, se lève, renverse la tasse d’eau chaude qui se trouve sur le comptoir et s’ébouillante le bras. La défenderesse explique que cette situation s’apparente davantage à un accident qu’à un manque de surveillance. Elle appuie ses prétentions sur la Loi sur les services de garde éducatifs à l’enfance, laquelle n’impose pas une « surveillance permanente », mais plutôt une « surveillance constante ».
En déposant l’enfant au sol et en s’en éloignant, sachant qu’une tasse d’eau bouillante est accessible à proximité, l’éducatrice a-t-elle manqué à son obligation de surveillance ? La réponse à cette question réside dans l’interprétation de l’expression « surveillance constante ». Le dictionnaire Larousse définit le mot « surveiller » comme étant l’action « d’observer attentivement, de veiller sur quelqu’un dont on a la garde et/ou la responsabilité, en prendre soin, être attentif ». Le mot « constant » signifie, lui, « qui ne s’interrompt pas, qui est continuel, durable ». Toujours selon ce dictionnaire, un « accident » est défini comme étant « un événement fortuit, inattendu, non conforme à ce qu’on pouvait raisonnablement prévoir ». Et en dernier lieu, le mot « fortuit » signifie « qui arrive ou paraît survenir par hasard ». À la lumière de ces définitions et des faits en l’espèce, on ne peut conclure qu’un « accident » est survenu, et ce, parce que cet événement était hautement prévisible. Il est clair que l’éducatrice a manqué à son obligation de surveillance puisqu’elle n’a pas observé attentivement l’enfant sous sa responsabilité. C’est d’autant plus vrai qu’elle connaissait sa grandeur, sa capacité à attraper des objets rapidement et le fait qu’il pouvait se déplacer vite et se lever. Une personne raisonnable placée dans la même situation aurait fait preuve d’une prudence proportionnelle à la probabilité et à la gravité des risques normalement prévisibles et aurait pris les moyens raisonnables pour protéger l’enfant contre ce risque, ce que l’éducatrice a omis de faire. Cette dernière aurait pu amener l’enfant avec elle près de la table à langer ou s’assurer que la tasse était hors de sa portée. Force est donc de conclure que le ministère public a prouvé tous les éléments constitutifs de l’infraction, et ce, hors de tout doute raisonnable.
La défenderesse peut-elle s’exonérer de sa responsabilité ? Il y a lieu de répondre à cette question par la négative. La défenderesse n’a présenté aucun élément permettant de conclure qu’elle a fait preuve de diligence raisonnable dans les circonstances. En effet, la preuve est contradictoire quant à l’existence ou non d’une directive sur la préparation ou la consommation de boissons chaudes à ce CPE. Chose certaine, antérieurement à l’incident, la direction du CPE n’avait pas adopté de politique suffisamment claire à ce sujet. De surcroît, la preuve est silencieuse quant à l’existence ou non d’un programme de prévention des risques au sein du CPE. Les employés reçoivent-ils une formation sur la santé et la sécurité des enfants, hormis les cours de secourisme ? Existe-t-il des moyens de communication efficaces pour rappeler aux employés l’importance de respecter les règles de sécurité ? Outre la suspension de trois mois imposée à l’éducatrice, des sanctions disciplinaires ont-elles déjà été appliquées envers des employés n’ayant pas respecté les directives ? Toutes ces questions demeurent sans réponse.
Pour ces motifs, la défenderesse est déclarée coupable de l’infraction reprochée.
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