L'accusé, un ex-préposé aux bénéficiaires dans un CHSLD, s'est reconnu coupable de voies de fait contre une résidente de ce CHSLD qui était alors âgée de 91 ans et qui souffre de démence. Une nuit que la résidente devait se coucher, l'accusé la prend dans ses bras pour la sortir de son fauteuil roulant et la lance sur le lit, avec rudesse. Puis, l'accusé tape la cuisse de la résidente, comme pour la pousser. Les gestes sont brusques. L'incident dure quatre ou cinq secondes. Précisons que nous sommes le 20 juillet 2020, en pleine pandémie en raison de la COVID-19. Les résidents des CHSLD doivent, à cette époque, rester dans leur chambre. Malgré cette interdiction de sortir de sa chambre, la victime en sort régulièrement. Chaque fois, le personnel doit intervenir auprès d'elle. Quelques minutes avant la commission des voies de fait, l'accusé avait d'ailleurs retourné la victime dans sa chambre, et ce, très calmement. Le ministère public suggère une peine de trois mois de prison suivie d'une probation d'un an comportant, notamment, une interdiction de travailler auprès des personnes âgées et vulnérables. L'avocat de l'accusé suggère, lui, une absolution.
Il est indéniable que les mauvais traitements à l'endroit de personnes âgées, vulnérables et malades sont éminemment condamnables. Le rôle de l'accusé en était un de bienveillance et de patience face à la victime. Il devait prendre soin d'elle, malgré et en raison de sa maladie. Mais il a eu ce moment d'impatience, moment qui a entraîné des voies de fait contre la victime, des séquelles chez cette dernière (anxiété et peur) et des craintes chez les membres de sa famille.
Cela dit, les gestes de l'accusé, lesquels ont été brefs et n'ont entraîné aucune blessure chez la victime, doivent aussi être remis dans le contexte qui existait en juillet 2020. Même s'il a commis une infraction de violence à l'endroit d'une personne vulnérable, l'accusé ne mérite pas une peine de prison, aussi courte soit-elle. Il a déjà subi beaucoup de conséquences pour le crime qu'il a commis. Il a été arrêté, a comparu détenu et a été congédié de son travail de préposé aux bénéficiaires, travail qu'il prenait à cœur et pour lequel il se dévouait beaucoup en raison de la pandémie. Alors que les préposés aux bénéficiaires fuyaient les CHSLD, l'accusé travaillait plusieurs jours consécutifs, à raison de 16 heures par jour. À tel point qu'il dormait au CHSLD, car il n'avait pas le temps de retourner chez lui. Et cet horaire durait depuis des mois lorsque les événements se produisent. Par ailleurs, depuis ces événements, l'accusé a entamé un suivi psychologique, il a effectué plus de 550 heures de travaux bénévoles, il a écrit une lettre d'excuses à la directrice du CHSLD et il a exprimé beaucoup de remords et de honte face à ses gestes (insensés et impardonnables dit-il). L'accusé s'est aussi trouvé un emploi dans un tout autre domaine (peintre industriel). Il est donc un actif pour la société.
Une condamnation entraînerait pour l'accusé des conséquences particulièrement négatives. En effet, ce dernier a un statut de demandeur d'asile. Une condamnation emporterait, pour lui, une interdiction de territoire. Une telle conséquence suffit pour établir que l'absolution est dans son intérêt véritable. Et une telle mesure ne nuirait pas à l'intérêt public. Certes, une attention particulière doit être accordée aux objectifs de dénonciation et de dissuasion lorsqu'un crime est commis à l'égard d'une personne âgée, vulnérable et malade. Mais l'accusé n'a pas d'antécédents judiciaires et une condamnation n'est pas nécessaire pour l'empêcher de récidiver. En outre, un public bien informé ne perdrait pas confiance envers ses institutions judiciaires si l'accusé était absous.
Par conséquent, l'accusé est absous conditionnellement. Entre autres choses, il lui sera interdit de communiquer avec la victime ainsi que les membres de sa famille. Il lui sera également interdit de se trouver au CHSLD.