Le citoyen demandeur sollicite l'autorisation d'entreprendre une action collective contre huit villes et contre le Procureur général du Québec, représentant la Sûreté du Québec. Le recours vise à indemniser les personnes racisées qui auraient été victimes de profilage racial lors d'interceptions routières effectuées sans motif de soupçonner la commission d'une infraction. Le demandeur allègue que ces interceptions, permises par le pouvoir discrétionnaire conféré par l'art. 636 C.s.r. constituent une pratique discriminatoire violant les droits fondamentaux garantis par les Chartes.
Les défendeurs invoquent que le recours personnel du demandeur est prescrit en application du délai de six mois prévu à l'art. 586 de la Loi sur les cités et villes (LCV). Cet argument est rejeté au stade de l'autorisation, vu que la question de l'applicabilité de cette courte prescription à un recours fondé sur la Charte canadienne soulève une question constitutionnelle nécessitant une preuve et une analyse approfondies au mérite. Contrairement à des affaires antérieures où la courte prescription fut appliquée en l'absence d'un débat constitutionnel étayé, l'intention du demandeur d'invoquer cet argument est ici clairement établie. La prudence commande donc de ne pas rejeter le recours au stade préliminaire sur la base de la prescription, l'argument du demandeur, voulant que permettre à l'État de s'immuniser contre des recours fondés sur la Charte par de courts délais de prescription soit incompatible avec le droit à une réparation juste et convenable garanti par l'art. 24(1) de la Charte canadienne, n'étant pas frivole.
Le syllogisme juridique proposé par le demandeur est soutenable et remplit le critère de l'apparence de droit. En effet, il allègue que le profilage racial est la cause la plus probable de toute interception routière d'une personne racisée effectuée sans motif de soupçonner la commission d'une infraction. Cette prétention s'appuie sur les conclusions factuelles de l'arrêt Luamba de la Cour d'appel, qui déclare inconstitutionnel l’article 636 C.s.r., et sur des rapports d'experts qui documentent la surreprésentation des personnes racisées dans les interpellations policières. Le demandeur relate sa propre expérience d'interception, qu'il estime être un cas de profilage racial. Il soutient que les défendeurs ont fait preuve d'insouciance en n'encadrant pas adéquatement le pouvoir d'interception conféré par l'art. 636 C.s.r., alors qu'ils connaissaient ou auraient dû connaître le problème systémique du profilage racial. Les préjudices allégués, tels que l'atteinte à la dignité, à la liberté, à l'égalité et les impacts sur la santé mentale et physique, sont décrits par les faits relatés et sont suffisamment précis pour étayer le caractère soutenable de la cause. Bien que le profilage racial découle souvent de biais inconscients et que sa preuve directe soit complexe, les inférences tirées du contexte social et des données d'experts appuient l'idée d'une cause défendable à ce stade. Le fardeau d'autorisation étant celui d'une simple possibilité de gain de cause, les allégations du demandeur, tenues pour avérées, sont jugées suffisantes pour établir une cause défendable quant à la responsabilité des défendeurs pour faute civile et pour violation des droits garantis par les Chartes. Par ailleurs, le demandeur est considéré comme étant apte à représenter adéquatement les membres du groupe, étant intéressé par le recours, compétent et sans conflit d'intérêts.
Le critère d'autorisation visant les questions communes est également satisfait, mais nécessite une redéfinition du groupe. La définition initiale proposée par le demandeur est modifiée pour ajouter la condition que le membre doit avoir été victime de profilage racial. Le groupe autorisé concerne donc toute personne racisée qui a été victime de profilage racial à l’occasion d’une interception routière sans motif de soupçonner la commission d'une infraction par les services de police d’une des villes défenderesses ou par la Sûreté du Québec. Cette précision vise à éviter une surinclusion de membres en s'assurant que seuls ceux ayant effectivement subi du profilage racial sont visés, tout en reconnaissant que la notion de profilage racial est suffisamment claire et objective pour définir le groupe. L'inclusion des termes « toute personne racisée », sans distinction d'appartenance à un groupe racial spécifique, est maintenue, car les éléments de preuve, notamment ceux issus de l'affaire Luamba, suggèrent que le phénomène du profilage racial dans ce contexte n'est pas limité à un seul groupe. Les questions proposées, telles que la pratique du profilage racial par les défendeurs, la violation des droits garantis par les Chartes, le droit à des dommages-intérêts, la possibilité de prouver le profilage par présomption, la question constitutionnelle de la prescription, la méthode d'attribution des réparations et la qualification du profilage racial comme faute civile, sont considérées comme communes et susceptibles de faire progresser le litige de manière non négligeable pour l'ensemble des membres du groupe. Le critère non contesté relatif à la composition du groupe est également satisfait. L'action collective est donc autorisée.