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Communications harcelantes : un homme est déclaré coupable pour une série de courriels qu’il a envoyés à une députée de Québec solidaire.

Résumé de decision : R. c. Godbout. (C.Q., 26 avril 2021)
Communications harcelantes : un homme est déclaré coupable pour une série de courriels

Élue députée de Sherbrooke le 1er octobre 2018, Christine Labrie (la plaignante) est consciente du fait qu'elle devient un personnage public susceptible de faire l'objet de critiques, parfois virulentes. C'est ce qui se produit d'ailleurs au mois de mai 2019 alors que l'accusé commence à lui envoyer des courriels. La plaignante laisse aller jusqu'au moment où l'accusé fait référence à ses enfants. Elle considère qu'à ce moment, l'accusé franchit une ligne qu'il n'aurait pas dû franchir. Elle décide alors, lors d'une intervention à l'Assemblée nationale, de dénoncer l'intimidation envers les femmes sur les réseaux sociaux et d'utiliser des exemples pour illustrer la situation dont, entre autres, certains des termes présents dans les courriels de l'accusé. C'est à la suite de cette intervention que la plaignante décide de continuer sa démarche et de porter plainte auprès du SPVQ. Ce dernier transfère le dossier à la SQ, vu la fonction de la plaignante. Des accusations de communications harcelantes et de harcèlement criminel sont ultérieurement portées contre l'accusé. À son procès, celui-ci invoque son droit à la liberté d'expression et, donc, son droit de critiquer une personnalité publique. Il reconnaît que le contenu des courriels pourrait, à la limite, faire l'objet d'une poursuite en diffamation, mais il ajoute qu'il n'y a pas de preuve hors de tout doute raisonnable que l'envoi des courriels avait pour but de harceler la plaignante. Il s'agit de savoir si en transmettant les courriels, l'accusé exerçait simplement son droit à la liberté d'expression ou s'il avait l'intention de harceler la plaignante.

D'emblée, l'on ne peut être insensible au parcours de combattant de l'accusé, qui se bat depuis plusieurs années pour corriger une injustice subie dans le cadre d'un litige avec la CSST. Cela dit, il est impossible de croire l'accusé lorsqu'il affirme que son intention, lors de l'envoi des courriels, était d'obtenir des modifications législatives. En effet, lors de son témoignage en chef, l'accusé mentionne avoir dit à l'attaché politique de la plaignante que ce qu'il recherchait, c'était une reconnaissance par les autorités de la faute commise par le fonctionnaire de la CSST. Au début, la plaignante demande à son personnel politique de faire un suivi des courriels de l'accusé, car elle y perçoit une grande détresse et elle veut s'assurer de ne pas échapper de signes qui pourraient suggérer la nécessité d'accompagner l'accusé auprès de ressources adaptées. Toutefois, vu le ton des courriels, elle constate que ce n'est pas le cas. La plaignante écrit donc à l'accusé pour lui demander de cesser sa campagne de diffamation à son égard et cesser de l'associer à son dossier. Malgré tout, les courriels continuent. La plaignante envoie un nouveau courriel à l'accusé lui soulignant que, malgré la présence d'une injustice, il n'obtiendra pas gain de cause avec une campagne de courriels d'intimidation à son égard. Malgré tout, les courriels continuent.

Malgré les propos diffamatoires, s'il n'y avait que les cinq courriels transmis à la plaignante, l'on pourrait avoir un doute raisonnable quant à l'intention criminelle de l'accusé. Mais ce doute se dissipe et devient déraisonnable à la lecture des 28 courriels que l'accusé a transmis à diverses personnalités publiques et dans lesquels la plaignante était mise en copie conforme. Tous ces courriels ont un point en commun : ils contiennent des propos injurieux et dégradants à l'égard de la plaignante. Compte tenu des termes utilisés et de la fréquence des courriels, une seule conclusion s'impose : la réception de ces messages par la plaignante n'a pu que l'ennuyer, l'agacer, l'importuner et la déranger, et l'accusé, un homme très articulé, ne pouvait l'ignorer. La liberté d'expression de l'accusé s'arrête là où le législateur trace la ligne et criminalise les communications harcelantes.

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