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Un avocat qui a procédé lui-même à l'arrestation de la femme qui lui volait de la nourriture pour chats est reconnu coupable de voies de fait.

Résumé de décision : R. c. Corbeil, EYB 2015-250507 (C.Q., 10 avril 2015)
Un avocat qui a procédé lui-même à l'arrestation de la femme qui lui volait de la nourriture pour chats est reconnu coupable de voies de fait.

On reproche à l'accusé, qui est avocat depuis plus de 40 ans, de s'être livré à des voies de fait contre la plaignante. Les événements à la base de l'accusation sont survenus très tôt le matin du 2 février 2013. Ce matin-là, l'accusé a arrêté la plaignante en utilisant la force lorsqu'elle s'est pointée chez lui pour s'approprier la nourriture pour chats que lui et sa conjointe laissaient dans un plat à l'extérieur de leur résidence. L'accusé soutient qu'il était de son devoir de citoyen de procéder à cette arrestation afin d'assurer la protection de ses biens, de mettre fin à la commission de ce crime et d'empêcher une violation de la paix. Il ajoute que l'arrestation a été effectuée avec une force raisonnable et de façon réfléchie et il invoque les articles 25, 27, 30, 35 et 38 C.cr. pour justifier ses gestes.

Au moment des événements, la plaignante commet un vol. Comme il s'agit d'un acte criminel et que cette dernière est vue en flagrant délit, l'accusé pouvait procéder à son arrestation soit en vertu de l'alinéa 494(1)a) C.cr., soit en vertu de l'alinéa 494(2)a) C.cr. Cela dit, à moins que les circonstances l'exigent et le justifient, l'arrestation par un citoyen ne doit pas être encouragée dans notre société. Il est préférable en effet d'envisager d'autres solutions que de procéder soi-même à l'arrestation d'une personne qui commet un acte criminel afin d'éviter des confrontations physiques pouvant entraîner des conséquences malheureuses.

L'emploi de la force lors d'une arrestation doit toutefois être judicieux et rationnel. Or, en l'espèce, la preuve démontre que la force utilisée par l'accusé à l'égard de la plaignante est nettement déraisonnable, démesurée et injustifiée. L'accusé s'est précipité sur la plaignante, l'a immobilisée et lui a couvert la tête d'une serviette. Il l'a ensuite dirigée vers le sol et l'a immobilisée à plat ventre avec ses mains et ses genoux, après quoi il lui a attaché les mains et les pieds avec des attaches de plastique autobloquantes. La plaignante a par la suite été assise au sol, dos au mur, et est restée ainsi jusqu'à ce que les policiers arrivent sur les lieux et la libère. Cette intervention musclée et agressive est tout à fait disproportionnée par rapport aux circonstances. Jamais le comportement de la plaignante n'a représenté une menace réelle pour la sécurité de l'accusé, celle de ses proches ou de ses biens. Aucun élément, tant objectif que subjectif, ne pouvait laisser croire que la plaignante était armée ou même menaçante. Rien dans les faits et gestes de la plaignante ne justifie l'action de l'accusé. À force de prévoir le pire dans le cadre de sa planification et de sa stratégie -- l'accusé avait établi un plan pour que cesse le comportement de la plaignante après avoir enquêté sur la disparition mystérieuse de la nourriture pour chats en installant une caméra à l'extérieur de sa résidence --, celui-ci a, de façon flagrante, manqué de jugement et de discernement. Il est évident qu'une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances aurait agi autrement. Cette dernière aurait considéré les éléments suivants : la nature et la gravité subjective de l'infraction, l'absence de menace ou d'arme, le comportement antérieur de la plaignante, son âge, sa force et la différence physique entre elle et l'accusé. Dans les faits, il s'agissait d'une femme qui n'avait commis aucun méfait ou geste de violence à l'égard de l'accusé ou de sa propriété.

Comme la force utilisée par l'accusé est excessive et que ce dernier n'a pas agi de façon raisonnable dans les circonstances, les défenses prévues aux articles 25, 27, 30, 35 et 38 C.cr. ne s'appliquent pas.

Pour ces motifs, l'accusé est déclaré coupable de l'infraction reprochée.


Ce résumé est également publié dans La référence, le service de recherche juridique en ligne des Éditions Yvon Blais. Si vous êtes abonné à La référence, ouvrez une session pour accéder à cette décision et sa valeur ajoutée, incluant notamment des liens vers les références citées et citant.

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