Le demandeur (Boucal) poursuit en diffamation la défenderesse (Maltais), à la suite de la publication par celle-ci, sur Facebook, d'une photo de lui et d'un témoignage le décrivant comme un agresseur sexuel. Maltais, qui a agi sous le pseudonyme « Klo Rophylle», avait pris connaissance du témoignage relayé sur la page d'un groupe Facebook privé et l'avait retranscrit fidèlement sur sa page Facebook publique, se présentant comme interpellée par son contenu, et ce, malgré qu'elle ne connaissait ni la prétendue victime, auteure du témoignage retranscrit, ni le demandeur personnellement et bien qu’elle ne pouvait non plus attester de la véracité du témoignage en cause.
Les propos republiés sont diffamatoires, car ils décrivent Boucal comme un agresseur sexuel, ce qui déconsidère nécessairement sa réputation auprès d'un citoyen ordinaire. Maltais se trouve dans la troisième situation de diffamation décrite dans l'arrêt Prud'homme, soit celle de la personne médisante qui tient des propos défavorables à l’égard d’un tiers sans justes motifs. Même si elle soutient avoir agi sur la foi de commentaires obtenus de tierces parties non identifiées, son but n'était pas de dénoncer dans l'intérêt public un individu ayant véritablement abusé d'autrui, mais plutôt d'exposer Boucal, pour son bénéfice purement personnel, dans une intention malveillante. Elle avait d'ailleurs déclaré chercher depuis des mois un moyen d'exposer cet « homme dangereux », alors qu'elle n'avait jamais été abusée par lui et ne pouvait attester formellement de la véracité des propos véhiculés. Cette intention malveillante se révèle également par les propos tenus durant son interrogatoire préalable et dans ses communications sur les réseaux sociaux, dans lesquelles elle qualifie Boucal d'agresseur sans avoir fait de démarche particulière pour vérifier la véracité du contenu du témoignage qu’elle a publié.
Les conséquences de la publication litigieuse se sont avérées importantes pour Boucal. Dans les jours suivants, le conseil d'administration du Cabaret de la diversité, qu’il a fondé et dans lequel il s’est investi pendant plusieurs années, a tenu une réunion d'urgence au cours de laquelle il a accepté sa demande de suspension temporaire de ses fonctions de directeur général. De plus, il a reçu un avis de probation de son autre employeur, Projet collectif, qui a ensuite mis fin à son emploi de consultant auprès de cet organisme. En outre, lui et sa famille ont dû déménager de Rimouski, village d’accueil de Boucal où il vivait depuis neuf ans, à Pont-Rouge. Finalement, il a dû consulter une psychologue et prendre de la médication pour retrouver le sommeil.
Concernant l'évaluation des dommages, la preuve s'avère déficiente à certains égards, notamment parce que le témoignage initial avait déjà été publié dans certains groupes engagés socialement avant sa republication par Maltais, rendant difficile l'établissement du lien de causalité précis. Néanmoins, Boucal a pu subir des dommages moraux du seul fait de la publication accompagnée de sa photo sur les réseaux sociaux. Ses dommages non pécuniaires sont évalués à 10 000 $, auxquels s'ajoutent 3 467,27 $ pour la médication et le suivi psychologique ainsi que 4 502,31 $ pour les frais de déménagement. Puisque l’atteinte à sa réputation était clairement intentionnelle, des dommages-intérêts punitifs de 2 500 $ lui sont également accordés.
Maltais ayant fait faillite environ une semaine avant le début de l'instruction, la question de la libération des dettes se pose. L'analyse de l'art. 178 de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité révèle que les dommages moraux et punitifs ne font pas partie des exceptions prévues à ses par. (1)(a) et (1)(a.1), car il n'y a pas d'atteinte à l'intégrité physique de Boucal et que les dommages-intérêts punitifs n'entrent pas dans le cadre des amendes ou pénalités en matière pénale. Ces dettes seront donc libérées seulement par l'ordonnance de libération. Toutefois, les frais de justice constituent une dette postérieure au jugement et ne sont pas visés par la faillite.
Finalement, il y a lieu d’ordonner à Maltais de retirer dans les 30 jours du présent jugement tout matériel concernant les allégations d'agression sexuelle contre Boucal sur lequel elle a le contrôle. Le tribunal refuse toutefois de lui ordonner de publier une lettre de rétractation, car elle n'est pas l'auteure du témoignage initial et que la véracité de celui-ci n'a été ni établie ni démentie.