Les demandeurs, agissant personnellement et en leur qualité de tuteurs à leur fille mineure A, ont déposé une demande en justice contre le Centre de services scolaire des Premières Seigneuries (le CSS) et l’enseignante Mélissa Poulin (Poulin), à la suite du refus de ceux-ci de corriger la note accordée à un travail d’équipe remis par A et l’élève B. Il s’agissait d’une composition écrite valant pour 1,5 % de la note finale du cours de français de secondaire 4 et il a été décidé de lui attribuer la note de « 0/20 » pour plagiat en raison des similarités importantes entre cette composition et celle remise par une autre équipe de deux élèves de la classe.
Les intervenants scolaires entendus expliquent qu’il n'a jamais été possible de voir clair dans cet incident de plagiat, les quatre élèves impliqués se défendant les uns et les autres. Par ailleurs, la direction de l’école avait offert à A de reprendre le travail, ce que celle-ci avait initialement accepté, mais ses parents ont refusé, soutenant que cela équivaudrait pour leur fille à admettre avoir plagié, ce qu’elle n’avait pas fait. Comme « un travail ayant fait l'objet de plagiat ne comporte plus aucune valeur pédagogique et ne peut ainsi être évalué afin de mesurer et reconnaître les apprentissages des élèves impliqués », il fut décidé de maintenir la note de 0 attribuée aux deux travaux d’équipe.
La demande introductive d’instance comporte trois volets : un pourvoi en contrôle judiciaire, une réclamation de dommages-intérêts et une demande en jugement déclaratoire et injonction permanente.
La norme de contrôle applicable à une décision de l’administration scolaire est celle de la décision raisonnable. Ce n’est donc que si les demandeurs établissent que la décision contestée est déraisonnable qu’il nous sera possible d’intervenir pour la contrôler. Cela dit, les conclusions de la demande introductive des demandeurs n’identifient pas clairement la décision qu’ils souhaitent voir être contrôlée. En effet, ils demandent d’annuler la note de 0 pour le travail en cause, sans préciser s’il s’agit de la décision du conseil d’administration du CSS qui maintient la décision de la direction de l’école concernant l’attribution de la note 0, de celle rendue par la direction de l’école qui a maintenu la note 0 attribuée par l’enseignante Poulin, ou de la décision de cette dernière. Ajoutant à la confusion, lors de l’audition, les demandeurs ont fait référence indistinctement aux trois décisions. Pour le tribunal, cependant, la décision à contrôler est celle rendue par le CA du CSS, puisque cette décision lie la direction de l’école. Cela étant, comme la décision du CA maintient celle de la direction de l’école et, incidemment, celle de l’enseignante, il faudra tout d’abord analyser ces deux dernières décisions pour déterminer si elles pouvaient raisonnablement être rendues.
Les demandeurs ne nous convainquent pas que la décision de la direction de l’école est déraisonnable. Voici pourquoi.
Premièrement, la décision est fondée sur un raisonnement intrinsèquement cohérent. Mme Julien, la directrice adjointe de l’école, a expliqué qu’elle avait pris sa décision de maintenir la note attribuée par l’enseignante après avoir rencontré celle-ci et les quatre élèves impliqués dans l’incident. Elle en est venue à la conclusion que les versions fournies par les élèves lors de leurs rencontres avec elle et avec l’enseignante ne lui permettaient pas de faire la lumière sur l’incident. Or, le tribunal doit constater que le témoignage de l’élève A à l’audience ne permet pas de remettre en question les faits tels que décrits par Mme Julien et l’enseignante Poulin. Dans le cadre d’un contrôle judiciaire, le tribunal doit évaluer la « raisonnabilité » de la décision attaquée en fonction du contexte factuel qui existait lors de cette prise de décision. Or, lorsque la direction de l’école a pris sa décision d’attribuer la note de 0 pour plagiat au travail remis par A, force est de constater que les quatre élèves impliqués dans l’incident continuaient de se défendre les uns et les autres et que leurs réponses aux questions posées ne permettaient pas de comprendre les faits tels qu’ils s’étaient déroulés. Quant au refus subséquent de la direction de procéder à la correction du travail plagié au motif que celui-ci n’avait plus aucune valeur pédagogique, il s’agit d’une décision qui n’apparaît pas davantage comme étant irrationnelle ou illogique, à la lumière des faits alors à la connaissance de la direction.
Deuxièmement, la décision de la direction de l’école est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles qui ont une incidence sur la décision. Les contraintes factuelles qui ont été considérées ont déjà été analysées et il n’y a pas lieu d’y revenir. Quant aux contraintes juridiques, la direction explique avoir pris sa décision en vertu de la Politique d’intégrité en milieu scolaire du PEI, qui traite notamment de plagiat et de la reprise d’un travail. L’interprétation et l’application de ce document sont au coeur du litige et, pourtant, jamais les demandeurs n’y ont fait référence. Au soutien de leurs prétentions, ils citent d’autres règles de droit : l’art. 22, al. 1(4°) de la Loi sur l’instruction publique, les art. 4 et 4.3 de la Politique relative à l’éthique et aux règles de conduite des employés et des intervenants et l’Annexe 1 de cette dernière politique. Toutefois, aucune de ces règles ne permet d’écarter l’application par la direction de l’école de la Politique d’intégrité précitée, surtout dans la mesure où les demandeurs tiennent pour acquis qu’elle est valide. Selon nous, le raisonnement de la direction, à la lumière des faits connus et de la politique applicable, a résulté en une décision qui se justifie au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes.
Puisque nous sommes en matière de contrôle judiciaire, la question n’est pas de savoir si la direction de l’école s’est « trompée », ou si elle a « commis une erreur » en concluant le 6 décembre 2022 à du plagiat. Il faut plutôt déterminer si la décision dans son ensemble est raisonnable et, donc, si elle possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité et si elle est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle-ci. Pour les motifs déjà mentionnés, il faut conclure que c’est ici le cas : dans son ensemble, la décision de la direction de l’école est raisonnable.
La décision subséquente du CA du CSS a été prise sur la base de la recommandation que lui a faite le comité d’examen formé en vertu de l’art. 17.2 du Règlement sur la procédure d’examen des plaintes formulées par des élèves ou leurs parents à la Commission scolaire des Premières-Seigneuries et des art. 9 à 12 de la Loi sur l’instruction publique. Considérant que le comité d’examen a eu accès à la même preuve que celle soumise au tribunal, et qu’il a entendu les mêmes témoins (sauf pour la directrice de l’école, qui n’a pas été entendue par le comité), il n’y a pas lieu de refaire l’exercice de la raisonnabilité déjà effectué pour la décision de la direction d’école. De plus, puisque le tribunal a conclu que la décision de la direction de l’école était raisonnable, il y a lieu de conclure que l’est également celle du CA du CSS qui la maintient.
Vu ce qui précède, le volet « pourvoi en contrôle judiciaire » de la demande introductive d’instance est rejeté.
La réclamation de dommages-intérêts sera aussi rejetée. Les demandeurs allèguent que les défendeurs ont une conduite fautive, puisqu’une enseignante et un CSS placés dans les mêmes circonstances qu’eux n’auraient pas adopté le même comportement. Selon eux, une enseignante et un CSS raisonnables auraient cru A, lui auraient donné le bénéfice du doute et n’auraient pas maintenu la note de 0. Cependant, dans la mesure où le tribunal conclut que la décision d’attribuer cette note est raisonnable et que les faits allégués au soutien de la réclamation de dommages-intérêts ne sont liés qu’aux faits entourant l’attribution de cette note, il est difficile de conclure que la décision est « déraisonnable » ou « fautive » sous la lorgnette du régime de la responsabilité civile.
À tout événement, le tribunal retient que les faits, tels que réellement vécus et perçus par l’enseignante et la directrice adjointe de l’école, étaient suffisants pour leur permettre de conclure, dans leur jugement professionnel et raisonnablement, à la manière d’un enseignant prudent et diligent placé dans les mêmes circonstances, qu’elles étaient face à une situation où quatre élèves donnaient des versions qui ne permettaient pas d’y voir clair dans le rôle de chacun relativement à l’incident de plagiat. Précisons ici que l’obligation qui lie une institution d’enseignement à ses étudiants relève d’une obligation de moyens. Dans un tel contexte, il importe de souligner que les enseignants et les directions d’école peuvent commettre des « erreurs » dans leurs interventions pédagogiques. Ils ne sont pas tenus à la perfection et toute « erreur » ne constitue pas nécessairement une « faute ». Ici, nous sommes d’avis qu’aucune faute civile n’est imputable aux défendeurs.
Considérant les conclusions du tribunal quant aux deux premiers volets de la demande introductive, il n’y a pas lieu de se pencher sur son troisième volet.