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Le manque d’humanité dont le défendeur a fait preuve à l’égard de son neveu, alors qu’il le savait aux prises avec une difficulté profonde d’acceptation de son orientation sexuelle, témoigne de la facilité avec laquelle les gens se laissent aller à la méchanceté sans considération pour le mal qu’ils infligent ou, pire, avec la satisfaction d’avoir porté atteinte à une personne du seul fait de ce qu’elle est. De tels comportements doivent être dissuadés.

Résumé de décision : Ayotte c. Tremblay, T.D.P., 19 avril 2021, EYB 2021-384578
Le manque d’humanité dont le défendeur a fait preuve à l’égard de son neveu, alors qu’il le savait aux prises avec une difficulté profonde d’acceptation de son orientation sexuelle, témoigne de la fac

La preuve établit que Tremblay a tenu des propos et a eu des gestes vexatoires, insultants et inacceptables à l’endroit de son neveu (Ayotte) en lien avec son orientation sexuelle, qui plus est dans un lieu public, à savoir un dépanneur. Ce faisant, il a porté atteinte au droit d’Ayotte d’être traité sans discrimination à cause de son orientation sexuelle et à son droit à la sauvegarde de sa dignité.

Tremblay admet avoir tenu des propos déplacés, mais affirme avoir agi sous le coup de la colère suscitée par le comportement hostile d’Ayotte envers sa fille quelques instants plus tôt. Cette défense de « provocation » n’est pas retenue. Tremblay n’a pas assisté à l’échange intervenu entre sa fille et Ayotte dans le dépanneur et sa fille, qui est une adulte, pouvait se défendre sans lui. De plus, contrairement à ce qu’il a affirmé (à savoir que sa fille avait été bouleversée par l’échange), sa fille a paru dans la vidéo en pleine possession de ses moyens, nullement touchée par les propos d’Ayotte. À tout événement, une telle défense ne peut avoir pour effet d’excuser ou de justifier un comportement discriminatoire. Tremblay lui-même a expliqué que sa famille lui avait signifié qu’il avait dépassé les bornes, signe que sa réaction était le fruit de son incapacité à gérer ses émotions, et que tant les propos qu’il a tenus que le geste disgracieux, voire obscène, qu’il a fait en public n’avaient pour seul objectif que d’humilier son neveu. Enfin, le Tribunal ne peut que constater que Tremblay n’a pas pris conscience, voire refuse de considérer, que ses propos et le geste qui les accompagnaient étaient à caractère homophobe.

Ainsi, par ses propos et ses gestes, Tremblay a contrevenu aux droits d’Ayotte garantis par les art. 10 et 4 de la Charte québécoise.

Ayotte réclame 585 $ à titre de dommages matériels, soit 50 % des honoraires qu’il a payés pour suivre une thérapie. Nous considérons qu’une indemnité représentant 25 % des honoraires en question est raisonnable, ce qui représente 292,50 $. Une somme de 86,28 $ lui est aussi accordée pour les frais de photocopie et d’envois recommandés, ces frais ayant été engagés pour faire valoir ses droits.

Au moment de l’incident, Ayotte était une personne fragile parce qu’il n’acceptait pas son orientation sexuelle et les conséquences que cela avait sur son mariage avec une femme, duquel sont issus deux enfants. Or, comme c’est le cas pour l’auteur d’un délit, l’auteur d’un acte discriminatoire au sens de la Charte doit prendre sa victime comme elle est, et réparer le dommage qu’il a causé même s’il est plus considérable que si la victime avait été une personne « ordinaire ». Ayotte a expliqué les importantes conséquences sur lui des gestes posés à son endroit par son oncle. Son témoignage est corroboré. Un montant de 7 500 $ lui est accordé pour compenser son préjudice moral.

Il convient aussi de condamner Tremblay à payer des dommages-intérêts punitifs de 2 500 $. Il savait ce qu’il faisait et ne pouvait ignorer l’impact de son comportement sur Ayotte. Ajoutons qu’il était très au fait de son problème de gestion de la colère. Il a d’ailleurs menti sur le fait que sa fille était en pleurs après avoir croisé Ayotte dans le dépanneur pour tenter de justifier ses paroles et son geste. Il ne témoigne d’aucun remords pour le stress et l’humiliation qu’il a fait subir à Ayotte et ne semble même pas avoir honte d’avoir eu un comportement dégradant pour lui-même en faisant des gestes obscènes en plein magasin. Il reconnaît que son agressivité généralisée a nui à sa famille et il a accepté de faire une thérapie, mais, lorsqu’il en explique le déroulement, il ne dit rien sur les propos discriminatoires et gestes dégradants qu’il a eus. Il n’est jamais question de s’excuser à son neveu. Il n’est jamais question d’accepter l’entière responsabilité pour son geste. Le manque d’humanité dont il a fait preuve à l’égard de son neveu, alors qu’il le savait aux prises avec une difficulté profonde d’acceptation de son orientation sexuelle, témoigne de la facilité avec laquelle les gens se laissent aller à la méchanceté sans considération pour le mal qu’ils infligent ou, pire, avec la satisfaction d’avoir porté atteinte à une personne du seul fait de ce qu’elle est. Il faut que les invectives à caractère homophobe cessent.

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