Skip to content

Pour avoir envoyé un message texte à son neveu le traitant de cocu, la défenderesse devra payer à la conjointe de celui-ci des dommages-intérêts totalisant 19 000 $. Elle devra aussi lui payer 7 000 $ à titre de compensation financière pour les honoraires judiciaires, puisque ses moyens de défense étaient abusifs.

Résumé de décision : Hamed c. Saucier, C.Q., 18 mai 2021. EYB 2021-391823
Pour avoir envoyé un message texte à son neveu le traitant de cocu, la défenderesse devra payer à la conjointe de celui-ci des dommages-intérêts totalisant 19 000 $. Elle devra aussi lui payer 7 000 $

Le recours découle du message texte que la défenderesse (Louise) a envoyé à son neveu Louis-Philippe (L-P) le 24 décembre 2019. Les deux sont en mauvais termes. Louise y écrit notamment « Joyeuses Fêtes Le Cocu! ». L-P célébrait le réveillon de Noël avec sa conjointe Angela — la demanderesse —, sa mère, sa soeur et son fils. Sur réception du texto, L-P l’a montré à Angela, enceinte de deux mois, et l’a questionnée sur la véracité de ce qui y était écrit devant toute la famille. Angela a nié toute infidélité, mais le doute était semé. L-P a remis en question sa paternité. Tout le monde s’est senti mal à l’aise. Les festivités ont cessé. Par la suite, une tension s’est installée au sein du couple. La mère de L-P s’est aussi questionnée. Malgré la logique, qu’elle voulait appliquer, un doute s’est installé dans son esprit. Comme elle habite avec L-P et Angela, le restant de la période des fêtes a été tendu. Le 20 janvier, Angela a mis Louise en demeure de se rétracter, par courriel. Le refus de celle-ci a renforcé le doute semé dans l’esprit de L-P et de ses proches. Le 24 janvier, Angela a donc décidé de déposer la présente demande en dommages-intérêts pour diffamation et atteinte à la réputation.

Angela a prouvé que les propos écrits à son égard sont faux. Elle a aussi démontré que Louise a écrit ces propos de façon téméraire, puisqu’elle n’avait aucune preuve de ce qu’elle avançait, et de façon négligente, puisque, du propre aveu de Louise, elle ne s’est jamais arrêtée à réfléchir à l’impact que ces mots auraient sur Angela, trop occupée à vouloir blesser son neveu. Or, affirmer qu’une personne a commis l’adultère est calomnieux.

Penser qu’une personne a commis l’adultère entraîne automatiquement chez autrui une perte d’estime et de considération pour cette personne ainsi que des sentiments défavorables. Angela a donc aussi prouvé le préjudice.

Il n’est jamais facile de transposer un préjudice moral en argent. Ici, le tribunal l’évalue à 9 000 $. D’un côté, accuser quelqu’un d’avoir commis l’adultère sans preuve est une faute grave. Le faire en plein réveillon, au moment où l’on sait que la famille est réunie et que le texto aura un plus grand impact et qu’il détruira l’événement heureux, l’humeur festive et conviviale, est machiavélique. Qui plus est, ici, les propos ont été maintenus après l’envoi d’une mise en demeure demandant la rétractation, puis sont réitérés dans la défense. Angela a témoigné que tant sa relation matrimoniale que ses relations familiales ont été affectées. Elle a vécu du stress et s’est inquiétée des conséquences de ce stress sur la santé de son foetus. Son témoignage est corroboré par celui de son conjoint et de sa belle-mère. D’un autre côté, la diffusion a été restreinte aux proches d’Angela et leur confiance envers elle s’est rétablie avec le temps et, surtout, lorsqu’elle a déposé les présentes procédures. On a alors compris qu’elle n’avait rien à cacher.

La situation donne aussi ouverture à l’octroi de dommages-intérêts punitifs. Louise a admis qu’elle était en pleine possession de ses moyens lorsqu’elle a envoyé le texto. Par ailleurs, elle n’a pas démontré à l’audition qu’elle possédait un iota de preuve lui permettant d’écrire qu’Angela avait trompé son mari. C’est donc de façon intentionnelle et mesquine qu’elle a agi. Elle ne pouvait ignorer les conséquences collatérales de son geste sur la réputation d’Angela. Par ailleurs, malgré cette absence totale de preuve, elle n’a pas fait amende honorable. Elle refuse de se rétracter et de s’excuser. Elle ne croit pas que son écrit a eu des conséquences. Elle fait la démonstration d’un manque complet d’empathie. Elle n’a pas compris la gravité de son geste. Il y a donc un fort risque de récidive. Il faut dissuader le recours à l’insulte calomnieuse dans le cours des relations interpersonnelles. Elle a admis sa capacité à payer le montant réclamé de 10 000 $ et celui-ci est accordé.

Les moyens de défense de Louise étaient manifestement abusifs au sens des art.  51 et s. C.p.c. Aucun ne tenait la route. Ils étaient clairement voués à l’échec. Il faut sanctionner une telle façon d’utiliser le processus judiciaire. Pour réparer cet abus, Angela réclame le remboursement de ses honoraires judiciaires de 17 000 $. Cette somme apparaît toutefois très élevée, considérant la faible difficulté du dossier. Sa réclamation à ce chapitre est accueillie jusqu’à concurrence de 7 000 $.

You May Also Like
© Thomson Reuters Canada Limitée. Tous droits réservés. Mise en garde et avis d’exonération de responsabilité.