En juin 2018, Martin Laviolette a acheté une voiture sport d’occasion à la société défenderesse, un concessionnaire automobile qui fait affaire sous le nom de Carrefour Toyota 40-640 (Carrefour). Il allègue que le vendeur lui a fait des fausses représentations avant la vente. Après avoir pris possession du véhicule, il a constaté différentes irrégularités. Par ailleurs, le véhicule a été déclaré non conforme aux normes et la SAAQ a émis une interdiction de circuler. Il réclame l’annulation de la vente et la restitution de ses prestations. Il réclame aussi des dommages-intérêts compensatoires et punitifs Carrefour admet avoir vendu le véhicule en cause à Laviolette, mais elle nie lui avoir fait de fausses représentations.
Carrefour a choisi de faire paraître une publicité sur le site internet autoHEBDO. Celle-ci comprend une photo du véhicule, la mention du modèle (2015 Lexus RC-F Performance Package) et la description suivante : « un proprio, impeccable !!! ». Par ailleurs, Laviolette affirme que le représentant aux ventes lui a mentionné que l’unique propriétaire antérieur du véhicule était un de ses amis, le directeur du concessionnaire Chevrolet 440. Celui-ci aurait utilisé le véhicule pour ses fins personnelles. Laviolette a été influencé par cette déclaration, croyant que le propriétaire d’un véhicule sport de cette qualité y porte un soin attentif. Or, la preuve établit que le véhicule a en fait appartenu à plusieurs propriétaires, soit, dans l’ordre : un concessionnaire Spinelli ; Toyota Crédit ; un autre concessionnaire Spinelli ; un concessionnaire Chevrolet Buick ; et, finalement, Carrefour. Le représentant de Carrefour affirme que, selon son expérience, les propriétaires qui ne sont pas des individus ne doivent pas être dévoilés. En conséquence, il pouvait affirmer que le véhicule n’avait appartenu qu’à un seul propriétaire. Cette affirmation surprenante démontre l’intégration par le concessionnaire d’une pratique illégale dans ses méthodes de vente. Accepter cette théorie permet l’utilisation du véhicule pour des essais routiers, comme véhicule de courtoisie ou pour un usage personnel d’un employé ou propriétaire de concessionnaire sans jamais avoir à révéler ces faits aux consommateurs. Ici, on a passé sous silence le fait que quatre concessionnaires successifs avaient été propriétaires et utilisateurs du véhicule. L’on voit immédiatement l’avantage économique de cette pratique pour les concessionnaires et les conséquences pour les consommateurs. Un consommateur crédule et inexpérimenté est fondé à croire qu’une publicité qui affirme qu’un véhicule n’a eu qu’un propriétaire signifie qu’une seule personne a été propriétaire du véhicule. Le consommateur a droit à ces informations.
L’information inscrite dans la publicité, préparée par Carrefour, est fausse et trompeuse. Elle est donc illégale. Les explications fournies ne sont pas convaincantes. Carrefour soutient que Laviolette a eu accès à un relevé CarProof qui indique le nombre réel de propriétaires. D’une part, cette affirmation ne change en rien la nature de la publicité soumise aux consommateurs. D’autre part, Laviolette affirme ne pas avoir reçu ce document avant l’achat, ce qui a été corroboré par le témoignage d’une représentante de Carrefour. La version de Laviolette est crédible et le Tribunal la retient.
Carrefour a aussi fait de fausses représentations en passant sous silence un fait important dans sa publicité et dans sa documentation, à savoir que le véhicule avait été modifié et qu’il ne s’agissait donc pas d’un modèle « Performance package », comme indiqué. Certes, un connaisseur peut constater que le système d’échappement et les roues du véhicule ne correspondent pas au modèle inscrit dans la publicité. Mais un consommateur crédule et inexpérimenté qui prend connaissance de la publicité, lui, les ignore. Cette omission de dévoiler que le véhicule est modifié constitue une omission de faits importants au sens de l’art. 228 LPC. Comme le souligne à juste titre Laviolette, lorsque le véhicule est modifié, la garantie du fabricant ne s’applique plus.
Ces deux contraventions, soit la mention trompeuse d’un seul propriétaire ainsi que l’omission de dévoiler que le véhicule est modifié, donnent ouverture aux remèdes prévus par la LPC, dont l’annulation de la vente. Le tribunal prend acte de l’engagement de Laviolette à remettre le véhicule. Carrefour devra lui rembourser le prix d’achat (66 790,77 $), avec l’intérêt au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle à compter de la mise en demeure du 22 juillet 2018.
Laviolette a droit au remboursement de l’inspection mécanique effectuée par Lexus Laval (298,88 $), des frais d’immatriculation (187,88 $) et du coût d’installation du système TAG (57,49 $). Il dit avoir payé 170,21 $ pour des tapis et 1 046 $ pour une prime d’assurance, mais il n’a pas déposé de pièces pour soutenir ces réclamations. Celles-ci sont donc rejetées. Il réclame également 10 000 $ à titre de perte de jouissance du véhicule, qu’il dit ne plus utiliser depuis la fin du mois de juillet 2018. Il dépose aussi en preuve la décision prise par la SAAQ le 8 novembre 2018 d’interdire de rouler avec le véhicule. Depuis, il loue un autre véhicule, dont le confort, la performance et l’apparence ne correspondent pas à ceux recherchés. Pour la perte de jouissance, le tribunal lui accorde 2 500 $. Par contre, il n’y a pas lieu de lui accorder le remboursement des paiements de location de l’autre véhicule. Compte tenu de l’annulation de la vente, il recevra la totalité du capital investi ainsi que les intérêts courus sur ce capital jusqu’au présent jugement. Ajouter à ce montant la totalité des frais de location représenterait une double compensation. Cependant, une somme additionnelle de 3 000 $ lui est accordée pour compenser le stress et les inconvénients subis. En tout, c’est donc un montant de 6 044,25 $ que Carrefour devra lui payer au chapitre des dommages compensatoires.
La situation donne aussi ouverture à l’octroi de dommages punitifs en application de l’art. 272 LPC. Carrefour a agi avec insouciance et a fait preuve de négligence sérieuse dans sa relation avec Laviolette. La pratique qui consiste à omettre de dévoiler systématiquement les noms de certains propriétaires lors de ventes aux consommateurs est grave. Par ailleurs, les explications données quant au manque de précision dans la description du véhicule démontrent une insouciance blâmable. Il faut prévenir toute récidive de ces comportements illégaux. Vu l’importance des manquements et l’absence totale de reconnaissance de l’impact de ceux-ci, le tribunal accorde à ce titre une somme de 5 000 $.