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Une femme ayant dit publiquement à une femme portant le hijab de « retourner dans son pays » est condamnée à payer à celle-ci des dommages-intérêts compensatoires de 5 500 $ et des dommages-intérêts punitifs de 2 000 $.

Résumé de décision : Mirouh c. Gaudreault, EYB 2021-384512, T.D.P., 12 mars 2021.
Une femme ayant dit publiquement à une femme portant le hijab de « retourner dans son pays » est condamnée à payer à celle-ci des dommages-intérêts compensatoires de 5 500 $ et des dommages-intérêts p

Après l’avoir nié durant l’enquête, la défenderesse (Gaudreault) reconnaît lors de l’audience avoir dit à la demanderesse (Mirouh) de retourner dans son pays. Elle nie lui avoir aussi dit qu’elle n’avait rien à faire ici, mais les propos « retourne dans ton pays » suffisent pour conclure que Mirouh a été victime de discrimination fondée sur sa religion ou son origine ethnique ou nationale. Le fait que Gaudreault était alors en colère contre Mirouh, qui l’avait suivie dans la Caisse Desjardins et l’avait apostrophée devant plusieurs personnes, ne peut justifier son comportement. Et le fait qu’elle n’ait pas eu l’intention de blesser Mirouh ne signifie pas que son comportement n’était pas discriminatoire. Une différence de traitement n’a pas à être intentionnelle pour contrevenir à l’art. 10 de la Charte. Que Gaudreault ait eu pour réflexe de formuler des propos discriminatoires sous le coup de la colère tend par ailleurs à confirmer l’impression de Mirouh selon laquelle sa remarque préalable au sujet du temps chaud et son geste de la main vers son menton étaient une allusion au hijab. Or, le fait de critiquer une personne ou de se moquer d’elle au motif qu’elle porte un hijab par conviction religieuse, alors qu’il fait chaud, est aussi un comportement discriminatoire prohibé par la Charte. Il y a eu ici atteinte discriminatoire au droit de Mirouh à la sauvegarde de sa dignité, en contravention des art. 10 et 4 de la Charte.

Un montant de 5 500 $ est accordé à Mirouh pour compenser son préjudice moral. Celle-ci a témoigné du stress et de la profonde tristesse ressentis lors des événements et nous avons pu constater qu’elle était encore très troublée par l’incident. Le comportement de Gaudreault était tout à fait gratuit ; en passant à pied à côté d’un véhicule garé dans le stationnement de la Caisse, elle a interpellé la dame qui était assise dans ce véhicule, qu’elle n’avait jamais rencontrée avant. Le tout s’est passé dans un endroit public, sous les regards de quelques clients et membres du personnel de la Caisse. À cela s’ajoute le fait que les propos tenus à Mirouh à l’intérieur la Caisse l’ont été devant les deux filles de cette dernière, alors âgées de 15 et 10 ans.

La situation donne aussi ouverture à l’octroi de dommages-intérêts punitifs. Gaudreault a témoigné qu’« une personne qui porte un voile, ça veut dire qu’elle ne vient pas d’ici ». Ses explications subséquentes démontrent qu’elle perçoit Mirouh comme une étrangère du fait qu’elle porte le voile. C’est ce sentiment qu’elle exprime ouvertement lorsqu’elle lui dit de retourner dans son pays. Elle ne pouvait ignorer les conséquences psychologiques qui découleraient d’un tel comportement d’exclusion. Qui plus est, elle en minimise la gravité et les conséquences. Considérant ses ressources financières limitées et les 5 500 $ qu’elle est déjà condamnée à payer, un montant de 2 000 $ est jugé suffisant pour dénoncer le genre de comportement qu’elle a eu, la dissuader de le répéter et convaincre toute autre personne de s’abstenir d’agir de la même façon.

La demande de Mirouh d’ordonner à Gaudreault de lui présenter une lettre d’excuse est rejetée. Pour qu’une telle mesure de réparation ait une portée réelle, la personne concernée doit être sincère et chercher à s’amender. Or, tel n’est pas le cas de Gaudreault. Dans ces circonstances, la forcer à écrire une lettre d’excuse consisterait en une mesure coercitive sans utilité réelle. La demande qu’elle soit condamnée « à suivre des formations et des ateliers de sensibilisation aux principes de non-discrimination énoncés dans la [Charte] » est rejetée également. Telle ordonnance est trop large et imprécise pour être exécutoire ; il aurait fallu diriger Gaudreault vers une formation en particulier.

Il n’y a pas lieu non plus, en l’absence d’un abus de procédure de la part de Gaudreault, de condamner celle-ci à rembourser à Mirouh ses frais d’avocat.

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