Le projet de loi visant l'adoption du budget fédéral annoncé la semaine dernière propose d'allonger le terme de protection des enregistrements sonores, tel qu'énoncé dans la Loi sur le droit d'auteur. Selon l'amendement proposé, la durée pour laquelle les enregistrements tels que les chansons endisquées demeureraient protégés passerait de cinquante ans à soixante-dix ans.
Le gouvernement conservateur profite donc à nouveau de la loi visant à adopter le budget pour modifier le droit de la propriété intellectuelle au Canada, sans trop de consultation de l'industrie ou de la profession juridique. Bien que l'amendement proposé ici ne touche que les enregistrements sonores (et non les autres types d'œuvres comme les œuvres littéraires ou artistiques), le changement a tout de même de quoi surprendre, puisqu'il n'existait pas à l'heure actuelle de demande énoncée ou de débat visant un tel changement du droit canadien. Cela dit, un tel changement aurait tendance, tout comme les changements apportés à la Loi sur les marques de commerce l'an dernier, à aligner notre droit sur celui des principaux partenaires commerciaux du Canada, dont les États-Unis.
À titre informatif, les enregistrements sonores ont cela de particulier, en droit canadien, qu'ils demeurent protégés par notre Loi sur le droit d'auteur pour une durée comptabilisée à compter de la publication initiale. Il s'agit là d'une règle qui diffère de la règle plus habituelle en fait de durée des droits d'auteur. En effet, la règle applicable aux autres types d'œuvres veut qu'elles demeurent généralement protégées pour cinquante ans à compter de la mort de l'auteur. Étant donné que les détenteurs des droits quant aux enregistrements sonores (cf. les maisons de disques) sont habituellement des sociétés, une règle basée sur la mort de l'auteur aurait été boiteuse, vous le comprendrez. Notre droit prévoit donc une règle de fixation de la durée des droits d'auteur quant aux enregistrements sonores fixant la fin de la période de protection à compter de la publication de l'œuvre. C'est cette période qui viendrait être modifiée par le projet de loi publié la semaine dernière.
À tout événement, le changement proposé viendrait sauver plusieurs chansons endisquées dans les années 60 et qui, à défaut, tomberaient sous peu dans le domaine public. Certaines œuvres de ce type le sont d'ailleurs déjà, restera quant à elles à savoir si la mise en œuvre de l'amendement en question rendra le tout rétroactif ou non. Nous n'avons pas encore de détails quant à la mise en œuvre du changement annoncé (c.-à-d. comment en pratique on appliquera la règle). Il est à prévoir que la mise en œuvre de cet amendement se concrétisera sans doute au cours de la prochaine année, en présumant que ce projet de loi sera effectivement adopté -- ce qui semble faire peu de doute, compte tenu de la majorité conservatrice au Parlement.