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La Convention de Vienne applicable à des licences de logiciels ? Oui, selon une décision hollandaise récente

Par Me Sébastien Lapointe, Techtonik Legal inc.
La Convention de Vienne applicable à des licences de logiciels ? Oui, selon une décision hollandaise récente

Nouvelle intéressante dans le domaine du droit et des logiciels la semaine dernière, alors qu’un correspondent européen rapportait une décision hollandaise statuant que la Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises (qu’on nomme souvent la « Convention de Vienne », ou la « CVIM ») peut s’appliquer à un contrat de licence logicielle.

Telle qu’on la conçoit normalement, la CVIM s’applique aux contrats de vente entre deux parties situées dans des pays différents. Comme son nom l’indique, le sujet des contrats en question devra généralement viser de la MARCHANDISE, c.-à-d. quelque chose de tangible. Or, cette décision d’un tribunal européen vient appliquer la CVIM à un contrat de licence entre la société canadienne Corporate Web Solutions Ltd. (« CWS ») et un client en Hollande quant à un logiciel qu’il a téléchargé par Internet. Ici, CWS produit un logiciel qu’un individu hollandais avait téléchargé, puis transféré à sa société (c.-à-d. un tiers), violant ainsi les modalités de la licence acceptée en ligne lors du téléchargement initial.

Selon cette décision, oui, un contrat de licence de logiciel peut attirer l’application de la CVIM, puisqu’une marchandise peut être (et c’est la nouveauté qui nous surprend ici) soit tangible ou intangible. Il y a de quoi s’étonner du raisonnement appliqué par ce jugement, alors que la communauté juridique en est venue à ce qui nous semblait un consensus relativement généralisé que la description de MARCHANDISE dans ce traité se limite à ce qui est tangible. En effet, selon ce qui est généralement accepté, on doit être en présence d’un contrat de VENTE pour que la CVIM s’applique – pas seulement d’une licence, comme c’est le cas en temps normal en matière de logiciels.

Apparemment, le tribunal ici a tracé un parallèle avec un contrat de vente basé notamment sur l’absence d’un terme (malgré que les licences soient souvent perpétuelles) et le paiement d’un prix unique (malgré que les redevances en matière de logiciels soient souvent ainsi structurées). La décision impliquant CWS et Verndorlink conclut donc qu’un contrat de licence peut équivaloir à un contrat de vente de marchandises, aux fins de l’application de la CVIM.

On remarquera qu’en droit, la qualification juridique de la licence demeure problématique même au Québec. S’il s’agit d’une vente, alors la garantie de qualité s’applique, etc. Une telle qualification peut donc s’avérer particulièrement désavantageuse pour le concédant de la licence, lequel préférera généralement limiter sa responsabilité (et la garantie applicable) à celle qu’on énonce expressément dans le contrat.

Du point de vue de la CVIM, son application éventuelle à un contrat de licence peut aussi s’avérer très désavantageuse pour un producteur de logiciels, notamment en prohibant toute clause interdisant (comme le font 99 % des licences) de transférer la licence ou le logiciel à un tiers. C’est d’ailleurs ce qui est arrivé dans le cas de CWS et Verndorlink, alors que le litige a justement été déclenché par la tentative du licencié initial de transférer sa licence à un tiers. On le comprendra, ce genre de décision judiciaire a de quoi alarmer les sociétés productrices de logiciels.

Devant l’existence de jurisprudence comme celle-ci, il y a tout lieu de s’assurer que tout contrat de licence préparé par ou pour un concédant contienne une clause d’exclusion expresse de l’application de la CVIM. On voit parfois cette clause dans les contrats de licence, mais la décision impliquant VWS démontre pourquoi son inclusion ne relève pas de la paranoïa des conseillers juridiques !

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About the Author

Maître Sébastien Lapointe œuvre depuis plus de vingt ans en pratique privée centrée sur le droit des affaires et, en particulier, l’interaction entre celui-ci et les questions de propriété intellectuelle, dont de droit des technologies. Sa pratique se centre particulièrement sur l’enregistrement de droits de propriété intellectuelle et les ententes de transfert de droits et de technologies, dont les licences, et ce, autant au Canada qu’à l’étranger.

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