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Ordonnance de type Norwich dans l'affaire Voltage : la Cour fédérale se prononce quant aux frais que peut exiger un FSI pour identifier l'un de ses utilisateurs

Par Me Sébastien Lapointe, Techtonik Legal inc.
Ordonnance de type Norwich dans l'affaire <em>Voltage</em> : la Cour fédérale se prononce quant aux frais que peut exiger un FSI pour identifier l'un de ses utilisateurs

Nouvelle décision cette semaine dans l’affaire Voltage, alors que la Cour fédérale rendait sa décision attendue relative aux frais à rembourser, en pratique, à un fournisseur de services Internet (« FSI ») qui doit consulter ses registres pour identifier l’usager se cachant derrière telle ou telle adresse IP. La décision en question, Voltage Pictures v. Salna et al. (2019 FC 1047), vient finalement ordonner au requérant de payer la somme de 67,23$ à Rogers pour identifier des usagers à des moments précis.

Comme on s’en souviendra, la Cour suprême du Canada statuait il y a quelques mois qu’un FSI ne peut être compensé pour poser les gestes qui découlent du régime d’avis et avis en vertu de la Loi sur le droit d’auteur (« LDA »), mais qu’il peut néanmoins l’être pour les gestes que lui ordonne de poser une ordonnance judiciaire de type Norwich rendue en 2016.

La Cour suprême renvoyait donc l’affaire en Cour fédérale, en demandant à celle-ci de statuer quant aux coûts précis que le requérant devrait payer à Rogers pour ses efforts visant à identifier un (ou des) usager(s) ayant prétendument contrefait des droits d’auteurs. La question qui s’est alors posée était de savoir dans quelle mesure un FSI visé par une telle ordonnance pouvait exiger d’être compensé. Bien que la Cour suprême ait confirmé que Rogers avait droit d’être compensé par le requérant pour ses efforts rendus nécessaires par l’ordonnance, la question demeurait maintenant cependant de savoir à quelle hauteur. La Cour suprême parlait de frais « raisonnables » — mais encore ?

Le requérant ici alléguait qu’un montant raisonnable devrait osciller entre 3,00$ et 5,00$ par adresse. Rogers, elle, prétendait que le montant devrait être passablement plus élevé, compte tenu du temps requis pour accomplir la tâche visée en pratique, peut-être même sur la base d’un taux horaire de 100,00$ l’heure. Selon la preuve présentée par Rogers, son équipe doit effectuer une série d’opérations préalablement à fournir le nom d’un usager, incluant cinq étapes distinctes. Selon elle, puisque cela prend 12 minutes pour effectuer une identification (incluant les cinq ou six étapes requises) et que l’ordonnance exigeait de révéler les usagers utilisant une adresse à cinq moments précis, la tâche visée impliquait donc une heure de travail. Pour Rogers, la compensation raisonnable se calculerait donc à 100,00$, logiquement.

Malgré la contention de chacune des parties, en pratique, après avoir examiné la description spécifique du travail que l’identification d’un usager de Rogers impliquait chez elle, le juge Boswell de la Cour fédérale réitère que Rogers a droit d’être compensé pour le temps de ses employés (passé à faire autre chose que de se conformer au régime d’avis et d’avis de la LDA), mais selon un calcul qui doit s’avérer raisonnable. Dans les circonstances, le travail effectué par Rogers et qui peut être compensé visait quatre types de tâches :

    1. reviewing the order and identifying the relevant Rogers IP addresses; this step takes 1.65 minutes per time stamp;
    2. logging the request to permit it to be tracked through the workflow process, and also to ensure that the screenshots and information generated and saved during the search can be found in the future if needed; this step takes 0.7 minutes per time stamp;
    3. linking between the cable modem and the customer name and current address on file in Rogers’ billing system; this takes 19.4 minutes per time stamp; and
    4. compiling all of the information into an Excel file; this step takes 1.3 minutes per time stamp.

C’est donc dire que Rogers a pris 23 minutes pour chaque requête visant un moment précis, à savoir près de deux heures au total, pour cinq telles analyses. Selon le juge, compte tenu de ce qui devait être fait et comparé à d’autres FSI dont on a les chiffres (par ex., Bell prend 20-45 minutes par adresse IP), ce temps chez Rogers s’avère raisonnable. Reste alors à déterminer quel doit être le taux horaire applicable.

Selon le juge Boswell, un taux de 100,00$ l’heure pour le travail de Rogers s’avère exagéré, que le jugement de la Cour suprême ne l’empêche pas selon lui de remettre en question. La preuve démontre qu’il en coûte à Rogers environ 35,00$ l’heure (en salaires) pour son service responsable de l’identification des usagers. Ce faisant, le juge de la Cour fédérale détermine finalement qu’un taux de 35,00$ l’heure s’avère raisonnable quant aux tâches dont il est ici question. Le juge évacue ici tous les autres coûts que Rogers proposait d’inclure. Selon le juge, c’est seulement le temps des employés qui s’avère pertinent.

Si l'on multiplie ce taux par environ deux heures de travail (pour cinq moments précis) au total, on parvient à un montant de 67,23$ au total. C’est donc ce que Voltage doit payer à Rogers pour l’identification requise par l’ordonnance de type Norwich dont il était question ici.

Ce jugement attendu par l’industrie commence donc à nous donner une idée de l’ampleur des frais que doivent supporter les requérants utilisant une ordonnance de type Norwich, comme c’était ici le cas, pour forcer un FSI à identifier un (ou des) défendeur(s). Bien que cette décision n’établisse pas un réel barème quant aux frais de FSI, elle nous donne une bonne idée de l’ampleur des frais à rembourser aux FSI en pareilles circonstances. Bien que le montant dont il est ici question s’avère modeste, les auteurs et entreprises désireux d’entreprendre de tels recours à l’avenir (particulièrement quant à des groupes d’usagers) feraient bien de prendre note du genre de montants dont il est ici question quant au travail à faire faire par un FSI pour identifier chaque usager.

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About the Author

Maître Sébastien Lapointe œuvre depuis plus de vingt ans en pratique privée centrée sur le droit des affaires et, en particulier, l’interaction entre celui-ci et les questions de propriété intellectuelle, dont de droit des technologies. Sa pratique se centre particulièrement sur l’enregistrement de droits de propriété intellectuelle et les ententes de transfert de droits et de technologies, dont les licences, et ce, autant au Canada qu’à l’étranger.

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