Dans un exemple assez frappant des possibilités que nous offre l’intelligence artificielle (l’« IA » ou l’« AI » de l’acronyme en anglais), la maison d’encans Christie’s vendait ce matin une peinture récente pour plusieurs centaines de milliers de dollars. Banal ? Pas quand on considère qu'Edmond de Belamy, from La Famille de Belamy est le fruit d’un algorithme créé par un collectif français explorant l’interface entre l’art et l’IA. L’auteur dans ce cas est ni plus ni moins qu’un programme auquel on a donné accès à quelques milliers de peintures avant de lui faire produire sa propre œuvre.
Question intéressante qui confronte désormais le droit avec des exemples de plus en plus fréquents de ce genre d’anecdote : à qui les droits de propriété intellectuelle de telles créations appartiennent-ils ? En existe-t-il même ? Sans grande surprise, le droit d’auteur n’a rien à dire sur cette question, présumant depuis toujours qu’un auteur requiert la personnalité juridique pour s’avérer un créateur qu’on peut récompenser avec la paternité d’une œuvre. À la base, le droit envisage ce problème de paternité d’une œuvre d’IA aussi mal que celle de la paternité d’une photographie prise par un primate ; notre droit n’a tout simplement pas évolué de façon à aisément considérer cette question. À moins d’amendements législatifs, nos régimes des droits d’auteur peinent à intégrer la façon d’assigner les droits d’auteur issus d’une telle création d’origine non humaine.
La problématique se pointe d’ailleurs déjà aussi avec des inventions (on l’espère, brevetables) générées non par un cerveau humain, mais bien par des inventeurs IA. Des demandes d’enregistrement de brevets d’invention existent déjà qui citent des inventeurs informatiques pareils, lesquels peuvent aujourd’hui s’avérer les véritables générateurs d’idées brevetables, sans que des humains soient réellement derrière les inventions en question. Pour l’instant, la question demeure entière.
Si on revient à la peinture vendue ce matin, l’une des questions immédiates est de savoir qui doit être mentionné comme le créateur de l’œuvre en question et si, par exemple, des tiers comme moi peuvent légalement la reproduire sans risquer de contrefaire les droits d’un tiers, comme les individus ayant collaboré à la création de l’algorithme GAN. Personnellement, je préfère ne pas prendre de risque et vous pouvez donc voir l’œuvre en question sur d’autres sites.
En attendant, le monde des arts est lui aussi aux prises avec un dilemme à ce sujet, à savoir si on doit accepter qu’une telle œuvre puisse réellement se qualifier d’art. Dans un questionnement qui rappelle celui des œuvres de Pollock ou de Warhol, une façon de concevoir le tout constitue la nouvelle frontière de l’art. Peut-être peut-on simplement voir dans cette histoire la naissance d’une nouvelle forme de création qui prendra sa place dans le monde de l’art et, éventuellement il n’y a pas à en douter, d’une façon ou d’une autre en droit.