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Consommateur crédule et inexpérimenté : un concept du droit de la consommation importé en droit disciplinaire

Par Me Charlotte Montmarquette
Consommateur crédule et inexpérimenté : un concept du droit de la consommation importé en droit disciplinaire

Depuis 1971, les consommateurs québécois bénéficient de nombreuses protections prévues à la Loi sur la protection du consommateur, RLRQ c. P-40.1 (ci-après « L.p.c. ») lorsqu’ils se procurent notamment un bien ou un service auprès d’un commerçant. Certaines restrictions limitent néanmoins l’application de cette loi à caractère social. À titre d’exemple, la Cour d’appel a jugé qu’un pharmacien qui agissait comme professionnel en vendant des médicaments sous ordonnance n’était pas soumis aux dispositions de la L.p.c. puisqu’il n’était pas considéré comme un commerçant dans cette situation (Brousseau c. Laboratoires Abbott limitée, 2019 QCCA 801).

Qu’un professionnel soit soumis ou non à la L.p.c., il demeure assujetti à son code déontologique et au Code des professions, RLRQ c. C-26, lequel, tout comme la L.p.c., vise à protéger le public.

Des dispositions destinées à contrer les publicités trompeuses se trouvent dans certains codes déontologiques des ordres professionnels. Le Code de déontologie des médecins, RLRQ c. M-9, r. 17, par exemple, prévoit à son article 88.0.1 que « [l]e médecin qui s’adresse au public doit communiquer une information factuelle, exacte et vérifiable ». Conformément à cette disposition, un médecin qui avait publicisé des informations concernant la technique d’un nouveau facelift, selon lesquelles les patients qui subissaient cette intervention paraissaient 13 ans plus jeunes, a fait l’objet d’une plainte de la part de son syndic. La Cour supérieure devant juger cette affaire de droit disciplinaire (Fanous c. Tribunal des professions, 2020 QCCS 2411) s’est alors inspirée de l’arrêt Richard c. Time Inc., 2012 CSC 8, rendu par la Cour suprême dans le contexte de pratiques de commerce interdites commises en contravention de la L.p.c. Jugeant que les principes qui se dégageaient de cet arrêt trouvaient également application en matière disciplinaire, la juge écrit que « [l]a publicité et le critère de l’impression générale doivent être évalués dans une perspective d’un “consommateur moyen, crédule et inexpérimenté”, sans qu’intervienne nécessairement un expert ». Ce jugement a fait l’objet d’une permission d’appeler (2020 QCCA 1417), le médecin requérant prétendant alors qu’il ne fallait pas recourir au critère du consommateur crédule et inexpérimenté, élaboré en droit de la consommation. Selon lui, il devait plutôt être question d’une évaluation subjective visant à déterminer ce qu’une personne profane de la médecine penserait de la publicité. La Cour d’appel n’a pas retenu ces allégations et a rejeté la demande pour permission d’appeler, jugeant que les conditions prévues à l’article 30 C.p.c. pour son octroi n’étaient pas satisfaites. Elle conclut en affirmant : « Considérant que les codes de déontologie visent la protection du public, il n’y a pas là d’erreur révisable [dans le jugement de première instance] et le résultat me semble tout à la fois logique et juste. »

Un raisonnement découlant aussi de l’arrêt Richard c. Time Inc., voulant cette fois qu’une publicité doive être évaluée dans sa globalité, était aussi étayé dans un dossier de droit disciplinaire concernant un pharmacien. Ce dernier avait publié dans un journal local une publicité contrevenant à l’article 50 de son code déontologique (Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. Hassan, EYB 2019-383956 (C.D.O.P.P.Q.)).

Il est donc intéressant de constater que l’interprétation large et libérale prévalant en droit de la consommation se retrouve également, dans certaines circonstances, en droit disciplinaire en matière de publicités.

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About the Author

Me Charlotte Montmarquette est avocate depuis 2018 et elle est titulaire d’un diplôme de deuxième cycle en common law et droit transnational (Juris Doctor) de l’Université de Sherbrooke. Elle s’est jointe à l’équipe de Thomson Reuters en 2019 à titre de rédactrice juridique. Depuis ce moment, elle a participé à la rédaction de nombreux ouvrages juridiques tels : Le Grand collectif : Code de procédure civile : commentaires et annotations, La responsabilité civile et Frais de justice : législation annotée. Forte également de son expérience dans le domaine des communications, elle souhaite vulgariser l’information juridique pour permettre à un maximum de personnes de la comprendre : l’accès au droit et à la justice lui est primordial.