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L’assurance des copropriétés divises : l’unité de référence; une nouvelle obligation pour les promoteurs et syndicats

Me Clément Lucas, de Grandpré Joli-Cœur
L’assurance des copropriétés divises : l’unité de référence; une nouvelle obligation pour les promoteurs et syndicats

Ceci est notre deuxième chronique1 sur la réforme de l’assurance des copropriétés divises2 dont l’entrée en vigueur est progressive3. Certaines des dispositions sont entrées en vigueur le 13 décembre 2018.

Parmi celles-ci, l’article 1070 du Code civil du Québec est modifié pour y ajouter ce qui suit : « Le syndicat tient enfin à la disposition des copropriétaires une description des parties privatives suffisamment précise pour que les améliorations apportées par les copropriétaires soient identifiables. Une même description peut valoir pour plusieurs parties lorsqu’elles présentent les mêmes caractéristiques »4.

Un nouvel article 1106.1 est aussi ajouté au Code civil du Québec : « Dans les jours suivant l’assemblée extraordinaire des copropriétaires, le promoteur doit remettre au syndicat la description des parties privatives prévue à l’article 1070 »5.

Ces ajouts seront applicables le 13 décembre 2018 pour les copropriétés établies à compter du 13 juin 2018 et au 13 juin 2020 pour les autres6.

L’ensemble vise à aborder des problématiques pratiques vécues en copropriété.

Une mise en contexte s’impose. Le syndicat a l’obligation légale d’assurer l’entièreté de l’immeuble incluant les parties privatives à la seule exclusion des améliorations à celles-ci. De son côté, chaque copropriétaire a l’obligation7 d’assurer les améliorations à sa partie privative. En cas de sinistre, les dommages ne s’arrêtent généralement pas à la frontière des améliorations et bien souvent tant les parties privatives que les parties communes sont affectées. S’enclenchent alors des débats plus ou moins heureux entre les différents assureurs au sujet de ce qui constitue ou non une amélioration.

Pour tenter de faciliter le règlement des sinistres et probablement dans l’objectif d’« éviter des problèmes juridiques et pratiques liés aux […] conflits entre experts relativement à l’évaluation du préjudice »8, le législateur vise ainsi à imposer au syndicat de verser au registre de copropriété « une description des parties privatives suffisamment précise pour que les améliorations apportées par les copropriétaires soient identifiables ».

On ne parle pas ici de registre des améliorations, mais d’une description permettant de les identifier. Ce mécanisme s’inspire notamment de ce qui existe en Ontario9.

Pour les copropriétés les plus récentes10, l’obligation échoit d’abord au promoteur qui doit remettre ce document au plus tard dans les 30 jours de la fin de son administration provisoire. Pour toutes les autres, cette obligation revient au conseil d’administration.

En cas de défaut, à cet égard, les conséquences pourraient être lourdes. Pour les copropriétés établies avant le 31 octobre 2017, la Loi prévoit en effet qu’elles seront réputées ne comporter aucune amélioration :

« Pour l’application de l’article 1070 du Code civil, modifié par l’article 638 de la présente loi, dans les copropriétés divises établies avant le 31 octobre 2017, les parties privatives sont réputées, dans l’état où elles se trouvent à cette date, ne comporter aucune amélioration apportée par un copropriétaire, à moins que le syndicat n’ait déjà mis à la disposition des copropriétaires une description des parties privatives conforme à cet article ».

Il pourrait en résulter des situations d’insuffisance d’assurance puisque l’étendue de l’obligation d’assurance du syndicat s’en trouvera dans la très large majorité des cas étendue. Si aucune modification n’est effectuée à la couverture d’assurance et notamment au montant assuré, il sera possible aux assureurs d’invoquer cette situation et notamment d’appliquer la règle proportionnelle11 en cas de sinistre afin de verser une indemnité en dessous des dommages réels. Or, une insuffisance d’assurance n’est généralement pas couverte par l’assurance responsabilité civile des administrateurs plaçant ces derniers en situation à risque12.


1. Voir notre première chronique : L’assurance des copropriétés divises : nouvelles règles applicables à partir du 13 décembre 2018… et de nombreux questionnements du 16 novembre 2018

2. Loi visant principalement à améliorer l’encadrement du secteur financier, la protection des dépôts d’argent et le régime de fonctionnement des institutions financières (ci-après appelée la « Loi »), L.Q. 2018, c. 23, voir les articles 636 à 653.

3. Art. 636 à 653 de la Loi.

4. Art. 638.

5. Art. 648.

6. Art. 652 et 814, 2o de la Loi.

7. De par l’effet de la déclaration de copropriété ou de ses engagements envers son créancier hypothécaire. 

8. Déjà un objectif du législateur en 1992 ; Commentaires du ministre de la Justice, Loi sur l’application de la réforme du Code civil, L.Q. 1992, c. 57.

9. Notamment art. 56(1)h) du Condominium Act, 1998, S.O. 1998, c. 19 qui mentionne un règlement à ce sujet. 

10. Les copropriétés établies à compter du 13 juin 2018, c’est-à-dire pour lesquelles la déclaration de copropriété a été publiée le ou après le 13 juin 2018 (art. 1038 C.c.Q.). 

11. Art. 2493 C.c.Q. ; pour un arrêt de principe sur le sujet : Intact, compagnie d'assurances (Compagnie d'assurances ING du Canada) c. Harvey, 2011 QCCA 712 (CanLII).

12.Marineau c.Syndicat de la copropriété Pimbina - phase 1, 2014 QCCQ 9625 (CanLII).

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About the Author

Me Clément Lucas est avocat associé au sein du cabinet De Grandpré Jolicoeur s.e.n.c.r.l. (DJC).

Il représente et conseille dans les divers domaines du droit immobilier et notamment en droit de la copropriété divise ou indivise. Il intervient tant devant les différentes instances judiciaires que les instances d’arbitrage qui sont un important volet de pratique en  copropriété.

Me Clément Lucas est également arbitre notamment en copropriété et dans le cadre des arbitrages de plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (GAMM). Il est également accrédité par l’Institut de médiation et d’arbitrage du Québec (IMAQ) et par le Ministère de la justice du Québec (MJQ).

Me Clément Lucas agit occasionnellement comme avocat-conseil dans le cadre de procédures d’appel ou nécessitant une expertise en droit immobilier et spécialement en droit de la copropriété divise ou indivise. Il agit également comme maître de stage et mentor auprès de ses pairs et anime à cet égard les formations internes. Il agit également comme formateur ou présentateur à l’externe pour la magistrature, le public, les membres d’autres ordres professionnels.

À cet égard, il a dispensé de la formation ou effectué des présentations devant certains Tribunaux, l’Ordre des évaluateurs agréés du Québec, la Chambre d’assurance de dommages, le Barreau du Québec et à présent l’Association du Barreau Canadien. Les formations données portent ou ont porté sur divers sujets et notamment celui de l’assurance en copropriété divise, la médiation et l’arbitrage en copropriété ou encore la planification des grands travaux en copropriété.

Il est l’auteur ou le co-auteur de divers ouvrages et articles de doctrine, dont la chronique mensuelle des Actualités juridiques en copropriété.