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La Cour d’appel confirme une décision condamnant la Ville de Montréal à payer 15,9 M$ au syndic de faillite de la Société de vélo en libre-service (Bixi), tout en précisant que la Ville peut présenter une réclamation de 31,7 M$ au syndic

Résumé de décision : Syndic du Système de bicyclette public, société de vélo en libre-service, EYB 2019-311004 (C.A., 7 mai 2019)
La Cour d’appel confirme une décision condamnant la Ville de Montréal à payer 15,9 M$ au syndic de faillite de la Société de vélo en libre-service (Bixi), tout en précisant que la Ville peut présenter

La Ville de Montréal appelle du jugement de première instance qui la condamnait à payer 15 915 069 $ au syndic de la Société de vélo en libre-service (Bixi), un montant qui représenterait la valeur des biens qu'elle a pris en paiement au terme du jugement Schrager, dans le contexte de la faillite de Bixi. Selon le juge de première instance (juge Castonguay), l'activité de Bixi était de nature commerciale. Puisque l'art. 1 de la Loi sur l'interdiction de subventions municipales (LISM) empêche une municipalité de venir en aide à un établissement commercial, le prêt et l'hypothèque seraient nuls de nullité absolue, ce qui commanderait la restitution des prestations.

Le jugement Schrager n'a pas force de chose jugée en ce qui concerne la validité du prêt et de l'hypothèque. Il ne faisait qu'autoriser le délaissement des biens aux fins d'une prise en paiement, comme en avaient convenu les parties. Notons que cette décision s'inscrivait dans un contexte de faillite. Or, un syndic de faillite a le pouvoir d'intervenir pour reconstituer le patrimoine du débiteur ou pour protéger l'actif de la faillite.

L'art. 91(2) de la Loi sur les compétences municipales (LCM) permet à une municipalité d'accorder une aide pour une initiative de bien-être de la population, sur son territoire ou hors de celui-ci. La Ville avait initialement mandaté la Société en commandite Stationnement de Montréal (SCSM) pour implanter un système de vélos en libre-service à Montréal. Ce mandat a ensuite été élargi par SCSM et Bixi. Le juge de première instance n'a pas commis d'erreur révisable en venant à la conclusion que la Ville était venue en aide à un établissement commercial au sens de la LISM. Ce concept doit être analysé à la lumière de l'intention du législateur qui était de protéger les municipalités d'un endettement excessif. Un établissement commercial est un endroit où l'on propose la vente ou l'achat de marchandises et tout endroit où l'on offre des services. Puisque la LCM prévoit que la LISM ne s'applique pas à certains types d'aide accordés à des organismes à but non lucratif, il faut en conclure, a contrario, qu'un organisme à but non lucratif (comme Bixi) peut être qualifié d'établissement commercial. La preuve démontre incontestablement que la principale source de revenus de Bixi était la commercialisation internationale du concept de vélos en libre-service. Selon le juge Castonguay, l'exception de l'art. 91 LCM ne pourrait s'appliquer à Bixi, puisque les activités montréalaises de cette dernière ne représentaient qu'une petite partie de ses activités. En conséquence, le prêt doit être frappé de nullité absolue. Il en va de même de l'hypothèque qui en est l'accessoire.

Lorsqu'un contrat est frappé de nullité, la restitution des prestations doit normalement s'ensuivre. Bien que la restitution se fait plus souvent en nature, elle peut se faire par équivalent. Puisque la Ville entend conserver les actifs pour continuer à offrir le service de vélo, elle doit en restituer l'équivalent, lequel sera évalué en date de la prise en paiement. Le juge Castonguay n'a pas commis d'erreur manifeste et déterminante en fixant cette valeur à 15,9 M$ en se basant sur la seule preuve disponible : les actifs internationaux ont été vendus pour 4 M$ et les actifs montréalais avaient une valeur comptable de 11,9 M$.

Le juge ne s'est pas prononcé sur la restitution par Bixi du solde dû sur le prêt. Évidemment, la faillite empêche Bixi de rembourser ce solde. Il convient ainsi de déclarer que la Ville est créancière chirographaire pour 31,7 M$ en application du principe de restitution des prestations. Elle pourra présenter une réclamation au syndic de faillite.

Il n'y a pas lieu d'opérer compensation entre le solde du prêt et la valeur des biens. Même si les obligations sont nées avant la faillite, elles sont devenues exigibles après. En délaissant volontairement ses biens alors qu'elle était insolvable, Bixi a effectué un paiement préférentiel au sens du par. 95(1) de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité. Celui-ci est inopposable au syndic. En dépit de la disparition du terme « frauduleux » à l'art. 95 LFI, ce paiement préférentiel est considéré comme étant une préférence frauduleuse au sens du par. 97(3) LFI, ce qui a pour effet de proscrire la compensation. Notons que, dans le contexte de la LFI, le terme « frauduleux » signifie « en fraude des droits des autres créanciers ».


Ce résumé est également publié dans La référence, le service de recherche juridique en ligne des Éditions Yvon Blais. Si vous êtes abonné à La référence, ouvrez une session pour accéder à cette décision et sa valeur ajoutée, incluant notamment des liens vers les références citées et citant.

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