Les parties sont mariées, mais en instance de divorce. Un dossier familial est ouvert en Cour supérieure, dans la séquence 12 (le dossier 12). Ce dossier de divorce implique également les deux enfants mineures des parties. Ces dernières s'opposent également dans un autre dossier, dans la séquence 17 (le dossier 17). Madame demande de joindre les instances dans les dossiers précités, de casser la citation à comparaître la convoquant à un interrogatoire sur affidavit le 22 décembre dernier, et de décréter la gestion particulière du dossier 12. Monsieur s'oppose aux demandes de jonction d'instances et de cassation de citation à comparaître et il demande la remise sur le débat sur la gestion particulière de l'instance.
Tout d'abord, la demande de remise sur le volet gestion particulière de l'instance est accordée, puisqu'il n'y a pas d'urgence en soi. Surtout, le protocole de l'instance est conçu et exigé pour que les parties s’acquittent de leur devoir de coopération et veillent de la sorte à s'entendre sur une séquence de démarches limitant l'affaire à ce qui est strictement nécessaire. Le protocole de l'instance n'est pas un simple document de base auquel chaque partie est ensuite libre d'ajouter toute démarche additionnelle qui lui traverse l'esprit. Ce serait alors agir en vue de nuire à la partie adverse, de façon excessive ou déraisonnable, à l'encontre des exigences de la bonne foi. Ainsi, les parties devront discuter de l'opportunité d'une gestion particulière, tenter d'en convenir dans le protocole de l'instance, et en dernier ressort, préparer chacune un projet de protocole d'ici le 9 janvier 2017.
La même logique doit prévaloir au sujet de l'interrogatoire de madame. Le Code de procédure civile ne distingue plus entre l'interrogatoire sur déclaration sous serment (interrogatoire sur affidavit), l'interrogatoire avant défense et l'interrogatoire après défense. Il ne traite plus que de l'interrogatoire préalable à l'instruction dont les modalités doivent être contenues dans le protocole de l'instance. Il n'y a aucune urgence à procéder à l'interrogatoire de madame avant que le protocole de l'instance soit conclu. Vouloir précipiter les choses parce qu'un avocat désire partir en vacances serait placer l'accessoire avant le principal. D'ailleurs, un avocat en vacances peut et doit se faire remplacer. Le tribunal casse la citation à comparaître de madame, parce que prématurée, excessive et déraisonnable tant que le protocole de l'instance n'aura pas été établi.
Quant à la jonction d'instances, madame ne cache pas que son objectif réel est de procurer au dossier 17, une fois réuni, la même protection accrue que les articles 15 et 16 C.p.c. (notamment) procurent aux instances familiales, sur le plan de l'anonymat et de la non-divulgation d'informations. Les avocats de monsieur contestent la demande de jonction en soulevant les moyens procéduraux suivants : a) le dossier 17 est un dossier civil et non un dossier familial ; b) les avocats de monsieur (et de madame) ne sont pas les mêmes dans le dossier civil que dans le dossier familial ; c) la jonction serait décidée sans que des parties au dossier 17 autres que monsieur et madame aient été dûment convoquées à l'audience du 21 décembre 2016. Ces arguments techniques ne font pas le poids face au « reality check » qui doit prévaloir ici. Le dossier 17 est censé être terminé. Madame s'est désistée le 9 décembre 2016. Selon l'article 213 C.p.c., ce désistement a mis fin à l'instance. La demande reconventionnelle de monsieur, signifiée postérieurement le 13 décembre 2016, n'a pas pu ressusciter une instance morte et enterrée. Cette démarche paraît abusive. Il saute aux yeux que monsieur, en s'activant de la sorte dans le dossier 17, tente de contourner les règles de confidentialité qui protègent les instances familiales, dans l'intérêt des parties et de leurs enfants. Monsieur entend que l'accès du public et des médias au dossier 17 permette la diffusion de l'identité de celle à qui il adresse des reproches dans le dossier 12. Il s'agit d'un subterfuge mis de l'avant en transgression de plusieurs principes directeurs de la procédure, soit : a) la prohibition de procédures inutiles et non nécessaires ; b) la prohibition d'agir en vue de nuire à autrui ; c) la prohibition de procédures excessives et déraisonnables, et d) l'obligation de mener un débat loyal. Il n'y a qu'une seule Cour supérieure, agissant autant en matière familiale qu'en matière civile (et bien d'autres). Il s'agit essentiellement ici d'un litige acrimonieux entre deux parents en instance de divorce. En pareille situation, la Cour supérieure se soucie toujours de protéger les enfants, souvent contre les excès de leurs parents en situation de crise. Il est hors de question que la Cour supérieure protège les enfants dans un dossier 12, mais pas dans un dossier 17. La solution de joindre ici les deux instances est inusitée, mais elle est efficace pour assurer la pleine protection de la Charte des droits et libertés de la personne, du Code civil du Québec et du Code de procédure civile à ce qui est en réalité une seule et même dispute familiale.