Pendant la période d’urgence sanitaire, le demandeur s’est fait interdire l’accès à une épicerie en raison de son refus de porter le couvre-visage. Estimant qu’il y a eu violation à son droit fondamental d’avoir accès aux établissements commerciaux sans discrimination, il réclame des dommages-intérêts au commerçant et à son actionnaire et administrateur. La discrimination interdite à laquelle il réfère est le handicap, puisqu'il prétend avoir une condition médicale qui l'exempte du port du couvre-visage. Sa demande dénuée de tout fondement doit non seulement être rejetée, mais être déclarée abusive.
Face à la pandémie de COVID-19, le gouvernement a ordonné, par décret, certaines mesures afin de protéger la santé de la population. C’est ainsi qu’il a été interdit aux exploitants d’un lieu accueillant le public d’y admettre une personne qui ne porte pas un couvre-visage, à moins que cette personne déclare que sa condition médicale l’en empêche. Le demandeur plaide qu’il avait le droit d’être admis dans le commerce simplement en déclarant que sa condition médicale l’empêche de porter un couvre-visage. Lors de l’instruction, il s’est opposé à toute question relative à la nature de sa condition médicale. Or, en mettant sa condition médicale en cause au soutien de son allégation voulant qu’il ait été victime de discrimination, il y a eu renonciation implicite au secret médical de sa part. L’on apprend donc pour la première fois à l’audience qu’il souffre d’une parodontie chronique, une maladie qu’il s’est lui-même diagnostiquée. Il ne produit aucun élément de preuve autre que son témoignage, de sorte qu’il n’est pas possible de conclure qu’il a un handicap. L’exception prévue dans le décret ne peut être utilisée sans motif réel. Le demandeur n’a fait l’objet d’aucun traitement différent. Le commerçant a appliqué le décret de la même façon pour tout le monde. De plus, le jour où le demandeur s’est présenté à l’épicerie sans porter le couvre-visage, il a été invité à quitter les lieux. On lui a alors proposé d’attendre à l’extérieur le temps qu’un employé complète ses achats à sa place, ce qu’il a accepté. Ayant bénéficié d’un accommodement, ses droits n’ont aucunement été compromis. D’ailleurs, le demandeur est incapable d’identifier les préjudices qu’il a subis. Ajoutons à cela que le commerçant était tout à fait justifié de refuser l’accès au demandeur. À titre d’employeur, il a l’obligation de pourvoir à ses employés un lieu et des conditions de travail sécuritaires. L’employeur qui laisse entrer dans son commerce une personne refusant de porter le couvre-visage, en plus de commettre une infraction au décret, risque de se retrouver dans une situation où il ne respecte pas ses obligations en vertu de la Loi sur la santé et la sécurité du travail.
Le demandeur ne peut justifier son absence totale de preuve par le fait qu’il se représente seul et ignore le fonctionnement du système judiciaire. Il a intenté au moins quatre autres poursuites contre des commerçants. Un jugement a été rendu dans l’un de ces dossiers. Le demandeur n’était pas sans savoir que le juge a rejeté sa demande compte tenu de l’absence de preuve médicale sur sa condition. Pire encore, il n’a pas hésité à mentir sous serment pour servir sa cause. Il avoue même qu’il s’attendait à recevoir une offre de règlement après avoir introduit son recours, puisque c’est le résultat qu’il a obtenu dans d’autres dossiers. Le fait de déposer un acte de procédure devant un tribunal judiciaire est un geste grave et empreint de solennité. Intenter une poursuite sans égard aux conséquences qu’elle peut produire pour les personnes qui doivent se défendre constitue un comportement blâmable. Par conséquent, le demandeur est condamné à payer 14 494,68 $ pour les honoraires que le commerçant a dû engager pour se défendre. Il est également condamné à verser 3 000 $ à l’administrateur pour le stress et les inconvénients que ce dernier a subis ainsi que 5 000 $ à titre de dommages-intérêts punitifs.