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Dommages-intérêts de plus de cent mille dollars octroyés à Québec-Amérique pour contrefaçon par le producteur du logiciel ANTIDOTE

Par Me Sébastien Lapointe, Techtonik Legal inc.
Dommages-intérêts de plus de cent mille dollars octroyés à Québec-Amérique pour contrefaçon par le producteur du logiciel ANTIDOTE

La Cour supérieure rendait il y a quelques jours de cela, sous la plume de la juge Élise Poisson, une décision étoffée en matière de droits d’auteur et de logiciels, dans l’affaire Éditions Québec-Amérique c. Druide Informatique Inc. (2017 QCCS 4092). Cette affaire oppose l’éditeur du logiciel de correction québécois bien connu ANTIDOTE® à l’éditeur du dictionnaire thématique LE VISUEL.

Au final, la décision de la Cour supérieure à ce sujet conclut à la violation par Druide Informatique inc. (« Druide ») des droits d’auteur d’Éditions Québec-Amérique (« QA »), par suite de l’intégration dans le logiciel ANTIDOTE de certaines oeuvres créées à l’origine et fournies par QA.

À titre de contexte, Druide et QA collaborent au cours des vingt dernières années, dans le marché des outils de révision et de correction. Comme leurs logiciels s’avèrent complémentaires, Druide et QA ont alors tout à gagner en s’associant dans le marché, afin de faire connaître le produit de l’autre à leurs usagers respectifs. Ainsi, au fil des années, Druide et QA rapprochent graduellement leurs produits, en développant de concert des raccourcis, des interfaces et des ponts informatiques, allant même jusqu’à ce que QA permette à Druide d’imbriquer certains éléments tirés de LE VISUEL directement dans des modules accessoires du produit ANTIDOTE. Le rapprochement des logiciels ANTIDOTE et LE VISUEL INTÉGRÉ permet ainsi aux deux sociétés d’effectuer une promotion croisée de leurs produits, ce qu’ils font pendant plusieurs années.

Ce rapprochement des produits logiciels des deux entreprises se poursuit en 2004, alors que QA transmet certains fichiers contenant des index de termes (tirés de son produit LE VISUEL) à Druide, pour faciliter l’intégration des logiciels. Les parties discutent alors d’une entente pour formaliser leur collaboration à ce niveau, mais ne parviennent pas à conclure de contrat signé. En pratique, elles partagent simplement en parts égales les revenus des ventes du logiciel LE VISUEL MULTIMÉDIA générées à partir du logiciel ANTIDOTE. Par la suite (de 2005 à 2009), les parties continuent à intégrer de plus en plus de fonctionnalités du produit LE VISUEL directement dans ANTIDOTE et son interface. La version d’ANTIDOTE lancée en 2009 comporte d’ailleurs un module optionnel nommé LE VISUEL INTÉGRÉ, à savoir une composante logicielle qui incorpore directement dans le produit de Druide certaines illustrations du VISUEL ainsi que des termes et des prononciations qui en sont tirés. Cette intégration se fait de concert avec QA, mais les pourparlers traînent et les parties tardent à conclure une entente relative à leur collaboration et à l’intégration des deux produits. La relation entre les parties se détériore au cours des deux années suivantes, jusqu’au moment où Druide avise QA de son intention de mettre un terme à ce projet commun.

La collaboration entre QA et Druide prend ainsi fin en 2011. Les négociations des parties pour gérer la rupture de la relation d’affaires échouent finalement définitivement en 2012, alors que QA intente un recours se plaignant notamment du fait que Druide continue à offrir et à intégrer ses modules LE VISUEL NANO et LE VISUEL INTÉGRÉ dans le logiciel ANTIDOTE.

La question qui se pose maintenant est de savoir si l’inclusion continue des deux modules visés constitue une violation des droits d’auteur de QA par Druide. QA prétend que malgré son consentement pendant la période de collaboration, Druide n’a aucun droit de continuer à reproduire sa propriété intellectuelle. À l’inverse, Druide, elle, prétend avoir obtenu de QA une licence perpétuelle non exclusive et irrévocable lui permettant de reproduire les oeuvres appartenant à QA. Selon elle, l’entente implicite entre les parties stipulait que ce qui avait été livré pourrait être utilisé pour toujours par Druide, point à la ligne. Malheureusement pour Druide, c’est elle qui doit prouver que QA l’avait bien autorisée (explicitement ou implicitement) à poser les gestes reprochés ici, preuve qu’elle ne parvient pas à faire à la satisfaction du tribunal.

Cela dit, la preuve au dossier démontre néanmoins clairement que les gestes posés par Druide l’ont été à l’origine avec le consentement de QA, dans le cadre d’une collaboration. L’inclusion des oeuvres visées dans les versions d’ANTIDOTE d’avant 2012 (dont « ANTIDOTE HD » lancé en 2009) ne peut donc être reprochée à Druide. Par contre, leur inclusion dans les versions d’ANTIDOTE de 2012 et 2015 (dont « ANTIDOTE 8 », « ANTIDOTE 9 »), elle, est bien génératrice de responsabilité pour Druide, puisque non autorisée par QA.

Dans ces circonstances, le tribunal estime que le recours approprié ici s’avère être l’octroi de dommages-intérêts de 100 000 $, plutôt qu’une injonction. On estime que ce montant s’avère adéquat pour indemniser QA quant à l’inclusion illicite des oeuvres visées dans « ANTIDOTE 8 » et « ANTIDOTE 9 ». En boni, le tribunal conclut au passage que QA a aussi droit à des dommages moraux exemplaires de 25 000 $.

À noter que la question de la restitution des profits (QA demande 10 % des profits générés par Druide par les dernières versions d’ANTIDOTE) sera traitée séparément ultérieurement, par suite d’une décision procédurale de scinder l’instance. Druide pourrait donc bien, en fin de compte, devoir débourser encore davantage pour mettre un terme à cette affaire de contrefaçon.

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About the Author

Maître Sébastien Lapointe œuvre depuis plus de vingt ans en pratique privée centrée sur le droit des affaires et, en particulier, l’interaction entre celui-ci et les questions de propriété intellectuelle, dont de droit des technologies. Sa pratique se centre particulièrement sur l’enregistrement de droits de propriété intellectuelle et les ententes de transfert de droits et de technologies, dont les licences, et ce, autant au Canada qu’à l’étranger.

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