La décision récente Ville de Saint-Eustache c. Lehoux (2019 QCCM 39) vient déclarer qu’un document numérique sur l’appareil mobile d’un conducteur ne remplissait pas l’exigence énoncée par le Code de la sécurité routière (le « C.s.r. ») en matière d’attestation d’assurance. Désolé, de dire le tribunal, mais montrer au policier son attestation sur son téléphone cellulaire ne suffit pas, on doit être en possession du bout du papier.
La Cour municipale commune ville de Deux-Montagnes rendait en effet cette décision le 14 mars dernier concluant à la culpabilité d’un conducteur ayant exhibé un simple document en format numérique (plutôt qu’une copie papier) de sa preuve d’assurance, à un policier lors d’une interception routière. Selon le tribunal ayant rendu cette décision, l’article 35 C.s.r. exige qu’un conducteur ait avec lui son attestation d’assurance : pas de papier, pas de papiers, pour paraphraser la logique appliquée ici par le tribunal.
Plus exactement, le conducteur n’avait pas de copie du certificat d’assurance qu’exigent habituellement les policiers, mais avait tout de même une copie numérique de la note de couverture d’assurance que lui avait expédiée son courtier, lettre qu’il a montrée au policier sur son téléphone cellulaire. Selon le conducteur, il n’a jamais reçu l’attestation d’assurance elle-même, mais allègue que la lettre en question énonce tous les renseignements habituels confirmant la couverture d’assurance. Écartant un peu la question, le tribunal conclut que présumant même que la lettre en question puisse être considérée comme une attestation d’assurance, le conducteur est coupable puisque la forme même du document qu’il a montrée aux policiers s’avérait inacceptable.
Faisant contraste à au moins une autre décision récente de Cour municipale, le tribunal se refuse à accepter que la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information (la « LCCJTI ») exige des policiers qu’ils acceptent le support numérique dans un tel cas. Pour le juge Brunet, le Code exige que le conducteur ait en sa possession une attestation d’assurance et la Loi sur l’assurance automobile enjoint aux assureurs de « délivrer » des attestations d’assurance, ce qui dénote l’intention du législateur d’assurer une certaine authenticité du document qu’on présente aux policiers en cas d’interception.
Question d’appuyer sa position à ce sujet, le juge note aussi que l’absence du mot « attestation » dans la liste figurant à l’article 71 LCCJTI (donnant la définition du mot « document ») permet de conclure que, juridiquement, une attestation ne doit pas être considérée comme un document … oui, vraiment. Passons ici sous silence le fait que l'article de loi en question parle de « document ou d’autres termes, notamment » ce qui, selon moi, affaiblit pas mal cet argument.
La décision mentionne aussi comme justificatif ultime que le fait d’accepter que les conducteurs exhibent des documents sur leur appareil mobile ne s’avère pas pratique pour les policiers qui, normalement, recueillent les documents (permis, preuve d’assurance, certificat d’immatriculation) avant de revenir à leur véhicule afin d’effectuer la vérification de l’informations quant au véhicule et au conducteur visés. L’article 36 du C.s.r. prévoit que le policier peut prendre le certificat d’immatriculation et l’attestation d’assurance, ce qui dans un sens peut être vu comme impossible dans le cas des documents purement numériques, c’est l’argument du moins.
On refuse donc au conducteur la possibilité de fournir sa preuve d’assurance en format purement numérique, à un policier, lorsque requis de le faire par le C.s.r. Vu que d’autres décisions en cour municipale sont à l’effet contraire, il est à prévoir qu’un tribunal de niveau supérieur devra tôt ou tard trancher la question. En attendant, morale de cette histoire, si vous prenez le volant au Québec, munissez-vous d’une copie papier de votre attestation d’assurance, vous éviterez peut-être une visite à la Cour municipale.