Deux semaines avant le début du procès, les défendeurs AO et Ar. T. ont requis le rejet des procédures contre eux, affirmant qu'il y avait urgence d'agir et qu'ils étaient victimes d'une manoeuvre frauduleuse. La demande de remise a été rejetée et l'audition simultanée de la requête en rejet et de la cause au fond a été ordonnée. Sur ce point, il appert que les procédures ont été entreprises avant le décès de VP, la personne âgée ici concernée, qui a été victime d'abus. Rien ne permet de soutenir que le liquidateur de la succession et l'avocat agissant en demande ont agi à l'insu de celle-ci et sans son consentement. Il est faux de plaider qu'elle ne savait pas ce qu'elle signait lorsqu'elle a apposé son nom sur la procédure judiciaire. Il y a lieu de tempérer le poids du témoignage qu'elle a rendu dans le cadre de la poursuite pénale contre AO réalisé par vidéoconférence de l'hôpital où elle était hospitalisée quelques jours avant son décès. Il est vrai qu'elle y affirme qu'elle ne savait pas lire le français, alors que le document introductif d'instance est rédigé dans cette langue, et qu'elle soutient que personne ne lui aurait expliqué sa teneur. Or, il se trouve qu'elle était très stressée par la situation et qu'elle est apparue confuse. La durée de son témoignage a également dépassé le délai autorisé par son médecin. Elle n'a pas vraiment non plus eu accès au document qui se trouvait en format électronique et dont uniquement la dernière page contenant sa signature lui a été présentée. Les témoins présents lors de la signature de la procédure affirment que son contenu a été détaillé à VP et qu'elle semblait vouloir aller de l'avant avec le procès. L'affirmation du prêtre, qui soutient que VP aurait dit sur son lit de mort qu'elle avait pardonné à tout le monde, n'a aucune valeur, car celle-ci ne pouvait plus parler à ce moment-là. Les commentaires de VP lors de ce même interrogatoire concernant son testament doivent recevoir le même traitement. Si elle a mentionné que son dernier testament n'était pas celui reconnu par tous, c'est qu'elle était confuse. Il n'est pas possible de conclure qu'elle aurait désavoué ses dernières volontés et le testament sur la base desquels la succession a poursuivi le recours. De toute façon, si les défendeurs voulaient attaquer la validité du dernier testament, ce n'est pas par l'entremise d'une demande en rejet qu'ils devaient agir.
AO est la fille d'une proche amie de VP. Un précédent jugement a été rendu déclarant nul et non avenu le prétendu mandat qui lui aurait été confié en vue de l'inaptitude de VP et dont elle avait commencé à se servir. La décision déclare également cette dernière apte à prendre soin d'elle-même, à administrer ses biens et à exercer ses droits civils. AO a alors été condamnée à rendre compte de son administration. Cette décision n'a pas l'autorité de la chose jugée dans la présente cause à l'égard des défendeurs. La triple identité (parties, objet, cause) nécessaire à l'application de ce concept n'est pas présente. L'époux de AO, Ar. T., la travailleuse sociale Alissa Kerner, l'époux de cette dernière Charles Gelber et la Dre Lindsay Goldsmith n'étaient pas des parties nommées aux procédures dans cet autre dossier. Il est vrai que la juge leur a fait certains reproches, mais la question de leur responsabilité n'a pas réellement été examinée et il n'y a pas eu de débat contradictoire sur cette question. Quant à AO, il n'y a pas d'identité d'objet. La qualification des faits était différente, de même que les conclusions recherchées.
Trois ans avant son décès, âgée de 89 ans à ce moment, VP a été victime d'une scandaleuse machination. Alors, qu'AO se décrit comme sa nièce, aucun lien familial ne ressort de la preuve et elle n'a jamais été considérée comme telle par la principale intéressée. Elle était simplement la fille d'une amie. Les deux femmes ne s'étaient rencontrées qu'à quelques reprises. Dans le but de l'exploiter financièrement, AO a convaincu un juge d'homologuer un faux mandat en cas d'inaptitude, est entrée par effraction chez VP pour prendre certains documents et accumuler des preuves pour son dossier, a fait retirer tout l'argent de ses comptes bancaires, a obtenu une ordonnance pour qu'elle soit placée de force dans une résidence pour personnes âgées et l'a isolée et l'a empêchée de rencontrer quiconque et de communiquer par téléphone. Elle n'est aucunement crédible lorsqu'elle affirme qu'elle voulait sauver AO de l'emprise d'un prêtre malveillant et l'aider à améliorer son état physique alors qu'elle vivait dans l'insalubrité. Elle a délibérément choisi une résidence autre que celle où VP désirait vivre. Elle ne lui a apporté aucun soin. Elle s'est assurée que la police, les ambulanciers et l'huissier de justice présents pour extirper de force la vieille dame de sa résidence croient avoir affaire à une femme connue pour violence et démence, alors qu'il n'en était rien. Après une fugue de VP, des policiers méfiants ont tout fait pour réussir à la rencontrer et à l'amener dans un centre de crise, ce qui n'a pas réussi à convaincre AO de lâcher prise. Un bref d'habeas corpus a été délivré ordonnant le retour de VP. AO a, par la suite, tenu à contester la demande de rétractation du jugement homologuant le faux mandat, alors qu'elle savait être coupable de falsification et que la preuve était accablante quant à la pleine capacité de VP, ce qui a entraîné une audience de 11 jours étalée sur une période d'un an. Elle est même allée jusqu'à porter la cause en appel et ne pas mentionner au curateur public l'ensemble de l'argent dérobé. Elle savait qu'elle avait affaire à une personne âgée vulnérable qui avait de l'argent et aucun parent à proximité. Elle a tout fait pour l'exploiter. La fugue de VP a mis un terme prématurément à son plan, ce qui empêche d'en connaître toute l'étendue. Ce qui est évident, c'est qu'elle a entravé pratiquement tous les droits fondamentaux de VP et commis de nombreux gestes graves et illégaux.
L'époux d'AO, Ar. T., l'a aidée dans son stratagème. Il était notamment présent lors des entrées par effraction dans le logement de VP.
La travailleuse sociale Alissa Kerner a eu un rôle important à jouer. C'est elle qui a contacté la Dre Lindsay Goldsmith pour qu'elle examine VP et a aidé à la mise en scène orchestrée à cette occasion. Elle a rédigé un rapport concluant à l'incapacité totale et permanente de celle-ci alors qu'elle savait que c'était faux. Elle s'est présentée à la banque avec AO. Elle a tenté de faire transférer VP dans une résidence contre son gré sans autorisation judiciaire en se présentant à plus d'une reprise au poste de police. Elle a fait plusieurs fausses déclarations et a tout fait pour éviter qu'un professionnel externe indépendant puisse évaluer VP. Elle a également participé à au moins une des entrées par effraction.
L'avocat défendeur Charles Gelber est l'époux de la travailleuse sociale. C'est lui qui a entrepris toutes les procédures judiciaires. Il s'est assuré que celles-ci ne soient pas signifiées directement à VP et a même réussi à obtenir des exemptions de signification « pour ne pas perturber la vieille dame ». Il a lui-même rédigé le rapport complémentaire contenant une multitude de faux renseignements qui a ensuite été signé par son épouse. Il a tout fait pour que l'avocat de VP ne sache pas ce qui se passait et pour induire la Cour en erreur. C'est dans son compte en fidéicommis que l'argent a été déposé. Il a utilisé des pièces obtenues illégalement et s'est concentré sur les comptes bancaires de VP plutôt que sur son bien-être physique et moral.
Dans le cadre de la demande d'homologation du faux mandat en cas d'inaptitude, les défendeurs se sont tournés vers la Dre Lindsay Goldsmith et ont tout mis en scène pour qu'elle produise un rapport concluant à l'incapacité totale de VP. Rien ne permet de soutenir la théorie avancée par la succession qui voudrait qu'elle ait rempli son rapport médical sans avoir rencontré la patiente. Elle a été manipulée. Tout porte à croire qu'elle a, en fait, été appelée à analyser une personne qui n'était pas réellement VP. Il a été établi que les défendeurs auraient tenté d'obtenir des médicaments et tenter fort possiblement de droguer celle-ci, empêchant ainsi de totalement écarter la possibilité que la femme rencontrée ait pu être VP alors fortement intoxiquée, la Dre Goldsmith après avoir vu la « vraie » VP, ayant affirmé qu'elle était de même corpulence, mais cette hypothèse n'est pas aussi plausible et probable que la présence d'un individu complètement différent. VP aurait vraisemblablement pu au moins répondre par « oui » ou « non » en anglais à l'une des questions qui lui ont été posées alors que la personne interrogée n'a jamais répondu directement à la Dre Goldsmith, étant incapable de dire un mot en anglais. Il est vrai que la juge ayant statué sur la demande en rétraction de l'homologation du faux mandat a mentionné qu'aucun test objectif n'avait été fait et que l'évaluation ne respectait pas les règles législatives, mais il faut tenir compte du contexte. La Dre Goldsmith a été insidieusement influencée, tout d'abord, par un appel la veille de l'évaluation lors duquel la travailleuse sociale a décrit VP comme une veuve unilingue se faisant exploiter par un prêtre et vivant dans l'insalubrité. Elle a été mise en situation d'urgence. Ensuite, la scène mise de l'avant pour l'évaluation était irréelle en ce que l'appartement était jonché d'excréments et de déchets déchiquetés par les écureuils. Des bouteilles d'alcool entamées se trouvaient dans la cuisine ainsi que de la nourriture avariée et la vieille femme était sale et dégageait une odeur nauséabonde. Ces conditions extrêmes étaient en contradiction flagrante avec une soi-disant « nièce aimante » qui s'occupait d'elle et la présence d'une soi-disant femme de ménage, mais il ne peut être tenu rigueur, après coup, avec le bénéfice que permet le recul, à la Dre Goldsmith de ne pas avoir soulevé cette incohérence, vu notamment la fraude dont elle a elle-même été victime. Elle n'était pas amie ou associée avec les défendeurs. Elle a été utilisée. Par ailleurs, l'objection par laquelle elle s'oppose à la production d'une déclaration sous serment dont elle est signataire, voulant qu'elle n'ait jamais évalué VP, est rejetée, car elle n'a pas été prise par surprise par son dépôt sachant pertinemment qu'elle serait interrogée et que la succession avait ce document entre les mains. Celui-ci n'a toutefois aucun poids. Elle l'a signé alors qu'elle avait reçu, par courrier à un cabinet médical autre que celui où elle travaillait généralement, une assignation à comparaître dans la cause en rétraction où elle devait apporter avec elle une copie du rapport médical de VP et alors qu'elle ne trouvait aucune donnée dans ses dossiers et dans son agenda concernant celle-ci. Elle s'est, par la suite, rétractée quelques heures plus tard, après avoir fait plus amples vérifications, mais l'avocat de VP a refusé de prendre en compte son changement de position. La déclaration est tout au plus une admission judiciaire faite par erreur notamment en raison du manque de coopération et de transparence de l'avocat de VP. La responsabilité de la Dre Goldsmith n'est pas retenue.
À la suite de la dernière entrée par effraction, la porte de l'appartement a dû être remplacée en urgence. Une somme de 862,31 $ doit être remboursée solidairement par AO et Ar. T. à ce chapitre. Pour ce qui est des frais liés au rétablissement des droits de VP, AO est également condamnée au paiement d'un montant de 93 028,24 $ pour les frais extrajudiciaires engagés résultant notamment de sa persistance à nier la vérité et à contester l'annulation du mandat.
La limite établie par la trilogie de la Cour suprême en ce qui concerne les indemnités à être accordée en matière de responsabilité civile ne concerne que les préjudices corporels et n'est donc pas applicable en l'espèce. L'audace des défendeurs de plaider que VP n'a pas subi de dommages, car elle a été bien traitée dans le centre pour personne âgée où elle a été placée contre son gré, ayant été nettoyée et ayant reçu des repas chauds, est égoïste et révèle leur volonté de ne pas reconnaître les gestes illégaux et traumatisants qu'ils ont commis. Les allégations de VP voulant qu'elle se suicide si elle devait rester dans le centre choisi sans son consentement témoignent de la douleur et de l'état d'impuissance dans lesquels elle se trouvait. Elle a été très affligée par les événements et ne cessait de répéter qu'elle avait été volée et kidnappée, ce qui n'est pas une exagération. Se retrouver dans cette situation à un âge avancé, alors qu'elle avait été internée dans un camp de concentration nazi dans sa jeunesse à de quoi ajouter au traumatisme. Il n'est pas nécessaire d'établir que tous les défendeurs ont reçu de l'argent. L'exploitation n'a pas été seulement financière. La travailleuse sociale et l'avocat ont usé de leur autorité, leurs pouvoirs et le respect associé à leur statut professionnel pour occasionner des mauvais traitements à VP, qui a vécu un niveau élevé de stress et ressenti des effets physiques et psychosociaux, notamment un sentiment d'insécurité, de la peur, de l'isolement, une perte de mobilité, de la détresse émotionnelle et des symptômes de dépression. Sur les 600 000 $ réclamés en dommages-intérêts pour préjudice moral, AO, Ar. T., la travailleuse sociale et l'avocat sont solidairement condamnés au paiement d'une somme de 200 000 $, ayant participé à une entreprise commune et posé des actes fautifs indissociables ayant causé un même préjudice. Pour valoir entre elles uniquement, la part de AO est établie à 33 %, celle de la travailleuse sociale et de l'avocat est fixée à 25 % chacun et 17 % reviennent à Ar. T.
Il ne peut être retenu que les défendeurs entendaient seulement aider VP. Même si cette dernière aurait être victime d'abus, ce que la preuve ne révèle pas, rien ne justifie leur conduite illégale. Leur seule priorité était l'argent. Les conséquences de leur comportement étaient extrêmement prévisibles ce qui permet de conclure au caractère intentionnel des atteintes aux droits de VP. Le fait qu'ils aient tous subi diverses formes de punition par la couverture médiatique effectuée de la présente cause, leur condamnation criminelle ou par leur ordre professionnel est un élément à prendre en compte, mais ne les exonère pas d'être sanctionnés également en vertu de la Charte. Ils ne présentent aucun remords et tente de justifier leur conduite. Ils ont même déposé plusieurs plaintes contre divers acteurs de bonne foi dans la présente cause. Leur attitude obstinée exige de leur envoyer un message fort de dissuasion de récidive. Du reste, l'absence d'informations crédibles et fiables concernant leur situation financière ne doit pas être appréciée en leur faveur, au contraire. Tout compte fait, AO est condamnée à payer 100 000 $ en dommages-intérêts punitifs, Ar. T., 50 000 $ et la travailleuse sociale et l'avocat, chacun 75 000 $.
En l'absence d'abus de procédure, le remboursement des honoraires engagés pour la présente instance ne peut être accordé.
Il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire du présent jugement, vu le décès de VP et la crise médicale actuelle concernant la Covid-19 qui entraîne la suspension des délais d'appel.
Finalement, l'action en garantie entreprise par la travailleuse sociale et l'avocat contre AO et Ar. T. est rejetée puisque même si ces derniers ont pu les induire en erreur sur certains éléments, rien ne justifie leur propre conduite négligente et abusive.