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Un citoyen échoue dans sa tentative de faire suspendre, relativement à certaines activités n'impliquant pas de contact avec autrui, l'application du décret instaurant le couvre-feu.

Résumé de décision : Desrochers c. Procureur général du Québec, EYB 2021-373397, C.S., 8 février 2021.
Un citoyen échoue dans sa tentative de faire suspendre, relativement à certaines activités n'impliquant pas de contact avec autrui, l'application du décret instaurant le couvre-feu.

Dans le cadre de son pourvoi en contrôle judiciaire par lequel il plaide une atteinte à ses droits fondamentaux et l'absence de lien avec la protection du public, le demandeur veut obtenir un sursis partiel du décret instaurant le couvre-feu en raison des mesures sanitaires liées à la pandémie. Il désire que, durant l'instance, l'interdiction de circuler à l'extérieur après 20h ne soit pas applicable aux activités de marche, de course à pied, de circulation automobile et de toute occupation de l'espace public qui n’implique aucun contact physique avec des personnes ne résidant pas sous le même toit.

De façon générale, accorder la suspension d’une loi ou d’un acte réglementaire commande une certaine prudence, mais encore plus dans le présent contexte où il est question de sécurité publique. À cet égard, le demandeur affirme précisément que le couvre-feu est une mesure trop large et draconienne, alors que les activités qu'il désire exclure n’impliquent aucun contact avec autrui et n’ont donc aucun lien rationnel avec la protection de la santé de la population. Il ajoute de façon subsidiaire que le gouvernement ne peut renouveler de façon répétitive l’état d’urgence sanitaire pour adopter des mesures successives pour répondre à la pandémie, ces décisions devant plutôt être prises par l’Assemblée nationale. Il n'est pas nié que le débat vise une question sérieuse à résoudre. L’interdiction de se retrouver à l’extérieur à certaines heures constitue certes une restriction aux droits du demandeur et la question de savoir si cette atteinte se justifie n'est pas futile. Le critère de l'apparence de droit est donc rempli.

Sans nul doute, devoir passer ses soirées à la maison peut être contraignant, mais il n'en résulte pas pour autant un préjudice sérieux ou irréparable. Il s'agit d'une interdiction temporaire, ce que le demandeur admet par ses représentations sur le critère de l'urgence plaidant que la mesure est appelée à disparaître à brève échéance. Du reste, ses allégués sont généraux, alors que le demandeur souligne être une personne active qui aime admirer la nuit et qu'il en est présentement empêché. La preuve d'un réel préjudice est mince, voire inexistante. La situation se distingue des personnes en situation d’itinérance qui sont dans l’impossibilité de respecter le couvre-feu et qui se sont vues accorder une exemption de l’application du décret.

Enfin, le critère déterminant de la balance des inconvénients ne favorise pas non plus la position du demandeur. En tenant pour acquis que le décret vise le bien commun et l’intérêt public, preuve que le Procureur général n'a pas à faire, vu la présomption applicable, le demandeur n'a pas réussi à démontrer que l’intérêt du public est, au fond, mieux servi par le prononcé du sursis demandé que par le maintien du décret. Ses prétentions à cet égard reposent sur peu d'éléments, alors qu'il remet en cause la dangerosité du virus, l'importance des hospitalisations et le fait qu'uniquement une partie de la population soit touchée, le tout appuyé par des statistiques qu'il ne revient pas au tribunal d'étudier. Reste qu'il est surprenant de tenter de nier l'importance de la pandémie mondiale qui existe en ce moment. Les affirmations et statistiques du demandeur sont, en outre, contredites par la preuve d’expert déposée par le Procureur général qui révèle que le décret sert bel et bien l’intérêt public. La pandémie et son évolution constituent des circonstances exceptionnelles soulevant des enjeux de santé publique importants et qui commandent donc l'imposition de mesures tout aussi exceptionnelles. La gravité de la situation oblige le gouvernement à prendre des décisions pour réduire les risques de propagation afin de protéger la vie des citoyens. Il s'appuie sur des informations scientifiques. Il n'y a pas lieu, à ce stade, de s’ériger en arbitre de l’opportunité des décisions qu'il est appelé à prendre.

Pour ce qui est de l'argument soulevé tardivement concernant l’illégalité des décrets promulgués successivement, ceux-ci sont adoptés en vertu des pouvoirs dévolus au gouvernement par la Loi sur la santé qui lui accorde un pouvoir discrétionnaire. Il ne peut qu'être présumé, au stade préliminaire où en est le dossier, que le gouvernement utilise son pouvoir réglementaire à l’intérieur des paramètres prévus par cette loi. Les reproches du demandeur sur ce point pourront toujours être plus amplement étudiés au fond alors que le Procureur général pourra faire valoir sa position.

Les critères du préjudice irréparable et de la balance des inconvénients n'étant pas remplis, celui de l'urgence n'a pas à être discuté. La demande est rejetée.

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