Skip to content

Ordonnances Norwich : un retour sur leur importation en droit québécois par la Cour d'appel

L'auteur revient en détail sur la décision de la Cour d'appel dans Fers et métaux Américains S.E.C. et al. c. Picard et al. qui a officialisé l'importation des ordonnances de type Norwich en droit québécois. En plus d'expliquer l'origine de ce type d'ordonnance qualifié d'interrogatoire préalable en equity ainsi que son importation canadienne préalable, l'auteur revient en détail sur la décision de la Cour d'appel ainsi que sur l'historique du dossier afin de démontrer les différentes embuches qui peuvent se dresser sur le chemin de l'obtention de l'ordonnance de type Norwich.
Blogue juridique

INTRODUCTION

Le 12 juin 2013, la Cour d'appel du Québec a officialisé l'importation des ordonnances de type Norwich en droit québécois dans l'affaire Fers et métaux Américains S.E.C. et al. c. Picard et al. (ci-après « Fers et Métaux Américains »). Bien que près d'un an se soit écoulé depuis cette décision, aucune autre ordonnance du même type n'a été rendue par les tribunaux québécois ou, du moins, aucune ordonnance rapportée. Cet article vise donc à faire un rappel de l'historique de cette procédure particulière et en démystifier les critères d'application tout en revenant en détail sur les procédures ayant mené à son introduction officielle en droit québécois par le plus haut tribunal de la province dans Fers et Métaux Américains.

S'agissant d'un recours extraordinaire entendu ex parte et à huis clos, les conditions d'obtention d'une ordonnance de type Norwich sont strictes et le recours ne peut être utilisé de façon à se soustraire aux règles prévues au Code de procédure civile. Plus précisément, l'ordonnance de type Norwich vise à autoriser un tiers à communiquer des informations confidentielles à l'insu des personnes ou des entités concernées, ou les deux, ou encore à divulguer l'identité de l'auteur d'un préjudice allégué. L'objectif derrière une telle ordonnance est de permettre à la victime d'une fraude de retrouver et de suivre des sommes d'argent qui lui auraient été subtilisées ou détournées. La partie qui obtient une ordonnance Norwich pourra ainsi vérifier l'existence d'une cause d'action ainsi que les actifs détenus par le fraudeur allégué.

À l'instar de l'ordonnance de type Mareva, qui interdit à la personne visée de se départir de ses actifs durant les procédures judiciaires, et de l'ordonnance de type Anton Piller, qui ordonne à la personne visée de se laisser saisir et de ne pas faire disparaître ou détruire des éléments de preuve en prévision d'un litige, l'ordonnance de type Norwich est un recours juridique efficace qui offre une plus grande protection aux victimes de fraudes et de malversations.

I– UN BREF HISTORIQUE DES ORDONNANCES DE TYPE NORWICH

A. À l'étranger

L'ordonnance de type Norwich a d'abord vu le jour au Royaume-Uni dans les années 70. Le nom de l'ordonnance provient d'une décision de la Chambre des lords rendue en juin 1973, Norwich Pharmacal Co. v. Commissioners of Customs and Excise. Il s'agissait d'une affaire impliquant le propriétaire et détenteur exclusif d'un brevet, Norwich, qui avait été floué par des personnes ayant importé la substance chimique brevetée à l'origine de sa création sans qu'il en ait connaissance. Norwich a donc intenté avec succès un recours pour forcer la divulgation de renseignements permettant d'identifier les personnes à l'origine du délit. La Chambre des lords a conclu que, dans une situation où un tiers innocent, ici les Commissioners of Customs and Excise, détient des informations relatives à une conduite illicite, un tribunal peut forcer ledit tiers à divulguer l'information à la victime du préjudice. L'objectif avoué de cette ordonnance est de permettre au demandeur d'intenter des procédures judiciaires à l'encontre de la personne qui lui a causé un préjudice, ce qui lui serait impossible sans la collaboration du tiers.

B. Au Canada

1. Cour d'appel fédérale

Au Canada, les ordonnances Norwich ont été importées en 1998 par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Glaxo Wellcome PLC v. M.N.R. Dans cette affaire, les faits s'apparentaient à la décision Norwich du Royaume-Uni en ce que des entreprises non affiliées au demandeur avaient fait importer au Canada 68 000 kg d'un médicament breveté par ce dernier. Le demandeur avait appris cette information en se fondant sur des rapports de Statistique Canada, mais à la suite des demandes d'accès à l'information qui demeurèrent sans succès, elle ne disposait d'aucun moyen raisonnable lui permettant d'identifier la ou les personnes qui auraient enfreint les droits de ses brevets. Le Tribunal a donc conclu que la communication restreinte du ou des noms des importateurs du médicament constituait en l'espèce une mesure de redressement appropriée compte tenu des circonstances particulières et que rien ne justifiait le refus de communiquer ces renseignements. Le ministre du Revenu national fut ainsi forcé de divulguer l'identité des personnes qui étaient derrière l'importation des produits brevetés.

2. Alberta

À la suite de cette décision de la Cour d'appel fédérale, des ordonnances de même nature ont été rendues par divers tribunaux canadiens au fil des années, notamment à la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta en 2000 dans l'affaire Alberta (Treasury Branches) v. Leahy. Cette décision revêt un caractère très particulier, non seulement parce que le juge D.B. Mason y va d'un examen approfondi de la jurisprudence anglaise et canadienne en matière d'ordonnances Norwich, mais également parce qu'il met de l'avant une série de principes qui ont été subséquemment repris par les cours d'appel de l'Ontario et du Québec. Ainsi, dans un jugement détaillé, confirmé en 2002 par la Cour d'appel de l'Alberta, le juge Mason expose trois situations qui peuvent requérir l'octroi d'une ordonnance Norwich et établit cinq critères qui doivent être pris en considération par le tribunal visé par une telle demande.

Suivant Leahy, les trois situations suivantes sont décrites comme pouvant être à l'origine de l'obtention d'une ordonnance Norwich :

  1. Pour identifier les auteurs d'un préjudice, lorsque les informations recherchées sont nécessaires ;
  2. Pour trouver et préserver des éléments de preuve permettant de supporter ou d'étayer une action prise contre des personnes connues ou inconnues à l'origine d'un préjudice, ou même de déterminer l'existence d'une cause d'action ;
  3. Pour retrouver et préserver des actifs.

Toujours selon cette même décision, les cinq critères suivants sont identifiés comme étant ceux que le tribunal doit examiner avant de prononcer une ordonnance Norwich :

  1. Le fait par le demandeur de fournir suffisamment d'éléments de preuve pour établir que la demande est valide, raisonnable et ;
  2. Le fait par le demandeur d'établir une relation avec la tierce partie auprès de qui les informations sont recherchées et qu'il soit démontré que cette tierce partie est impliquée de quelconque manière dans les actes reprochés ;
  3. Que la tierce partie soit la seule source possible d'information (N.B. : la version originale de la décision fait référence à une « source of the information available ») ;
  4. Que la tierce partie puisse être indemnisée pour les frais engagés à effectuer des recherches et obtenir les informations qu'elle est tenue de divulguer. Certains qualifient cette situation de dépenses associées au respect des ordonnances, et
  5. Si les intérêts de la justice penchent en faveur de la divulgation de l'information.

Ce sont d'ailleurs ces critères qui font maintenant office de principes de base dans toutes les juridictions canadiennes.

3. Ontario

Leahy fut largement cité par la Cour d'appel de l'Ontario en 2009 dans l'arrêt GEA Group AG v. Flex-N-Gate Corporation où les trois juges reprirent textuellement le test proposé par le juge Mason et dont les critères ont été énumérés ci-haut. Dans cette cause, Flex-N-Gate Corporation avait fait une offre d'achat pour une filiale de GEA Group AG et après certaines négociations, la démarche s'était avérée infructueuse. À l'occasion d'un recours en arbitrage intenté par GEA Group AG, le président de Flex-N-Gate Corporation ainsi que l'avocat de l'entreprise auraient tenu des propos laissant entendre que cette dernière restructurait ses actifs d'une façon telle qu'il soit difficile de les saisir. À la lumière de ces éléments et de la fraude potentielle dont elle pourrait être victime, GEA Group AG a obtenu une ordonnance Norwich devant la Cour supérieure de l'Ontario afin d'interroger et d'obtenir plus d'information concernant cette potentielle restructuration frauduleuse. En plus de confirmer les critères de Leahy et les principes de Glaxo, la Cour d'appel de l'Ontario a insisté sur la démonstration de la nécessité d'un recours au caractère intrusif et extraordinaire comme c'est le cas pour les ordonnances de type Norwich. Se refusant à une vision trop étroite, la Cour mentionne plutôt qu'il faut rechercher un « objectif légitime » pour l'interrogatoire requis9. Elle conclura toutefois que GEA n'a pas démontré cette nécessité.

4. Québec

Au Québec, la Cour d'appel a reconnu, en juin 2013, les ordonnances Norwich dans l'arrêt Fers et Métaux Américains. Dans ses motifs, la Cour cita GEA ainsi que Leahy, les deux vues ci-haut.

Les tribunaux québécois de première instance avaient déjà permis que l'on rende des ordonnances Norwich à quelques occasions avant cet arrêt, mais la question n'avait encore jamais été débattue devant le plus haut tribunal de la province. Mentionnons qu'en raison des mises sous scellés et des exigences de confidentialité requises pour ce type de dossiers, il est difficile d'effectuer une revue plus large de la jurisprudence en Cour supérieure.

Dans le recours qui a mené à la décision Fers et Métaux Américains, l'obtention de l'ordonnance Norwich ne fut pas une mince tâche pour le demandeur. À vrai dire, la route jusqu'à la décision finale de la Cour d'appel fut parsemée d'obstacles et ponctuée de multiples rebondissements. Examinons le cheminement de cette affaire.

II– LA DÉCISION FERS ET MÉTAUX AMÉRICAINS

Le demandeur, Fers et métaux Américains S.E.C., alléguait avoir été victime d'une fraude de plus de 3 000 000 $ commise par les défendeurs, dont plusieurs étaient ses anciens employés. Essentiellement, ces derniers se seraient approprié des biens et des sommes appartenant au demandeur et auraient mis en place un système de fausse facturation pour des matériaux qui ne lui ont jamais été livrés, faisant émettre par le demandeur de faux billets de pesées et par la suite des chèques payables à une autre entreprise qui était de connivence avec les défendeurs. Le demandeur désirait donc obtenir les différents relevés bancaires des défendeurs afin de déterminer l'ampleur de leurs actifs ainsi que leur localisation.

A. Les étapes préliminaires en Cour supérieure et en Cour d'appel

Le demandeur a initialement institué contre les défendeurs des requêtes en injonction de type Mareva et de type Anton Piller et a requis la délivrance de brefs de saisie avant jugement contre tous leurs actifs. Ces requêtes furent accordées et, quelques jours plus tard, les procureurs du demandeur se sont présentés devant la Cour supérieure pour plaider la requête de type Norwich ex parte et à huis clos. Le juge Claude Bouchard refusa d'entendre la requête aux motifs qu'elle n'avait pas été signifiée aux défendeurs et que les ordonnances déjà obtenues à ce jour étaient suffisantes. Il permit toutefois que le dossier demeure sous scellés à la demande des procureurs de la partie demanderesse qui ont annoncé, durant l'audition de la requête, leur intention de porter la décision immédiatement en appel advenant un refus du juge de les entendre. Dès le lendemain, le juge Guy Gagnon de la Cour d'appel déféra la permission d'appeler et l'audition sur le fond devant une formation de la Cour deux semaines plus tard, tout en ordonnant que le dossier demeure sous scellés d'ici l'audition en appel.

Lors de cette audience, la Cour d'appel infirma la décision du juge Bouchard et retourna le dossier devant la Cour supérieure pour que la requête Norwich soit entendue sur le fond, alléguant que la nature même d'une telle requête requiert qu'elle soit entendue ex parte et à huis clos. Une décision à l'effet contraire aurait permis aux défendeurs de contourner l'essence même de la requête, à savoir l'identification des actifs à leur insu, et aurait potentiellement permis à ces derniers de dissimuler les fonds que le demandeur tentait de retracer, ce qui aurait donc rendu l'ordonnance inutile pratiquement.

B. La décision sur le fond en Cour supérieure

De retour à la Cour supérieure, cette fois devant la juge Johanne April, la requête Norwich fut rejetée sur le fond. Les principaux motifs invoqués par la juge étaient : a) qu'une telle requête n'était ouverte qu'à l'égard de l'auteur inconnu d'un préjudice et seulement dans le cas où une action n'avait pas déjà été intentée contre l'auteur du préjudice ; b) que les institutions financières n'étaient pas les seules sources pratiques pour obtenir l'information recherchée, c'est-à-dire les relevés bancaires des défendeurs ; c) qu'il serait contre l'ordre public que de faire droit à la requête Norwich. De plus, la juge ordonna dans ses conclusions la levée des scellés, ce qui, pour le demandeur, représentait une véritable catastrophe puisqu'à partir du moment où le dossier devenait public, son recours n'était plus qu'illusoire étant donné que les défendeurs pourraient prendre connaissance de la requête Norwich et ensuite cacher les actifs que le demandeur cherchait à retracer par ladite requête.

Mentionnons que l'audition à la Cour supérieure devant la juge April avait débuté, c'est le moins qu'on puisse dire, dans une ambiance plutôt particulière et rocambolesque. Le jour même, au palais de justice, les procureurs du demandeur avaient croisé par hasard les avocats qui agissaient pour les défendeurs dans un dossier parallèle. Ces derniers avaient cherché à s'enquérir de la raison justifiant la présence des procureurs du demandeur, avant de tenter sans succès d'entrer dans la salle où devait se tenir l'audition ex parte et à huis clos sur la requête Norwich. Fait inusité, le greffier de l'audience a dû s'interposer directement face aux procureurs des défendeurs en leur bloquant l'accès aux portes de la salle et les verrouillant devant eux.

C. L'appel d'urgence concernant la levée des scellés

Par suite de cette décision, les procureurs du demandeur ont présenté, dès le lendemain, une requête en urgence à la Cour d'appel, par voie téléphonique, visant à suspendre la levée des scellés jusqu'à un jugement de la Cour d'appel sur le fond. Par chance pour la partie demanderesse, le dossier n'avait pas encore été publié au plumitif civil lorsque la juge Dominique Bélanger de la Cour d'appel, cinq jours après la décision de la juge April en Cour supérieure, accorda la requête. Il va sans dire qu'une décision contraire de la juge Bélanger sur la levée des scellés aurait rendu théorique l'appel de plein droit du demandeur.

D. La décision sur le fond en Cour d'appel

La Cour d'appel rendit sa décision sur le fond le 12 juin 2013. Dans des motifs relativement succincts, les juges Duval Hesler, Gagnon et Bouchard décidèrent d'infirmer la décision de la Cour supérieure et d'accorder la requête pour l'obtention d'une ordonnance Norwich, tout en prononçant les diverses ordonnances réclamées par le demandeur, soit notamment :

  • Ordonner la mise sous scellés et la confidentialité de l'ensemble du dossier pour 120 jours, sauf prorogation par un tribunal ;
  • Autoriser et enjoindre aux institutions financières mises en cause de communiquer au demandeur la liste des actifs des défendeurs, leurs comptes en banque, cartes de crédit, virements et transferts bancaires, le détail de toutes les transactions bancaires supérieures à 1000 $ et les coordonnées du détenteur de tout compte dans lequel un virement bancaire aurait pu être effectué ;
  • Autoriser toute banque ou institution financière n'étant pas mise en cause à fournir les mêmes informations citées précédemment ;
  • Autoriser le demandeur à demander l'aide et l'assistance de toute banque étrangère, cour étrangère et tout tribunal étranger afin de donner pleinement effet et force aux ordonnances de la présente requête.

E. Les arguments mis de l'avant par la partie demanderesse

En rendant jugement, la Cour d'appel s'est rangée aux arguments de la partie demanderesse à l'encontre de la décision de la juge Johanne April en Cour supérieure. À cet effet, les procureurs du demandeur ont plaidé avec succès que la juge de première instance avait erré en droit sur trois des critères d'obtention d'une ordonnance Norwich.

Tout d'abord, il était inexact de conclure que le recours Norwich n'était pas ouvert et disponible dans le cas où l'auteur de la fraude alléguée est connu. Que la partie qui a commis la fraude soit identifiée ou non, le fait demeure que l'objectif ultime d'une telle requête est de retracer des fonds qui auraient été subtilisés frauduleusement. Ce principe avait d'ailleurs déjà été reconnu en Cour supérieure en 2011 dans Corbeil c. Caisse Desjardins De Lorimier :

[25] Par ailleurs, le Tribunal note que l'auteur présumé du préjudice potentiel n'est pas inconnu ici. Il s'agit de Mme Corbeil. Le but de la divulgation recherchée n'est pas de confirmer ou de trouver l'identité de l'auteur du préjudice allégué, mais de déterminer si une cause d'action peut exister contre elle. Le Tribunal estime, pour les raisons explicitées plus loin, dont le respect du principe de proportionnalité des recours, que cela ne fait pas obstacle à l'émission de l'ordonnance recherchée.

En deuxième lieu, l'honorable juge April avait également erré en concluant que les institutions financières mises en cause n'étaient pas les seules sources pratiques pour obtenir l'information recherchée, c'est-à-dire les différents relevés bancaires des défendeurs. Outre les institutions financières mises en cause, les seules autres sources qui détenaient ces informations étaient les défendeurs eux-mêmes. Requérir d'un demandeur qu'il s'adresse directement au fraudeur allégué pour mettre la main sur des informations bancaires personnelles en venait à évacuer l'aspect pratique du recours. En effet, tel que mentionné précédemment, il est de l'essence même du recours qu'il procède ex parte et que les défendeurs ne soient pas informés de la requête Norwich qui vise à retracer les fonds qu'ils auraient frauduleusement subtilisés.

Quant au dernier critère énoncé par la jurisprudence dans l'évaluation d'une ordonnance de type Norwich, la juge de première instance avait erré en droit en concluant qu'il serait contre l'ordre public que de permettre au demandeur de prendre connaissance des relevés bancaires des défendeurs. Les tribunaux, tant au Québec que dans le reste du Canada, ont permis que ces recours soient institués afin que les victimes de fraude puissent retrouver les fonds qui leur ont été subtilisés en présence d'une réclamation jugée bona fide. Y voir un recours allant à l'encontre de l'ordre public n'aurait pas respecté cette jurisprudence pertinente.

III– LE PARALLÈLE AVEC LA RECONNAISSANCE DES ORDONNANCES ANTON PILLER PAR LA COUR D'APPEL DU QUÉBEC

Une situation similaire à celle vécue dans l'arrêt Fers et Métaux Américains s'est produite en 2002 lorsque la Cour d'appel du Québec a reconnu pour la première fois la validité des ordonnances Anton Piller en droit civil québécois dans l'arrêt Raymond Chabot S.S.T. inc. c. Groupe A.S.T. (1993) inc. (ci-après « Raymond Chabot »), et ce, malgré que des juges de la Cour supérieure du Québec accordaient de telles ordonnances depuis 1993. Dans leurs motifs, les juges de la Cour d'appel avaient admis qu'il n'existait pas de dispositions, dans le C.p.c., autorisant expressément « une mesure hybride comme une ordonnance de type Anton Piller ». Toutefois, ils avaient également pris soin de préciser qu'aucune disposition du C.p.c. ne l'interdisait et qu'il n'y avait donc pas d'incompatibilité entre l'existence des ordonnances Anton Piller et les règles du C.p.c.

Par ailleurs, il est pertinent de souligner un autre principe qui a été reconnu dans une décision de la Cour supérieure du Québec, soit qu'une ordonnance de type Norwich est moins intrusive qu'une ordonnance Anton Piller. Il est donc tout à fait logique, considérant cet élément et la décision de la Cour d'appel dans l'arrêt Raymond Chabot, que les tribunaux québécois puissent user des pouvoirs qui leur sont dévolus aux articles 20 et 46 du Code de procédure civile pour rendre des ordonnances Norwich. C'est d'ailleurs ce dont faisaient état les auteurs Ferron, Piché-Messier et Poitras.

CONCLUSION

Avec l'arrêt Fers et Métaux Américains, la Cour d'appel a donc doté le droit québécois d'un recours beaucoup plus efficace à l'encontre des fraudes économiques tant locales qu'internationales. Plusieurs juristes, constatant des lacunes du Québec en ce qui a trait à ce type d'ordonnance, réclamaient, avec raison, des pouvoirs équivalant à ceux des autres provinces canadiennes. Grâce à cette décision, ce chapitre est maintenant clos et les voeux des auteurs et des praticiens québécois sont exaucés. Il ne restera maintenant plus qu'à voir si les tribunaux québécois raffineront les critères susmentionnés concernant l'obtention des ordonnances Norwich alors que la jurisprudence se développera dans les années à venir. L'absence de décision rapportée suivant la décision Fers et Métaux Américains ne nous permet pas de faire une telle analyse, mais il est à parier qu'avec les nombreux cas de fraudes qui peuplent l'actualité québécoise, nous verrons de plus en plus les tribunaux se pencher sur ce recours particulier.

Également d’intérêt
© Thomson Reuters Canada Limitée. Tous droits réservés. Mise en garde et avis d’exonération de responsabilité.