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Dans le contexte actuel de la pandémie de COVID-19, le maximum de dix personnes pouvant faire partie de l’assistance d’un « lieu de culte » s’applique à chaque salle d’un édifice desservie par un accès indépendant à la rue sans partager d’espace commun avec les autres salles.

Résumé de décision : Conseil des juifs hassidiques du Québec c. Procureur général du Québec, EYB 2021-372838, C.S., 5 février 2021.
Dans le contexte actuel de la pandémie de COVID-19, le maximum de dix personnes pouvant faire partie de l’assistance d’un « lieu de culte » s’applique à chaque salle d’un édifice desservie par un accè

Les demandeurs (trois congrégations religieuses juives hassidiques, des membres et administrateurs de ces congrégations, ainsi qu’un organisme représentant les intérêts de la communauté juive hassidique au Québec) s’adressent au tribunal au sujet de mesures sanitaires adoptées par le gouvernement dans le contexte de la pandémie de COVID-19. Ils sollicitent un jugement déclaratoire et ce qui s’apparente à une ordonnance de sauvegarde, au sujet des rassemblements dans les lieux de culte.

L’arrêté ministériel 2021-003 du 21 janvier 2021 — qui s’inscrivait dans la foulée du décret gouvernemental 2-2021 du 8 janvier 2021 — permettait à un maximum de dix personnes de faire partie de l’assistance d’un lieu de culte. Après un imbroglio et des interventions policières, les autorités sanitaires et le Procureur général du Québec (le PGQ) sont dorénavant d’avis qu’il ne peut y avoir un seul lieu de culte par adresse. Or, cela fait fi de l’interprétation administrative qui avait été acceptée pour le libellé rigoureusement identique (sauf quant au nombre de personnes) du Décret 1020-2020 du 30 septembre 2020. En novembre 2020, le directeur national de la Santé publique (Dr Arruda) signait une lettre dans laquelle il approuvait le protocole sanitaire conjoint élaboré par la Table interreligieuse de concertation du Québec. Un « lieu de culte » pouvait ainsi être une salle à la même adresse qu’une autre salle servant de lieu de culte pourvu que celles-ci aient des entrées indépendantes (avec accès à la rue) sans partager d’espace commun avec les autres salles. Même si le tribunal n’est pas lié par une interprétation administrative, celle de novembre était valide et elle a été consacrée par l’usage. Elle sera donc retenue par le tribunal, au bénéfice de tous les croyants. Le gouvernement ne peut se permettre de modifier arbitrairement l’interprétation qu’il retient pour un terme. En revanche, rien ne l’empêchera de modifier la règle s’il le juge approprié.

Il est ainsi utile de se prononcer, dans le contexte d’un obiter dictum, sur la demande (sursis provisoire et injonction provisoire) d’ordonnance de sauvegarde des demandeurs. D’entrée de jeu, ces derniers avancent que les contraintes imposées dans le contexte de la pandémie portent atteinte à plusieurs de leurs droits fondamentaux, dont la liberté de religion, la liberté d’expression, la liberté de réunion pacifique et la liberté d’association. Ils soulèvent également une violation au droit à l’égalité. Sur cette question, soulignons que même si la discrimination peut être directe, elle peut aussi être systémique et résulter d’un processus inconscient non intentionnel. C’est donc dire que des mesures adoptées avec les plus pures intentions peuvent avoir des effets discriminatoires. Des phénomènes de discrimination systémique ont d’ailleurs déjà été reconnus au Québec. Quoi qu’il en soit, les violations alléguées par les demandeurs répondent au critère de l’apparence de droit. Il s’agit effectivement de questions sérieuses qui ne sont ni futiles ni dilatoires. Par ailleurs, le PGQ concède qu’il y a urgence et que les demandeurs ont fait la démonstration d’un préjudice irréparable. Plusieurs impacts négatifs découlent effectivement du fait qu’une majorité de croyants sont empêchés d’accéder aux lieux de culte qui occupent une place centrale dans leur religion. Il reste à statuer sur le poids des inconvénients en lien avec une éventuelle suspension des mesures contestées. D’emblée, il convient de souligner que les obligations religieuses constituent toujours un choix. D’autres obligations peuvent s’y ajouter et forcer un choix ou un sacrifice important. Les demandeurs n’ont pas démontré que l’intérêt public serait mieux servi par la suspension interlocutoire des mesures sanitaires que par le refus d’une telle suspension. À l’instar de plusieurs tribunaux canadiens, le tribunal est ici d’avis que la santé publique doit primer sur la liberté de religion. Il aurait ainsi rejeté la demande de suspension au stade interlocutoire.

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