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En plus d’avoir publié sur la page Facebook de la demanderesse un commentaire diffamatoire à son endroit, le défendeur l’a menacée de diffuser plus amplement son commentaire si elle ne lui remboursait pas le dépôt qu’il avait payé à l’entreprise de construction exploitée par un de ses salariés

Résumé de décision : 9184-8630 Québec inc. c.Bouchard, EYB 2019-308914 (C.S., 26 février 2019)
En plus d’avoir publié sur la page Facebook de la demanderesse un commentaire diffamatoire à son endroit

En mars 2017, le défendeur conclut un contrat de rénovation avec Conception d’escalier MG (MG), alors représentée par Michel Gadoury. Il verse un dépôt de 2 500 $, mais ne revoit jamais Gadoury. Dans le cadre de ses recherches pour le retracer, il apprend qu’il serait au service de la demanderesse (9184). Il téléphone à Laurendeau, le représentant de 9184, pour lui expliquer la situation et lui demander de lui rembourser son dépôt, à titre de responsable de son employé. Laurendeau lui répond que 9184 n’a rien à voir avec cette réclamation, n’étant pas liée à MG. Il lui dit qu’il demandera à Gadoury de le rappeler. Le 22 août, Laurendeau s’aperçoit que le défendeur a publié un commentaire diffamatoire à l’endroit de 9184 sur la page Facebook de celle-ci. Plus tard le même jour, 9184 reçoit du défendeur copie d’un courriel qu’il adresse à Gadoury. Le défendeur y réclame le remboursement de ses 2 500 $ ou l’exécution des travaux visés par le contrat de mars. Il écrit que, tant que ce ne sera pas fait, il va continuer à avertir les clients de 9184 du risque de fraude qu’elle représente. Il précise qu’il a vu que celle-ci avait supprimé le commentaire qu’il avait publié sur sa page Facebook, mais qu’il l’a aussi publié à plusieurs autres endroits et qu’il en rajoutera tous les jours. Il fait fi de la mise en demeure qui lui est signifiée le 25 août suivant. Une injonction interlocutoire a été prononcée contre lui le 22 février 2018. Le tribunal est aujourd’hui saisi de la demande en injonction permanente et en dommages-intérêts.

Le commentaire litigieux, dans lequel le défendeur affirme notamment que 9184 emploie une personne  « qui pourrait être un toxicomane et un fraudeur » et qui associe 9184 à la fraude qu’il soutient avoir subie, revêt un caractère diffamant et tendancieux qui porte atteinte à l’image de 9184. Le défendeur plaide qu’il a publié ces propos parce qu’il croyait à l’existence d’un lien entre 9184 et Gadoury. Selon lui, 9184 lui rembourserait son argent, puisqu’elle ne voudrait pas voir sa réputation ternie par des gestes commis par un de ses salariés. Pourtant, il avait été clairement informé que 9184 n’avait aucun lien avec MG, l’entreprise de Gadoury, et ce, bien avant la publication de son commentaire. Trop convaincu de l’existence de ce lien, il a totalement fait fi de cette information. Non seulement il a publié le commentaire litigieux, mais, à plusieurs reprises et malgré une mise en demeure, il a menacé 9184 d’avertir ses clients via Internet du risque de fraude qu’elle représente. Il affirme même l’avoir fait. L’on comprend donc qu’il a publié ses propos dans un objectif précis : faire pression sur 9184, en ternissant son image, afin d’obtenir paiement, par elle ou par Gadoury, de la somme réclamée à ce dernier. Ses explications ne peuvent constituer une justification valable. Ce n’est clairement pas là le comportement attendu d’une personne raisonnable. Le défendeur est éduqué. Il est ingénieur et exerce à son compte. Il connaît certainement l’importance que revêtent l’image et la réputation d’une entreprise. Bref, force est de conclure qu’il connaissait les conséquences d’une publication de son commentaire sur les réseaux sociaux. Il s’agit bien plus que de la simple négligence : il s’agit d’un acte délibéré. Son affirmation qu’il a eu sa leçon et son engagement à ne plus publier quoi que ce soit concernant 9184 ne peuvent suffire à faire rejeter la demande intentée aujourd’hui contre lui. La demande en injonction permanente est accordée. Au chapitre des dommages-intérêts, un montant de 10 000 $ sera accordé pour l’ensemble des pertes non pécuniaires, incluant l’atteinte à la réputation de 9184 et les divers inconvénients subis par ses représentants. Des dommages punitifs de 5 000 $ sont aussi accordés. Il faut en effet que le défendeur et toute autre personne tentée de l’imiter réalisent que les réseaux sociaux ne sont pas une plate-forme où l’on peut dire n’importe quoi sur n’importe qui sans engager sa responsabilité. La réclamation de dommages-intérêts fondée sur les art. 51 et 54 C.p.c. est accueillie jusqu’à hauteur de 6 962,32 $.

La demande reconventionnelle en dommages-intérêts du défendeur est rejetée.


Ce résumé est également publié dans La référence, le service de recherche juridique en ligne des Éditions Yvon Blais. Si vous êtes abonné à La référence, ouvrez une session pour accéder à cette décision et sa valeur ajoutée, incluant notamment des liens vers les références citées et citant.

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