Détenu au Centre de détention de Drummondville, Mario Cyr (le détenu Cyr) recherche l'émission d'un bref d'habeas corpus avec certiorari auxiliaire et une réparation en vertu du par. 24(1) de la Charte canadienne pour ce qu'il qualifie de détention illégale et arbitraire pour lui et l'ensemble des détenus.
D'emblée, force est de constater que le détenu Cyr ne peut agir que pour lui-même; il ne peut agir pour l'ensemble de la population carcérale.
Le procureur général du Canada soutient que comme les mesures reliées à la COVID-19 s'appliquent à toute la population carcérale, il ne peut s'agir d'une privation de liberté résiduelle qui donnerait ouverture à l'habeas corpus. Un tel argument constitue un sophisme. Toute perte significative de liberté résiduelle, et non une perte triviale ou extrêmement limitée dans le temps ou encore une perte de purs privilèges, donne ouverture à l'habeas corpus. D'autre part, à titre illustratif, les autorités carcérales ne peuvent prétexter l'utilisation d'une règle privative de liberté résiduelle qui s'applique à tous les détenus pour soutenir que, comme elle ne s'applique pas à un détenu en particulier, les art. 27 et 28 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (la Loi) ne trouvent pas application. En effet, l'arrêt R. c. Miller enseigne que dans les cas d'une contrainte mise en place qui s'avère plus restrictive ou sévère que celle que l'on retrouve normalement dans ce type d'établissement carcéral, le détenu peut recourir à l'habeas corpus. Comme l'art. 28 de la Loi exige, dans la mesure du possible, un milieu de détention où seules existent les restrictions les moins privatives de liberté, toutes décisions des autorités carcérales qui les limitent de façon significative entraînent l'obligation de communication de renseignements au délinquant (art. 27 de la Loi). Il en va du respect du principe de l'équité procédurale. Il s'avérait contraire au principe de l'équité procédurale de permettre une atteinte à l'obligation de communication de renseignements sous le couvert d'une application générale d'une disposition qui comporte à l'évidence des répercussions sur tous les détenus.
Au moment où le détenu Cyr entreprend son recours, les autorités carcérales ne se déchargent pas adéquatement de leurs obligations aux termes de l'art. 27 de la Loi. En effet, dans une situation d'urgence sanitaire qui existe indépendamment du fait que le pénitencier ne compte aucun cas positif à la COVID-19, les autorités carcérales doivent entreprendre des actions rapides non seulement pour respecter leurs obligations en vertu des art. 85 à 89.1 de la Loi (veiller au bien-être, à la santé et à la vie des détenus), mais aussi pour respecter les directives des autorités provinciales et fédérales qui s'appliquent à elles. Dans les circonstances exceptionnelles et urgentes qui découlent de la pandémie, on peut aisément comprendre que la remise de documents aux détenus ou la consultation des détenus ne peut s'entreprendre de façon effective avant la mise en place des mesures sanitaires. Cependant, une fois les mesures sanitaires mises en place, les obligations relatives à l'équité procédurale s'appliquent. Il incombe alors aux autorités carcérales de s'assurer de fournir l'information requise aux termes de l'art. 27 de la Loi à tous les détenus. La consultation et la mise à contribution des représentants du comité des détenus ne permettent pas de satisfaire adéquatement à cette obligation. Il s'agit pour les autorités carcérales, dans un tel contexte, de s'assurer que chaque détenu obtient l'information pertinente qui respecte les obligations de l'art. 27 de la Loi. Le détenu Cyr possède maintenant cette information. Les autorités carcérales le lui ont fourni. On ne peut que constater que ces dernières remédient, en temps utile, au caractère illégal de leur geste aux termes de l'art. 27 de la Loi. La Cour doit donc exercer sa discrétion judiciaire, très limitée dans les circonstances, pour rejeter la demande d'habeas corpus. La Cour possède une discrétion très limitée, qui ne peut s'exercer que de façon exceptionnelle, pour refuser d'émettre le bref d'habeas corpus. Ici, nous nous trouvons en présence d'une situation exceptionnelle. La pandémie reliée à la COVID-19 constitue une circonstance exceptionnelle qui appelle un remède adapté à la situation.
Même si la Cour ne peut ultimement conclure qu'à l'égard de l'illégalité de la détention, pour ensuite statuer sur la demande de libération, elle doit cependant vérifier le caractère raisonnable de la décision prise par les autorités carcérales. Afin d'éviter un dédoublement des procédures, la Cour peut vérifier le caractère raisonnable de la décision des autorités carcérales par le biais du certiorari auxiliaire. L'inexistence de caractère raisonnable constitue donc « un doute valablement soulevé » quant à la légalité de la privation de liberté dans le cadre d'une demande d'habeas corpus. En l'espèce, les mesures mises en place par les autorités carcérales apparaissent transparentes, intelligibles et justifiées. Ces mesures apparaissent tout à fait raisonnables dans le contexte exceptionnel relié à la pandémie de la COVID-19. Le fait que le détenu Cyr ne partage pas l'avis des autorités carcérales quant aux mesures prises ne possède qu'une très relative et minimale utilité sur la détermination du caractère raisonnable de celles-ci. Tant le contexte pénitentiaire habituel que l'existence de la pandémie reliée à la COVID-19 et les déclarations d'urgence sanitaire faites à travers le Canada, ainsi que les obligations légales qui découlent des art. 85 à 89.1 de la Loi font en sorte qu'une seule conclusion s'impose dans l'état actuel des choses : les mesures mises en place par les autorités carcérales s'avèrent raisonnables.
Le recours du détenu Cyr doit échouer.