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La démarche thérapeutique que monsieur a entamée il y a six mois ne lui a pas permis d’acquérir un degré d’introspection suffisant pour mettre en place une garde partagée. Les gestes violents qu’il a posés durant la vie commune ont entraîné des répercussions néfastes et il ne réalise manifestement pas encore ce qu’est le dénigrement et l’impact qu’il peut avoir sur le développement de ses enfants.

Résumé de décision : Droit de la famille — 25133, EYB 2025-564339, C.S., 2 février 2025
La démarche thérapeutique que monsieur a entamée il y a six mois

Les parties ont fait vie commune pendant une quinzaine d’années. Deux garçons aujourd’hui âgés de 11 et 7 ans sont nés de leur union. N’en pouvant plus des accès de colère de monsieur et de ses réactions démesurées lorsqu’il est contrarié, stressé ou épuisé, et souhaitant surtout protéger les enfants de toute cette violence après avoir réalisé que ces comportements agressifs ne cesseraient pas à court terme, madame a quitté précipitamment le domicile familial pour aller dans un hébergement pour femmes violentées. À la suite de la rupture, monsieur a été autorisé à exercer des accès supervisés. Après quelques semaines, la supervision des accès a été levée avec le consentement de madame, qui s’est sentie rassurée de voir que monsieur avait entrepris des démarches afin d’apprendre à gérer ses émotions. Cela fait maintenant six mois que monsieur a commencé une thérapie. Devant certains éléments de preuve accablants, il reconnaît certains évènements relatés par madame, comme le fait d’avoir hurlé après les enfants, de ne pas toujours avoir agi adéquatement avec eux et de s’être laissé emporter à quelques occasions, mais il insiste sur le caractère isolé des gestes qu’on lui reproche. Il nie avoir un tempérament colérique et souligne sa grande implication auprès des enfants. Loin d’être en accord avec tout ce qui est allégué par madame, il dit avoir réagi rapidement et s’être pris en mains immédiatement après la séparation pour améliorer ses capacités parentales. Il considère qu’est maintenant venu le temps d’instaurer une garde partagée. De son côté, madame croit qu’il est toujours nécessaire de protéger les enfants des effets néfastes de la violence familiale. Elle entretient des doutes sur la transformation que monsieur prétend avoir subie, plaidant qu’il est encore trop tôt pour conclure qu’il est désormais capable de gérer sa colère et qu’il n’a pas seulement entrepris des démarches thérapeutiques dans l’unique but d’obtenir une garde partagée. Selon elle, il est dans l’intérêt supérieur des enfants de maintenir le statu quo en lui accordant la garde exclusive. Le bien-fondé des allégations de violence verbale et physique est au cœur de la question de savoir quelles modalités de garde doivent être mises en place.

Monsieur a souvent formulé des commentaires injustes et blessants envers madame à propos de sa gestion des finances, celle-ci étant de nature plus économe. À plusieurs reprises, madame lui a demandé de cesser de tenir de tels propos à son égard, comme en témoignent les courriels qu’elle lui a transmis au fil des ans à ce sujet et dont la lecture est bouleversante. Monsieur n’a jamais voulu cesser d’utiliser ces qualificatifs réducteurs malgré sa connaissance des sentiments qu’ils provoquaient chez madame. Manifestement, il avait l’intention de la blesser. Sa tentative de démontrer qu’il ne s’agissait que de sarcasme doit échouer. L’utilisation récurrente de mots à connotation négative ou péjorative afin de commenter l’une des caractéristiques fondamentales d’une personne, alors que l’on sait que ces mots blessent cette personne, est du dénigrement. Le dénigrement de monsieur n’était pas que dirigé contre madame. Les enfants aussi en ont fait les frais. Ils ont de plus été témoins de commentaires peu élogieux exprimés par leur père envers leur mère. Est-ce vraiment ce genre de comportement que monsieur souhaite qu’ils adoptent envers leurs partenaires de vie plus tard ? En niant avoir dénigré les gens qu’il aime, monsieur ne réalise pas ce qu’est le dénigrement et l’impact qu'il peut avoir sur le développement de ses enfants. Le fait qu’il ne voit rien de dénigrant dans ses paroles démontre que son niveau d’autocritique est encore trop insuffisant pour lui confier les enfants en garde partagée. Le contexte de violence familiale dans lequel les enfants ont vécu a entraîné des répercussions néfastes. Il est inquiétant de constater qu’ils posent des gestes violents entre eux et envers leur mère. Ils reproduisent des gestes dont ils ont été témoins. La preuve révèle que monsieur a fait usage de violence physique sur les enfants afin de les discipliner. On ne peut accepter la vision réductrice qu’il offre selon laquelle il ne s’agissait que d’évènements isolés. Ce n’est pas ce que la preuve démontre. En revanche, les allégations de madame voulant qu’elle ait été victime de violence économique et sexuelle ne peuvent être retenues. Aucun élément de preuve ne confirme la présence de violence économique. Quant à la violence sexuelle, madame n'a pas été forcée à avoir des relations sexuelles. Les remarques désobligeantes que monsieur lui a faites en lien avec leurs ébats n’ont pas le caractère récurrent requis pour être de la violence sexuelle.

L’intégrité physique et psychologique des enfants commande le maintien de la garde exclusive en faveur de madame pour une durée de deux ans. Cette dernière a fait ce qu’il fallait en retirant les enfants du cadre familial violent. Il revient au tribunal de continuer à protéger ces êtres vulnérables, le temps que monsieur chemine davantage en lien avec les gestes de violence verbale et physique qu’il a posés.

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