Skip to content

Le comportement aliénant adopté par le père constitue une faute qui engage sa responsabilité civile. Il est condamné à verser la somme de 30 000 $ en dommages-intérêts à la mère.

Résumé de décision : Droit de la famille — 22741, C.S., 28 avril 2022.
Le comportement aliénant adopté par le père constitue une faute qui engage sa responsabilité civile

Les parties sont les parents d’un enfant âgé de 20 ans. Celui-ci ne parle plus à sa mère depuis près de six ans. Étant d’avis que la rupture de leur lien découle de l’aliénation parentale provoquée par monsieur, madame lui réclame des dommages-intérêts totalisant 125 000 $, soit 25 000 $ par année sur une période de cinq ans.

Les parents ne jouissent pas d’une immunité législative pour les actes accomplis dans l’exercice de leur autorité parentale. Un parent peut engager sa responsabilité civile envers l’autre parent lorsqu’il commet une faute qui entraîne un préjudice et lorsqu’il existe un lien de causalité entre la faute et le préjudice ainsi causé. La norme de conduite reste celle de la personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances.

La séparation est survenue alors que l’enfant était très jeune. Compte tenu de la distance séparant leur résidence respective, les parties se sont entendues pour qu’il demeure chez monsieur pendant la semaine à compter du début de son parcours primaire. La relation entre l’enfant et madame a commencé à se détériorer dès la sixième année. L’enfant s’est mis à s’opposer de plus en plus aux règles de vie mises en place chez sa mère. L’on comprend que madame a un style d’éducation plus rigide, à l’opposé de celui de monsieur. Le conflit a manifestement été exacerbé lorsque des modifications ont été apportées aux modalités de garde. En effet, malgré le désaccord exprimé par l’enfant, il a été décidé qu’il emménagerait chez sa mère pendant ses études secondaires. La rupture définitive s’est produite après une altercation physique entre l’enfant et sa mère. L'enfant refusait de terminer un devoir, insistant plutôt pour regarder une émission de télévision. À la suite de cet évènement, l’enfant est retourné vivre avec son père et a coupé tout contact avec sa mère et les membres de sa famille maternelle.

Bien qu’il ne s’agisse pas d’un « cas pur » d’aliénation parentale, et malgré l’absence d’une expertise psychosociale, l’enfant ayant refusé d’y participer en dépit d’une ordonnance prononcée à cet effet, plusieurs faits démontrent qu’il a été aliéné par monsieur et que c’est ce qui a entraîné la rupture du lien avec sa mère. La faute commise par monsieur est celle d’avoir omis d’exercer conjointement l’autorité parentale avec madame. Il savait que l’enfant montrait des signes d’opposition de plus en plus fréquents lorsqu’il était chez elle, situation qui ne se présentait pas chez lui, mais au lieu de faire équipe avec madame pour recadrer l’enfant, il validait ses agissements. Madame a tenté au fil des ans diverses approches afin d’améliorer le climat familial en faisant appel à différents professionnels. Monsieur a toujours refusé de collaborer et de participer aux démarches. Il ne fait aucun doute qu’il a renforcé le comportement d’opposition de l’enfant. Les agissements irrespectueux et méprisants de ce dernier ont systématiquement été approuvés, voire encouragés. Sachant qu’il bénéficiait d’un soutien indéfectible de la part de son père, l’enfant s’est cru tout permis en présence de sa mère. Quand monsieur était celui à l’origine d’un désaccord, il se gardait bien de le mentionner à l’enfant, engendrant un conflit de loyauté. Avant l’altercation physique, madame a communiqué avec monsieur à deux reprises pour lui demander son aide. Elle souhaitait que l’enfant revienne vivre avec lui parce qu’il était profondément malheureux. Monsieur ne s’est pas mobilisé. En ignorant continuellement madame et en exerçant l’autorité parentale unilatéralement, il l’a discréditée aux yeux de l’enfant. Une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances aurait collaboré en tentant de trouver des solutions pour préserver le lien entre l’enfant et sa mère.

Madame a, à certaines occasions, contribué à la distanciation de l’enfant en faisant preuve de rigidité et en adoptant des mesures disciplinaires douteuses, par exemple en usant de contrainte physique pour le forcer à gagner sa chambre. Toutefois, ce ne sont pas ces gestes qui ont provoqué la rupture complète. Elle n’a pas contribué à alimenter le conflit de loyauté et le préjudice résultant de la rupture. Le ressentiment profond que l'enfant entretient envers sa mère, qui s’apparente à de la haine, découle du comportement fautif de monsieur. Une somme de 30 000 $ est accordée à madame pour la perte d'affection.

Vu ce qui précède, la demande en déclaration d’abus présentée par monsieur est rejetée.

Également d’intérêt
© Thomson Reuters Canada Limitée. Tous droits réservés. Mise en garde et avis d’exonération de responsabilité.