Skip to content

Les paroles prononcées par l’accusé lorsqu’il a appelé le programme d'aide offert par son employeur ne constituent pas des menaces au sens de l’art. 264.1 C.cr. Un appel à l'aide ne devrait pas être visé par cette disposition.

Résumé de décision : Martel c. R., EYB 2023-512924, C.A., 9 février 2023
Les paroles prononcées par l’accusé lorsqu’il a appelé le programme d'aide offert par son employeur ne constituent pas des menaces au sens de l’art. 264.1 C.cr. Un appel à l'aide ne devrait pas être v

L'élément de faute de l'infraction de menace revêt un caractère subjectif. Il faut examiner ce que l'accusé entendait effectivement faire. On doit rechercher son intention véritable lorsqu'il a prononcé les paroles qui lui sont reprochées. Pour faire cette détermination, le juge du procès doit tenir compte de toutes les circonstances dans lesquelles les paroles ont été prononcées et des explications que l'accusé fournit lors de son témoignage.

Dans la présente affaire, le juge du procès a erré en écartant les explications que l'accusé a données lorsqu'il a appelé, pour la troisième fois, le programme d'aide aux employés offert par son employeur. D'une part, ce troisième appel a eu lieu quelques minutes seulement après les deux autres appels que l'accusé avait faits au programme d'aide. D'autre part, dans le cadre de cet appel, l'accusé explique qu'il recherche de l'aide et qu'il n'a aucune intention de tuer quelqu'un. Plutôt que de tenir compte des explications de l'accusé, le juge considère qu'il est trop tard pour exprimer des regrets puisque le crime a déjà été commis. En outre, le juge se devait de tenir compte des explications que l'accusé a fournies lors du procès pour déterminer si celui-ci avait l'intention requise au moment des appels au programme d'aide. Qui plus est, le juge n'analyse pas non plus la déclaration que l'accusé a faite aux policiers dès le lendemain de son arrestation et dans laquelle il explique son état d'esprit au moment de ses appels au programme d'aide. Le juge n'a donc pas tenu compte des explications que l'accusé a données quant aux paroles qu'il a prononcées, ce qui était essentiel à la détermination de l'élément intentionnel de l'infraction de menace.

Le juge écarte par ailleurs l'argument fondé sur le fait qu'il doit y avoir un acquittement lorsque les paroles sont prononcées alors que l'accusé se confie à un thérapeute et qu'il prononce les paroles menaçantes à sa demande. Certes, l'accusé n'était pas en thérapie au moment où il a prononcé les paroles ayant mené à l'accusation portée contre lui. Il était toutefois en contact avec un programme offert par son employeur afin d'obtenir de l'aide. C'est à la suite d'une question de la première agente qui voulait connaître les raisons de sa demande de consultation, et après quelques instants d'hésitation, qu'il a prononcé les paroles visées par l'accusation. Il n'appelait pas au programme d'aide pour menacer qui que ce soit, il cherchait de l'aide pour ne pas en venir à perdre le contrôle. Comme le souligne le professeur Pierre Rainville, une consultation visant à freiner des pensées noires « suppose de toute évidence la volonté d'être pris au sérieux », mais les paroles prononcées pour expliquer la détresse ne constituent pas nécessairement des menaces. Il faut analyser ce type de confidence dans le contexte où les paroles sont prononcées, explique le professeur Rainville. Un cri de désespoir ou un cri du coeur ne s'apparente généralement pas à une menace. Les circonstances dans lesquelles les paroles ont été prononcées revêtent donc la plus haute importance pour déterminer si elles doivent faire l'objet de sanctions criminelles. Il ne faut pas faire en sorte que des personnes qui cherchent de l'aide évitent de le faire de peur que leurs paroles soient mal interprétées. Un appel à l'aide ne devrait pas être visé par l'art. 264.1 C.cr.

Somme toute, le juge a commis une erreur de droit en concluant que l'accusé avait l'intention requise pour commettre l'infraction de menace. L'ensemble des circonstances indique le contraire. L'accusé doit donc être acquitté de cette infraction.

Également d’intérêt
© Thomson Reuters Canada Limitée. Tous droits réservés. Mise en garde et avis d’exonération de responsabilité.