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Théorie du complot sur les changements climatiques : un complotiste qui a allumé 14 feux en forêt dans les environs de Chibougamau et de Chapais à l'été 2023 est condamné à une peine de huit ans de pénitencier.

Résumé de décision : R. c. Paré, EYB 2024-555594, C.Q., 10 octobre 2024
Théorie du complot sur les changements climatiques : un complotiste qui a allumé 14 feux en forêt dans les environs de Chibougamau et de Chapais à l'été 2023 est condamné à une peine de huit ans de pé

L'accusé a reconnu avoir allumé 14 feux en forêt dans les environs de Chibougamau et de Chapais à l'été 2023 durant une interdiction gouvernementale de faire des feux à ciel ouvert (pendant une certaine période, il était même interdit de simplement se trouver en forêt). Les différents feux ont ravagé entre 0 et 872,7 ha. Le feu le plus important a mené à l'évacuation de 369 résidences du lac Caven et de la ville de Chapais. Les coûts pour éteindre les feux et procéder aux évacuations ainsi que les dommages matériels et à la forêt sont estimés à plusieurs millions de dollars. Heureusement, aucune perte humaine ni blessure n'est rapportée, mais des chalets ont été endommagés (un chalet a même été la proie des flammes). Et tout ceci, en raison d'un manque de jugement alimenté par les théories complotistes sur les changements climatiques qui circulent sur les réseaux sociaux. En effet, dans un désir de découvrir la vérité, l'accusé a décidé de faire des tests pour valider ses impressions selon lesquelles les feux de forêt qui survenaient cet été-là n'étaient pas naturels, mais plutôt l'oeuvre du gouvernement. Selon l'accusé, la forêt n'était pas sèche (la terre était encore humide) et ses tests allaient le démontrer. Toutefois, même après avoir allumé plusieurs feux, l'accusé était toujours sceptique. Il a d'ailleurs dit aux enquêteurs qu'il ne sait pas combien de feux il aurait allumés s'il n'avait pas été arrêté. Le temps est venu de déterminer la peine à infliger à l'accusé. Le ministère public demande une peine de dix ans d'emprisonnement. L'avocat de la défense propose, lui, une peine de deux ans moins un jour d'emprisonnement.

La gravité objective des infractions est très élevée (un incendie criminel constituant un danger pour la vie humaine est passible de l'emprisonnement à perpétuité et un incendie criminel entraînant des dommages matériels est passible d'un emprisonnement maximal de 14 ans). La gravité subjective des infractions est tout aussi élevée. Il n'y a pas d'affaires comparables rapportées au Canada.

Au chapitre des facteurs atténuants, l'accusé a plaidé coupable, il a collaboré avec les policiers, après avoir fourni une première version disculpatoire, et il subit beaucoup de désagréments en détention, vu la médiatisation importante de son dossier. À ce dernier égard, il y a lieu de noter qu'on ne parle pas ici des désagréments normaux de la médiatisation d'une affaire, mais d'un préjudice distinct allant au-delà de ces désagréments normaux.

En ce qui concerne les facteurs aggravants, on retient le nombre d'incendies, la planification des incendies, les lourdes conséquences matérielles, psychologiques et écologiques des incendies et la sécurité et la vie de plusieurs personnes qui ont été mises en danger.

La gravité des infractions (ampleur des dommages causés), une fois considérée à la lumière du profil peu reluisant de l'accusé (antécédents judiciaires et risque de récidive, notamment) et de la présence de circonstances particulièrement aggravantes, milite pour une peine sévère.

Outre les cas des peines consécutives obligatoires qui ne nous concernent pas en l'espèce, la décision d'imposer des peines consécutives relève du pouvoir discrétionnaire du juge. Il est vrai que les tribunaux se sont montrés plus réticents à imposer des peines concurrentes lorsque des actes ont fait plusieurs victimes ayant subi chacune un préjudice, et lorsque des crimes résultent de transactions criminelles distinctes. Par contre, dans tous les cas, la décision du juge est subordonnée au principe de la totalité de la peine, lequel est prévu à l'al. 718.2c) C.cr. Conséquemment, bien qu'il y ait eu en l'espèce plusieurs victimes sur une période de quatre mois, il serait tout à fait déraisonnable d'imposer des peines consécutives qui mèneraient à un emprisonnement de plusieurs dizaines d'années. De plus, une partie de la présente affaire est toujours la même, soit la fausse croyance complotiste. C'est alors une transaction criminelle en continu. Il y a donc lieu d'imposer des peines concurrentes qui donneront une peine globale raisonnable et justifiée dans les circonstances.

À la lumière de ce qui précède, il y a lieu d'imposer à l'accusé une peine totale de huit ans d'emprisonnement. Cette peine totale doit évidemment être réduite pour tenir compte de la détention provisoire de l'accusé (600 jours comptabilisés à temps et demi). Elle est aussi ventilée entre les différents incendies et leurs conséquences respectives.

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