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Tuerie de la Grande Mosquée de Québec : Alexandre Bissonnette pourra faire une demande de libération conditionnelle après 25 ans de prison.

Résumé de décision : Bissonnette c. R. , C.A., 26 novembre 2020.
Tuerie de la Grande Mosquée de Québec : Alexandre Bissonnette pourra faire une demande de libération conditionnelle après 25 ans de prison.

Alexandre Bissonnette, le tueur de la Grande Mosquée de Québec (l'accusé), se pourvoit contre la peine d'emprisonnement à perpétuité, sans possibilité de libération conditionnelle avant 40 ans, qui lui a été imposée. Il demande à la Cour d'annuler l'ordonnance que le juge de première instance a rendue en vertu de l'art. 745.51 C.cr. (période additionnelle (ou consécutive) d'inadmissibilité à la libération conditionnelle de 15 ans), de déclarer cet article invalide et inopérant, et d'ordonner en conséquence une période totale d'inadmissibilité à la libération conditionnelle de 25 ans. S'il est d'accord avec le juge pour dire que la disposition est inconstitutionnelle, l'accusé se plaint du remède que celui-ci a identifié (réécriture de la disposition). De son côté, le ministère public, qui se pourvoit également en appel, demande à la Cour de substituer une période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle de 25 ans à celle de 15 ans ordonnée par le juge. Il demande donc l'imposition d'une période totale d'inadmissibilité à la libération conditionnelle de 50 ans. Quant à lui, le procureur général du Québec (PGQ), qui interjette aussi appel, demande à la Cour de déclarer que l'art. 745.51 C.cr. est constitutionnellement valide. Si la Cour retenait l'inconstitutionnalité de la disposition, le PGQ plaide, subsidiairement, que la solution identifiée par le juge, soit de réécrire la disposition, était le remède approprié.

L'article 745.51 C.cr. permet au juge qui impose une peine à perpétuité pour plus d'un meurtre d'ordonner que toutes les périodes d'inadmissibilité à la libération conditionnelle qui s'imposent pour chacun des meurtres soient purgées consécutivement, si les circonstances, la nature de l'infraction et le caractère du délinquant le justifient. La disposition ne fixe pas de durée maximale à la période de réclusion obligatoire totale qui pourrait ainsi être ordonnée. L'interprétation de l'art. 745.51 C.cr. ne pose pas problème. Comme tous en conviennent, le pouvoir discrétionnaire conféré au juge lui permet d'imposer des périodes de 25 ans d'inadmissibilité consécutives pour chacun des meurtres. Ce sont donc des périodes d'inadmissibilité de 25, 50, 75, 100 ans ou même plus qui sont en cause. L'entrée en vigueur de l'art. 745.51 C.cr. avec la possibilité de périodes d'inadmissibilité successives modifie donc considérablement les choses, au point où sa constitutionnalité est maintenant mise en cause. L'examen de la constitutionnalité de la disposition doit être effectué indépendamment du cas de l'accusé, et malgré toute l'horreur de son geste. Cet examen doit aussi être effectué en tenant compte du fait qu'au Canada, même le pire des criminels ayant commis les pires des crimes a droit en tout temps aux garanties fournies par la Charte canadienne.

Depuis maintenant cinq ans, les tribunaux canadiens ont appliqué le test élaboré dans l'arrêt Nur, dont les principes ont été développés pour des contestations touchant des peines minimales. C'est ce test que le juge a appliqué dans la présente affaire, une approche critiquée par toutes les parties. À l'instar de celles-ci, la Cour est d'avis que le juge ne pouvait appliquer sans distinction le test de l'arrêt Nur. Cette approche n'était pas la bonne. Comme le juge a, selon l'art. 745.51 C.cr., le pouvoir discrétionnaire d'imposer des périodes consécutives, sans que cela soit obligatoire, l'on ne peut aborder la question comme s'il s'agissait d'une peine minimale. En d'autres mots, puisque le juge n'est pas obligé d'imposer des périodes consécutives, une grande partie de l'exercice décrit dans l'arrêt Nur devient sans pertinence.

La démarche du juge a consisté à déterminer que même une seule période consécutive de 25 ans, pour un total de 50 ans, engendrerait des effets exagérément disproportionnés pour l'accusé. Cette approche a conduit le juge à déterminer que la seule option offerte par le législateur, qui est celle d'ajouter une période de 25 ans pour chacun des meurtres, ne convenait pas. Selon l'accusé, l'art. 745.51 C.cr. est inconstitutionnel non pas parce que le juge est obligé de prononcer l'ordonnance, mais parce qu'il a nécessairement des effets exagérément disproportionnés si l'ordonnance est prononcée. Pour l'accusé, la perte de l'espoir de bénéficier d'une libération conditionnelle après 25 ans est un élément qui, à lui seul, pourrait rendre la peine exagérément disproportionnée. Autrement dit, la simple possibilité qu'un juge puisse imposer une peine à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant 50 ans ou plus serait toujours cruelle et inusitée, et ce, en raison de la nature même de la peine et de ses effets déshumanisants qui enlèvent à un accusé tout espoir réaliste de connaître un jour la liberté. Et selon le PGQ et le ministère public, une peine à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant 50 ans ou plus ne sera pas toujours cruelle et inusitée, de telle sorte que l'art. 745.51 C.cr. est constitutionnellement valide. Cette approche est similaire à celle retenue dans l'arrêt Malmo Levine. Dans cet arrêt, la Cour suprême du Canada a décidé que même dans les cas où le législateur prévoit la possibilité d'imposer une peine qui constitue habituellement une peine exagérément disproportionnée, cela n'entraînera pas nécessairement une conclusion d'inconstitutionnalité s'il est possible que, dans certaines circonstances, la peine ne le soit pas. Ainsi, une disposition prévoyant la seule possibilité d'imposer une peine qui pourrait être cruelle et inusitée ne contreviendrait pas à l'art.  12 de la Charte canadienne, car l'on peut croire qu'un juge ne l'imposerait pas, étant donné qu'il a le choix. Suivant cette logique, la question à résoudre est celle-ci : peut-il exister des cas où il ne serait pas cruel et inusité d'imposer des périodes minimales sans être admissible à une libération conditionnelle avant 50, 75, 100, 125, 150, voire 1 000 ans?

Tout d'abord, la disproportion est exagérée et évidente dans tous les cas où il est possible d'imposer une période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle dépassant largement l'espérance de vie de toute personne humaine. Une ordonnance de cette nature relève de l'absurdité. Un tribunal ne doit pas rendre une ordonnance qui ne peut jamais se réaliser. Une ordonnance qui autorise un délinquant à entreprendre une démarche qu'il ne pourra jamais amorcer, parce que l'échéance sera nécessairement après son décès, discrédite l'administration de la justice. Ce non-sens ne peut survivre et constitue, en lui-même, une peine cruelle et inusitée, dégradante en raison de son caractère absurde. Voilà une peine qui sera toujours exagérément disproportionnée.

Pour ce qui est des périodes totalisant 75 ans, l'âge minimal pour atteindre l'admissibilité à la libération conditionnelle serait de 93 ans, mais beaucoup plus dans la très vaste majorité des cas, puisque le délinquant est rarement âgé de 18 ans. Si une telle ordonnance, contrairement aux précédentes, peut se concrétiser dans des cas rarissimes, elle n'en resterait pas moins cruelle et inusitée en raison du côté irréaliste de la proposition. Quoique fondé sur une décision judiciaire, l'espoir de recouvrer la liberté est factice. La disposition est odieuse et dégradante et les tribunaux ne peuvent être utilisés aux fins d'une justice chimérique. Le résultat est donc tout aussi exagérément disproportionné que les périodes de 100 ans et plus, malgré son apparente plausibilité.

Il demeure la possibilité que le juge décide d'imposer une seule période additionnelle d'inadmissibilité, donc d'ajouter une période d'inadmissibilité de 25 ans pour l'un ou l'autre des autres meurtres multiples (total de 50 ans). La rédaction de la disposition cause toutefois une difficulté : restreindre l'ordonnance à un seul autre meurtre ne reconnaît pas concrètement la valeur de chacune des vies perdues, contrairement au vœu du législateur. On pourrait croire que cette limite de 50 ans permet de respecter le principe fondamental de proportionnalité. Pourtant, il n'en est rien, comme le démontre le jugement de première instance : l'absence de discrétion quant à la durée additionnelle et le résultat obtenu (50 ans) ne constituent certes pas une réponse satisfaisante à l'exigence de proportionnalité de la peine. Par ailleurs, une période de 25 ans d'inadmissibilité avant de pouvoir demander la libération conditionnelle représente déjà, pour la majorité des accusés, une période équivalant à une bonne partie de leur vie active. Prolonger cette période pour la porter à 50 ans concrétisera, dans presque tous les cas, l'impossibilité de demander une libération conditionnelle avant d'atteindre un âge très avancé, empêchant ainsi toute possibilité de réintégrer la société en tant que citoyen actif. En fonction de l'âge du délinquant, cela peut aussi équivaloir à un refus anticipé d'obtenir quelque libération conditionnelle que ce soit de son vivant.

Jusqu'à maintenant, les tribunaux canadiens ont rejeté l'argument voulant que la perte de l'espoir de pouvoir recouvrer sa liberté puisse constituer un traitement inhumain et dégradant au sens l'art.  12 de la Charte canadienne. Par contre, plusieurs juges ont utilisé leur pouvoir discrétionnaire pour ne pas cumuler les périodes d'inadmissibilité, préservant ainsi la possibilité de réhabilitation du délinquant. S'il faut écarter l'argument voulant que la protection de l'espoir emporte l'inconstitutionnalité de l'art. 745.51 C.cr., il faut préserver le principe voulant que, si un individu est réhabilité après 25 ans d'emprisonnement, il doive pouvoir demander sa libération conditionnelle, sinon la peine aurait tous les attributs d'une peine totalement disproportionnée. La réinsertion sociale est un concept fondamental : cet objectif fait partie des valeurs morales fondamentales qui distinguent la société canadienne de nombreuses autres nations du monde et il guide les tribunaux dans la recherche d'une peine juste et appropriée. En outre, plusieurs instruments internationaux et autres documents produits par les organisations internationales insistent sur le fait que le régime d'emprisonnement devrait comporter un volet visant la transformation et le reclassement social des individus. Un délinquant réhabilité après 25 ans qui n'aurait pas droit de recourir au processus de libération conditionnelle avant une deuxième période de 25 ans subirait, dans tous les cas, un traitement cruel et inusité. La durée excessive de l'incarcération prolongée inutilement est alors exagérément disproportionnée.

L'article 745.51 C.cr. est donc excessif et son effet sera exagérément disproportionné parce qu'il rend inapplicables certains volets fondamentaux du droit pénal canadien, dont l'objectif de réinsertion sociale et le principe de proportionnalité. Il est aisé de concevoir qu'une période d'inadmissibilité de 50 ans ou plus ne laisse aucune véritable place à l'objectif de réhabilitation, lequel est pourtant une valeur vitale de notre système pénal. Par ailleurs, le juge, au moment de prononcer la peine, quelques mois ou quelques années après la perpétration de meurtres multiples, n'est pas en mesure, à moins de spéculer, de connaître véritablement les chances que l'accusé soit réhabilité dans 25 ans. Il l'est encore moins, si cela est possible, lorsque l'on parle de 50 ans. Le cas de l'accusé constitue un bon exemple. Ainsi, l'art. 745.51 C.cr. permet l'imposition d'une peine cruelle et inusitée en empêchant un accusé réformé d'avoir un accès réel au processus de demande de libération conditionnelle. Le pouvoir discrétionnaire octroyé au juge ne peut sauvegarder la disposition, car dans presque tous les cas de figure, la peine sera soit exagérément disproportionnée, soit inacceptable par nature.

En somme, l'art. 745.51 C.cr. contrevient à l'art,  12 de la Charte canadienne. La possibilité d'imposer des périodes par « bond » de 25 ans ne constitue pas une atteinte minimale aux droits protégés par la Charte canadienne et ne se justifie pas dans le cadre d'une société libre et démocratique, ce qu'a d'ailleurs conclu le juge dans le cas de l'accusé. La disposition est nettement disproportionnée par rapport aux objectifs législatifs qu'elle est destinée à servir et aux droits protégés par la Charte canadienne.

Le juge a déclaré que l'art. 745.51 C.cr. porte également atteinte au droit à la liberté et à la sécurité de la personne, lequel est protégé par l'art. 7 de la Charte canadienne, ce qui n'est pas remis en cause ici. Reste à savoir si les droits sont restreints en conformité avec les principes de justice fondamentale. Le juge a estimé que le principe de protection de l'espoir de recouvrer sa liberté un jour ne constitue pas un principe de justice fondamentale. Cette conclusion n'est pas contestée. En revanche, le juge conclut que l'art. 745.51 C.cr. porte atteinte à trois principes de justice fondamentale : le principe de la portée excessive, le principe de l'effet préjudiciable totalement disproportionné et le principe de la protection de la dignité humaine. Qu'en est-il?

La portée excessive et la disproportion totale peuvent être examinées en une seule étape. L'article 745.51 C.cr. poursuit deux objectifs législatifs apparents : 1) protéger la société des tueurs les plus incorrigibles; et 2) rétablir un équilibre entre les droits des victimes et ceux des auteurs de meurtres multiples, tout en reconnaissant la valeur de chaque vie perdue. Pour atteindre ces objectifs, le législateur a mis en place une solution mathématique, estimant que chacune des vies perdues valait 25 années d'inadmissibilité à la libération conditionnelle et permettant au juge d'en faire l'addition.

La portée de l'art. 745.51 C.cr. excède ses objectifs puisqu'il fait entrer dans son champ d'application tous les auteurs de meurtres multiples, peu importe le cas de figure. La disposition permet indéniablement aux juges d'ordonner des périodes consécutives à tous les auteurs de meurtres multiples, même ceux dont la situation n'était pas évoquée lors des débats parlementaires. Elle permet en outre d'imposer autant de périodes de 25 années qu'il y a de meurtres. Et les critères qui y sont énoncés (le caractère du délinquant, la nature de l'infraction et les circonstances entourant sa perpétration) sont très larges et n'ont pas une visée uniquement protectrice de la société. Dans la mesure où la disposition est susceptible d'application, et dans la mesure où il est possible d'imaginer qu'il puisse être fait droit à une telle ordonnance sans avoir la preuve que le délinquant représente un niveau de dangerosité très élevé et incurable, tous les auteurs de meurtres multiples risquent de se voir infliger des peines d'emprisonnement réelles et incompressibles, et ce, même si l'ordonnance n'est pas nécessaire pour protéger davantage le public. En ce sens, il y a absence de lien rationnel entre certains effets et le premier objectif du législateur. Il y a aussi absence de lien rationnel entre la volonté du législateur de reconnaître chaque vie perdue et la possibilité concrète que ce vœu se réalise, si la solution retenue est d'additionner des périodes d'inadmissibilité de 25 ans. La réalité biologique de la durée de vie humaine fait en sorte que le vœu du législateur ne pourrait pas se concrétiser, dans la grande majorité des cas, de sorte que les familles des victimes risquent d'être encore plus déçues par la décision judiciaire de ne pas imposer des périodes consécutives. Par ailleurs, la disposition a aussi une portée excessive et disproportionnée, comme le démontre l'analyse de l'art.  12 de la Charte canadienne, car elle permet d'interdire à un délinquant de formuler une demande de libération conditionnelle pour une période qui excède largement son espérance de vie. Le pouvoir discrétionnaire n'est pas suffisamment balisé pour empêcher toute portée excessive de la disposition. Il aurait fallu non seulement éviter que soient prononcées des ordonnances irréalisables, mais aussi mieux baliser le pouvoir discrétionnaire pour empêcher toute portée excessive. Le droit à la liberté et à la sécurité est par conséquent restreint dans une mesure qui dépasse largement ce qui est nécessaire pour la protection du public. De même, imposer une peine d'emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant 50 ou 75 ans (ou même plus) à un délinquant dont le risque de récidive est modéré ou faible et qui présente une chance de réhabilitation ne fera que créer un déséquilibre entre les droits des délinquants et ceux des victimes. En somme, et pour les motifs déjà exprimés dans le cadre de l'analyse portant sur l'art.  12 de la Charte canadienne, l'art. 745.51 C.cr. viole le droit à la liberté et à la sécurité de l'accusé par son effet préjudiciable totalement disproportionné par rapport à ses objectifs. La réponse du législateur au problème identifié est à ce point extrême qu'elle est disproportionnée à tout intérêt légitime du gouvernement. Le juge a donc eu raison de conclure que la portée de la disposition est nettement plus grande que nécessaire pour atteindre les objectifs de dénonciation et de protection du public.

Dans un autre ordre d'idées, la conclusion du juge selon laquelle la protection de la dignité humaine constitue un principe de justice fondamentale est discutable. Considérant que l'art. 745.51 C.cr. a une portée excessive et disproportionnée, il n'est pas utile, dans le cadre de la présente affaire, de discuter cette question.

En résumé, en raison de son libellé, l'art. 745.51 C.cr. n'est pas valide et contrevient aux art. 7 et 12 de la Charte canadienne. Quant à l'article premier, sur lequel les parties ont peu ou pas insisté, les effets de la disposition sont si disproportionnés que l'atteinte aux droits protégés ne peut être jugée minimale et qu'il n'y a aucune proportionnalité entre les objectifs et les effets de la disposition. Par conséquent, l'article premier ne permet pas de sauvegarder l'art. 745.51 C.cr.

Après avoir conclu que l'art. 745.51 C.cr. était invalide, le juge a opté pour l'interprétation large, à titre de mesure corrective, en ajoutant le pouvoir discrétionnaire d'imposer des périodes plus courtes que 25 ans. Cette approche n'était pas appropriée. Pour utiliser l'interprétation atténuée ou l'interprétation large (deux techniques qui cherchent à régler un problème défini, isolé, dans un ensemble par ailleurs valide), le tribunal doit être en mesure de régler isolément le problème de l'incompatibilité, ce qui, en principe, ne sera pas le cas si la partie fautive est inextricablement liée à d'autres parties de la loi. Ces deux techniques permettront de respecter le rôle du législateur si leur utilisation ne constitue pas un empiétement injustifié des tribunaux sur le domaine législatif. Autrement dit, il s'agit d'être aussi fidèle que possible, dans le cadre des exigences de la constitution, au texte législatif adopté par le législateur. Or, dans le présent dossier, l'incompatibilité constitutionnelle retenue par le juge touche le cœur de l'art. 745.51 C.cr. Certes, la loi vise l'imposition de peines plus sévères afin de renforcer les objectifs de dénonciation et de rétribution, et, surtout, d'assurer ainsi la protection de la société. Cependant, les périodes fixes de 25 ans, moyen retenu par le législateur, sont si inextricablement liées à cet objectif qu'elles en font partie au point où elles ne peuvent être mises de côté sans empiéter indûment sur le domaine législatif. En réalité, le juge, ici, usurpe le rôle du législateur. Tant le texte de la loi que toute la preuve (les travaux parlementaires, notamment) démontrent que les « bonds » de 25 ans font partie de l'objectif poursuivi, lequel veut que toutes les vies enlevées après la première aient une valeur identique et que tous les crimes soient en conséquence punis de la même manière, c'est-à-dire par des périodes minimales de 25 ans qui peuvent s'ajouter les unes aux autres. On ne peut absolument pas supposer que le législateur aurait retenu le texte réécrit par le juge s'il avait été conscient de l'invalidité de la disposition. En fait, tout indique qu'il s'agit d'un choix délibéré, réfléchi, conscient.

En somme, l'art. 745.51 C.cr. est inconstitutionnel et il doit être déclaré invalide. Cette déclaration d'invalidité doit prendre effet immédiatement en l'absence de motifs pouvant justifier une suspension de ses effets. En conséquence, il faut revenir à la loi telle qu'elle était avant la modification ayant mené à l'art. 745.51 C.cr. et ordonner que les périodes d'inadmissibilité à la libération conditionnelle soient purgées de manière concurrente et que le bénéfice de la libération conditionnelle de l'accusé soit donc subordonné à l'accomplissement d'au moins 25 ans de la peine d'emprisonnement à perpétuité.

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