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Un courtier immobilier n’est pas tenu à la garantie légale de qualité, mais sa responsabilité civile peut être retenue s’il commet une faute envers l’une ou l’autre des parties impliquées dans la transaction

Par Florence Lane Bossé, LANE, avocats et conseillers d’affaires inc.
Un courtier immobilier n’est pas tenu à la garantie légale de qualité, mais sa responsabilité civile peut être retenue s’il commet une faute envers l’une ou l’autre des parties impliquées dans la tran

Dans la décision Mainguy c. Courchesne (EYB 2017-280641 – Texte intégral | Fiche quantum), il est intéressant de constater que non seulement le vendeur, par ses fausses représentations, a été tenu responsable des dommages en raison de vices cachés affectant la propriété, mais que son courtier immobilier le fut également.

Plus particulièrement, le courtier, défendeur en garantie, avait conseillé à son client vendeur de ne pas modifier son formulaire de déclaration du vendeur pour y déclarer la problématique en lien avec le mur de soutènement déficient.

Dans cette décision, le vendeur avait acheté l’immeuble sans garantie légale. Au moment de la revente, cette fois avec la garantie légale, le vendeur prépare avec son courtier un formulaire de déclaration du vendeur très détaillé. Cette déclaration faisait état de plusieurs problématiques dans l’immeuble, sauf en ce qui concernait le muret de soutènement.

Au moment où le vendeur et son courtier réalisent l’erreur, le courtier conseille à son client de ne pas changer sa déclaration du vendeur et le rassure en lui disant qu’il divulguera la problématique du muret de soutènement aux acheteurs potentiels. Or, le courtier ne le fait pas.

Poursuivi par son acheteur en vices cachés notamment pour cette problématique au niveau du muret, le vendeur appelle en garantie son courtier immobilier en invoquant essentiellement que son courtier immobilier a commis une faute contractuelle à son égard, soit de l’avoir mal conseillé au moment de remplir le formulaire de déclaration du vendeur, d’avoir omis de corriger cette déclaration lorsqu’il constate qu’il n’est pas question du muret et de ne pas avoir, comme il s’était engagé à le faire, informé les acheteurs du problème au niveau du muret.

Concluant notamment que la problématique du muret de soutènement était un vice caché, l’honorable Geneviève Cotnam, j.c.q. en vient à la conclusion que le courtier immobilier a caché aux acheteurs un vice caché dont il connaissait la présence avant la vente, en l’occurrence la problématique entourant le muret de soutènement, et qu’il n’en a pas informé les acheteurs avant la vente, commettant ainsi une faute pour laquelle il engage sa responsabilité envers son client vendeur :

[71] L’avocat du Courtier soutient que son client, n’étant pas directement poursuivi par les Acheteurs, ne peut être tenu responsable des vices cachés affectant la résidence.
[72] Le Vendeur reproche essentiellement au Courtier une faute contractuelle soit de l’avoir mal conseillé au moment de compléter la déclaration du vendeur, d’avoir omis de corriger cette déclaration lorsqu’il constate qu’il n’est pas question du muret et de ne pas avoir, comme il s’était engagé à le faire, informé les Acheteurs du problème au niveau du muret.
[73] La preuve révèle que le Courtier était au courant du problème affectant le muret au moment où il a complété en compagnie du Vendeur la déclaration du vendeur.
[74] Malgré ce fait, il ne fait aucune référence au muret dans la déclaration. Tant le Vendeur que le Courtier, affirme qu’il s’agit d’un oubli.
[75] Le Tribunal considère que lorsqu'il constate cette omission, il appartient au Courtier de faire le nécessaire afin de modifier la déclaration du vendeur de façon à y inscrire cette information qui est potentiellement déterminante pour un acheteur éventuel.
[76] La déclaration du vendeur a pour but de dénoncer aux acheteurs les vices connus du vendeur afin qu'ils puissent en tenir en compte au moment de formuler une offre d'achat. Elle indique également que le prix de vente prend en considération ces éléments.
[77] En ne modifiant pas la déclaration pour qu'elle reflète la réalité le Courtier prive l'acheteur d'une information pertinente et expose son client à devoir négocier à la baisse le prix de vente.
[78] Le Courtier affirme s'être engagé à informer tous les visiteurs de la problématique lors des visites. Or, il ne l'a manifestement pas fait en l'espèce. C'est l'omission du Courtier qui est à l'origine du dol du Vendeur.
[79] À la lumière de ce qui précède, le Tribunal retient que le courtier a commis une faute à l'égard du Vendeur faisant en sorte que ce dernier, alors qu'il ne souhaitait pas cacher la problématique du muret, est maintenant responsable des conséquences d'un dol face aux Acheteurs.
(Nos soulignements)

«Le Courtier affirme s'être engagé à informer tous les visiteurs de la problématique lors des visites. Or, il ne l'a manifestement pas fait en l'espèce. C'est l'omission du Courtier qui est à l'origine du dol du Vendeur.»

En l’espèce, le remplacement du mur de soutènement représentait 15 % de la valeur de l’immeuble. Le tribunal a conclu que le courtier a commis une faute en n’informant pas les acheteurs de la problématique du muret de soutènement. Même si le courtier ne souhaitait pas cacher cette information aux acheteurs, il demeure responsable des conséquences d’un dol face aux acheteurs. Plus particulièrement, le tribunal en vient à la conclusion que c’est l’omission du courtier qui est à l’origine du dol du vendeur.

À notre avis, l’acheteur aurait pu selon nous poursuivre directement, en plus du vendeur, le courtier immobilier du vendeur en responsabilité extracontractuelle, et obtenir une condamnation in solidum du vendeur et du courtier au niveau des dommages subis par l’acheteur au niveau de la problématique du muret de soutènement.

L’article 85 du Règlement sur les conditions d’exercice d’une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité énonce l’obligation qui incombe au courtier qui a connaissance de tout facteur défavorable, en ce qu’il est tenu d’informer la partie qu’il représente et toutes les parties à une transaction de tout facteur dont il a connaissance et qui peut affecter défavorablement les parties ou l’objet même de la transaction. Dans un tel contexte, l’acheteur aurait pu invoquer la faute du courtier immobilier à son égard et se fonder sur l’article 85 susmentionné ainsi que l’article 1457 du Code civil du Québec pour retenir à son égard la responsabilité du courtier immobilier.

«seul le vendeur est responsable de la garantie légale de qualité, laquelle incombe exclusivement au vendeur. On ne peut donc retenir la responsabilité du courtier sur la base de la garantie légale de qualité, mais un courtier immobilier peut toutefois encourir sa responsabilité civile envers l’une ou l’autre des parties impliquées dans une transaction s’il commet une faute causant des dommages.»

Il importe toutefois de préciser que le vendeur fut également condamné à indemniser son acheteur pour la présence de 52 pieds de fissures dans les fondations, qui ont été assimilées par le tribunal comme étant vices cachés couverts par la garantie légale de qualité. Le tribunal n’a toutefois pas retenu la responsabilité du courtier immobilier à cet égard dans le cadre de l’appel en garantie dirigé contre lui par son vendeur, pour le motif que le courtier immobilier n’est pas responsable des vices cachés.

Plus particulièrement, seul le vendeur est responsable de la garantie légale de qualité, laquelle incombe exclusivement au vendeur. On ne peut donc retenir la responsabilité du courtier sur la base de la garantie légale de qualité, mais un courtier immobilier peut toutefois encourir sa responsabilité civile envers l’une ou l’autre des parties impliquées dans une transaction s’il commet une faute causant des dommages.

Cette décision nous rappelle donc qu’un courtier a l’obligation de bien conseiller son client au niveau de ses obligations de divulgation à l’égard d’éléments pouvant affecter défavorablement l’immeuble et qu’il est tenu de les divulguer à l’ensemble des parties impliquées dans une transaction, sous peine de commettre une faute pouvant entraîner sa responsabilité civile.

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