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Plongez dans l’été en toute sécurité : les normes concernant les piscines résidentielles

Par Me Lorraine Talbot, Talbot Kingsbury Avocats
Blogue juridique

En cette période de l’année propice à la construction, l’installation ou l’ouverture de votre piscine résidentielle, plusieurs d’entre vous se demanderont si leurs installations respectent les normes en vigueur. Dans tous les cas, qu’elle soit creusée ou hors terre, vous devez obtenir un permis de votre municipalité avant d’entreprendre la construction ou l’installation d’une piscine sur votre propriété. Il faut reconnaître qu’il devient difficile de suivre l’évolution des règles en matière de sécurité des piscines. Faut-il se référer aux règlements municipaux ? En l’absence de tels règlements au sujet des piscines résidentielles dans ma municipalité, suis-je libéré de toute obligation de veiller à ce que ma piscine soit hors d’accès pour des enfants et sécuritaire pour les baigneurs ?

Non.

Bien évidemment, ce n’est pas parce qu’aucune règle ne vous impose de normes contraignantes que vous ne devez pas suivre votre bon sens et votre bon jugement.

Sachez tout de même qu’il existe des normes provinciales de sécurité obligatoires pour toutes les piscines résidentielles du Québec, peu importe votre situation géographique dans la province.

Ces normes de sécurité obligatoires, quelles sont-elles ?

I- Normes de sécurité

Si la réglementation de votre municipalité ne prévoit pas de normes particulières en ce qui a trait aux dispositifs de sécurité limitant l’accès à votre piscine, il existe tout de même des normes qui s’appliquent par défaut à toute piscine résidentielle située au Québec. Nous prenons soin de vous résumer ainsi l’essentiel des normes élémentaires de sécurité découlant des lois en vigueur au Québec :

Piscines creusées

  • Obligation d’ériger une enceinte d’au moins 1,2 m de hauteur entourant votre piscine. Les haies et les arbustes ne sont pas considérés comme des enceintes ; 
  • Pour empêcher qu’un enfant passe entre les barreaux, les ouvertures doivent mesurer moins de 10 cm ;
  • Aucun élément ne doit permettre d’escalader la clôture ; 
  • Les portes de l’enceinte doivent être munies d’un système de fermeture et de verrouillage automatique ; 
  • Les piscines creusées ou semi-creusées doivent être munies d’une échelle ou d’un escalier permettant d’entrer dans l’eau et d’en sortir. 

Piscines hors terre

  • Les piscines hors terre qui mesurent plus de 1,2 m de hauteur et les piscines démontables qui mesurent plus de 1,4 m de hauteur n’ont pas à être entourées d’une clôture si leur accès se fait au moyen d’une échelle dont la portière de sécurité se referme et se verrouille automatiquement. Même chose si l'accès se fait au moyen d'une échelle ou d'une plateforme protégée par une enceinte, ou si la piscine est rattachée à la résidence par une terrasse dont la partie ouvrant sur la piscine est protégée par une enceinte ;
  • Afin d’empêcher qu’un enfant grimpe pour accéder à la piscine, les appareils nécessaires à son fonctionnement doivent être installés à plus d'un mètre de la piscine ou de l’enceinte, s’il y a lieu. Les appareils peuvent toutefois être installés à moins d’un mètre s'ils sont clôturés ou installés sous une plateforme en empêchant l’accès, une terrasse en bois ou encore un « deck » par exemple. 

Amende pour les contrevenants

  • Les personnes qui contreviennent au règlement sont passibles d’une amende variant entre 500 et 700 $, et jusqu’à 1 000 $ en cas de récidive. 

En plus d’être passible d’une amende, le citoyen qui ne se conforme pas à ces normes légales s’expose à davantage de risques et, dans certaines conditions, pourrait ne pas être indemnisé par ses assureurs en cas d’accident. Sur cette question, les conseils de votre avocat peuvent s’avérer utiles.

D’ailleurs, en cas d’accident, il sera alors plus difficile pour le contrevenant d’éluder sa responsabilité, le fardeau de la preuve pour la victime étant allégé en raison du non-respect de normes légales élémentaires.

II- Responsabilité civile et norme élémentaire de prudence

À cet effet, il est reconnu en droit civil que la simple contravention à une disposition légale ou réglementaire n'engage pas automatiquement la responsabilité civile du citoyen contrevenant, si elle ne cause de préjudice à personne.

Cependant, lorsque des dispositions réglementaires constituent des normes élémentaires de prudence, y contrevenir devient d’office une faute civile. Lorsque cette faute est immédiatement suivie d'un accident dommageable, comme la noyade ou les blessures graves, alors que la norme avait justement pour but de prévenir ce type d’accident, il est raisonnable de présumer, sous réserve d'une démonstration ou d'une forte indication du contraire, qu'il y a un lien de causalité entre la faute et l'accident. Il faut comprendre à ce stade que les normes énumérées ici constituent en quelque sorte des normes élémentaires de prudence et de sécurité qui sont un minimum à atteindre pour le propriétaire en ce qui a trait à la sécurité de sa piscine.

Ce type de situation pourrait même être apparenté à une faute lourde ou encore à un motif valable pour son assureur de ne pas honorer ses engagements. Comme cette situation vous apparaît pour le moins inquiétante, vous vous demandez alors s’il est possible de faire obstacle à ces normes ainsi qu’à tout ce qui en découle.

III- Possibilité de ne pas être assujetti à ces normes de sécurité


La notion de droits acquis

Au fil des années, les décisions judiciaires semblent établir qu'il n'y a pas de droits acquis en matière de sécurité publique. Dans cette optique, quand il s'agit d'assurer la sécurité des citoyens, les tribunaux hésitent à accepter l'existence de droits acquis à l'encontre de l'application immédiate d'une loi ou d’un règlement municipal visant la protection du public.

En effet, l'évolution des normes de sécurité dans la vie de tous les jours fait en sorte que les citoyens doivent s'adapter en plus d’adapter leurs immeubles et autres propriétés aux nouvelles exigences réglementaires relatives à la sécurité des personnes.

Ces adaptations rapides et nécessaires sont le fruit de l’évolution des technologies, des découvertes scientifiques et des nouvelles constatations factuelles relatives à certaines situations favorisant ainsi l'évolution des normes de sécurité. Il appartient donc au citoyen d’être continuellement à l'affût des nouveautés et de respecter les lois en vigueur. Lorsqu'un gouvernement ou une municipalité détermine qu'une situation est dangereuse et impose des normes de sécurité, les tribunaux, à moins d'abus, appliquent ces normes à tous et sans délai, sauf circonstances exceptionnelles.

C’est ainsi que les tribunaux ont décidé que l'existence d'une piscine creusée non protégée par des clôtures, ni par des accès fermés constitue en soi un danger pour la population en général ou pour les invités à qui les propriétaires ont permis l'accès.

Les municipalités peuvent validement contraindre les propriétaires de piscine à installer des dispositifs de sécurité empêchant l’accès en adoptant des règlements municipaux, même si ces règlements sont plus sévères que les normes provinciales déjà en vigueur partout au Québec. Dans le cas contraire, comme il a été mentionné plus haut, en l’absence de règlements municipaux, les citoyens sont tout de même soumis aux normes provinciales minimales contenues au Règlement sur la sécurité des piscines résidentielles.

En revanche, ce règlement provincial, à son article 10, prévoit une exception.

Exception contenue au règlement provincial

En tenant compte de cette disposition, les tribunaux considèrent que le règlement provincial ne s’applique pas aux piscines construites avant le 22 juillet 2010. C’est donc dire qu’une piscine construite avant cette date et qui se situe sur le territoire d’une municipalité qui n’encadre pas la sécurité, ni l’accès aux piscines résidentielles n’est pas assujettie aux normes de sécurité de base émises par le règlement provincial. Toutefois, c’est uniquement le règlement provincial qui ne s’applique pas aux piscines construites avant cette date. Dès que la municipalité encadre l’accès et la sécurité des piscines résidentielles, le citoyen doit se conformer aux normes municipales, même s’il bénéficiait jusqu’à ce jour d’une exclusion, comme celle que l’on retrouve à l’article 10 du Règlement sur la sécurité des piscines résidentielles.

Il importe alors pour le citoyen propriétaire d’une piscine de se renseigner auprès de sa municipalité afin de connaître les normes qui encadrent l’accès à ses installations aquatiques. Par ailleurs, il n’est pas recommandé d’ignorer les risques accentués par l’absence de dispositifs de sécurité limitant l’accès à votre piscine en raison du fait que la Ville n’a pas encore réglementé sur cette matière et que vous avez construit cette piscine avant le 22 juillet 2010, puisque, dans toutes les hypothèses, existe toujours l’article 1457 du Code civil du Québec qui prévoit que :

1457. Toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s'imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui.

Elle est, lorsqu'elle est douée de raison et qu'elle manque à ce devoir, responsable du préjudice qu'elle cause par cette faute à autrui et tenue de réparer ce préjudice, qu'il soit corporel, moral ou matériel.

Elle est aussi tenue, en certains cas, de réparer le préjudice causé à autrui par le fait ou la faute d'une autre personne ou par le fait des biens qu'elle a sous sa garde.

 

IV- Conclusion

L'absence de protection adéquate autour d'une piscine constitue un danger non seulement pour la population en général et les usagers en particulier, mais aussi pour tout genre d'animaux qui pourraient avoir accès à la propriété. De plus, l'absence d'une preuve objective d'un danger réel pour la sécurité des usagers n’est d’aucune utilité pour le citoyen qui compte contester la réglementation municipale ou s’opposer au règlement provincial, étant donné que le non-respect des normes élémentaires de sécurité vous expose non seulement à des amendes importantes et à une responsabilité civile notoire, mais également à des conséquences beaucoup plus significatives que les conséquences pécuniaires, par exemple la perte de la vie d’êtres qui vous sont chers.

Si vous avez des questions, n’oubliez pas que les conseils de votre avocat pourraient vous être utiles.

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À propos de l'auteur

Lorraine Talbot

Lorraine Talbot
Avocate associée

Me Lorraine Talbot est avocate associée et fondatrice de l’étude Talbot Kingsbury, Avocats. Elle a évolué dans divers domaines du droit, notamment en droit de la famille et des personnes, en médiation ainsi qu’en litige civil, ce qui l’a amenée à plaider devant les différentes instances des tribunaux de droit commun. Elle est également titulaire d’une formation en modes alternatifs de règlements de conflits.

En plus de siéger à plusieurs conseils d’administration d’organismes parapublics ou communautaires, Me Talbot s’impose également comme une actrice importante de la scène régionale en matière d’entrepreneuriat, notamment en étant membre de deux réseaux d’entrepreneurs et en s’y impliquant activement. Elle agit de plus à titre de mentore pour la cellule de mentorat mise en place par le CLDEM et est administratrice nouvellement élue au conseil d’administration du CLDEM.

Désireuse de partager son savoir et son expérience, Me Talbot collabore, depuis 2010, avec les Éditions Yvon Blais à la rédaction de textes et de commentaires destinés à la communauté juridique et relatifs à des décisions de jurisprudence. Elle est notamment coauteure d’un livre publié aux Éditions Yvon Blais intitulé La responsabilité de l’inspecteur préachat. Elle est également appelée sur une base régulière à donner des conférences sur divers domaines du droit.

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