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Introduction au droit disciplinaire

Par Me Mélanie Archambault
Introduction au droit disciplinaire

Le droit disciplinaire est la branche de droit qui est vouée au contrôle de la conduite des professionnels1 encadrés par un ordre professionnel2, en fonction des normes particulières qui régissent l’exercice d’une profession. Ce domaine de droit administratif est dit sui generis, ce qui signifie « de son propre genre », en raison du fait que chaque profession est encadrée par des lois et règlements qui lui sont propres. D’autre part, le processus disciplinaire emprunte certains principes au droit civil et au droit pénal, ce qui en fait un système juridique hybride.

Chargé d’assurer la protection du public3, le syndic de l’ordre professionnel s’acquitte de sa mission en procédant par voie de recours disciplinaires. C’est au terme d’une enquête indépendante4 que le syndic peut, s’il conclut que le professionnel a commis une infraction déontologique5, déposer une plainte devant le conseil de discipline6. Le syndic agit alors à titre de partie plaignante et indique dans l’acte le chef d’infraction reproché à l’intimé. S’engage alors un processus aux effets coercitifs qui s’apparente grandement à celui prévu en droit pénal7.

Les professionnels membres de l’ordre ont notamment l’obligation de collaborer à l’enquête du syndic menée à leur égard et une contravention à cette obligation peut constituer en soi une infraction d’entrave au travail du syndic8. Puis, advenant le dépôt d’une plainte disciplinaire, le Code des professions prévoit que le membre intimé est un témoin contraignable9 et donc, qu’il ne saurait valablement invoquer le droit au silence.

Devant le conseil de discipline, le fardeau de la preuve est le même qu’en droit civil et repose entièrement sur les épaules du plaignant. Le syndic doit donc faire la démonstration au moyen d’une preuve claire et convaincante10, selon la balance des probabilités, de la commission de l’infraction reprochée au professionnel. Par ailleurs, le droit disciplinaire est une forme de « justice par les pairs », puisque le conseil de discipline est formé en partie de membres exerçant la profession en cause11, ce qui en fait une instance hautement spécialisée.

Advenant, que l’intimé soit déclaré coupable d’avoir commis la faute déontologique reprochée, le conseil lui imposera une sanction12. Les critères d’imposition de la sanction disciplinaire ont été clairement définis dans l’arrêt Pigeon c. Daigneault13 de la Cour d’appel du Québec. D’abord, considérant que chaque plainte est un cas d’espèce et que la sanction doit correspondre aux faits du dossier, le conseil doit s’assurer de remplir les objectifs de protection du public, de dissuasion de récidiver, d’exemplarité et de droit d’exercice de la profession. Ensuite, le conseil tient compte, sur le plan des facteurs objectifs, de l’effet des gestes posés sur le public, du lien de l’infraction avec l’exercice de la profession et du fait qu’il s’agisse ou non d’un acte isolé. Puis, sur le plan des facteurs subjectifs, le conseil considère l’expérience de l’intimé, ses antécédents disciplinaires, son âge et sa volonté de corriger sa conduite. Certaines autres circonstances aggravantes et/ou atténuantes sont susceptibles d’influencer la décision du conseil relativement à la sanction. L’intimé peut notamment, à titre de sanction, se voir ordonner de payer une amende, voir son droit d’exercice être radié temporairement ou de façon permanente, se voir infliger une réprimande et/ou se faire ordonner de réussir un cours de formation en particulier.

Enfin, il est également possible que la décision d’un conseil de discipline soit contrôlée judiciairement ou fasse l’objet d’un appel14, selon les procédures prévues à sa loi constitutive ou aux dispositions auxquelles cette loi réfère. Le droit disciplinaire, bien qu’il soit rarement mis en oeuvre par des avocats, demeure un domaine de droit à part entière. Son caractère autonome15, par la nature des institutions qui l’appliquent, en fait un domaine où les normes peuvent évoluer rapidement. Il est donc important pour un professionnel de bien connaître ses obligations déontologiques et d’adopter une conduite conforme aux normes qui encadrent sa pratique.


1 Au sens de l’article 1c) du Code des professions, RLRQ, c. C-26 (ci-après « C.prof. ») ; si l’institution chargée de l’encadrement est un OAR (voir note 2), il sera désigné comme étant un « membre » plutôt qu’un « professionnel ».
2 Au sens de l’article 1a) C.prof. ; certains organismes d’autoréglementation (OAR) s’apparentent à des ordres professionnels, en raison des pouvoirs qui leur sont dévolus dans une loi constitutive.
3 Art. 23 C.prof.
4 Art. 121.1 et 121.2 C.prof.
5 L’infraction déontologique est le geste posé en contravention à une loi ou à un règlement qui encadre l’exercice de la profession en cause.
6 Art. 149.1 C.prof.
7 Mario GOULET, Le droit des corporations professionnelles, Montréal, Éditions Yvon Blais, 1993, p. 23.
8 Art. 114 et 122 C.prof.
9 Art. 147 C.prof.
10 Bisson c. Lapointe, 2016 QCCA 1078, par. 66 et 67.
11 Art. 116 et 117 C.prof.
12 Art. 150 et 151 C.prof.
13 2003 CanLII 32934 (QC C.A.), par. 37 à 39.
14 Art. 164 C.prof
15 Mario GOULET, Le droit des corporations professionnelles, Montréal, Éditions Yvon Blais, 1993, p. 23.

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À propos de l'auteur

Me Mélanie Archambault pratique au sein de la firme Lane, avocats et conseillers d’affaires inc. depuis maintenant plus de deux ans. Membre du Barreau du Québec depuis 2007, sa pratique est orientée en litige civil et commercial, en droit immobilier, en droit bancaire ainsi qu’en droit disciplinaire. Elle dispose d’une grande expérience à titre d’avocate plaideuse, celle-ci ayant plaidé devant plusieurs instances dont la Cour supérieure, la Cour du Québec, plusieurs instances disciplinaires, la Cour d’appel ainsi que devant la Cour fédérale. Me Archambault a développé, au cours des dernières années, une expertise particulière en matière de recours pour vices cachés.