Dans le cadre d'une relation intime de six mois, monsieur a transmis le virus de l'herpès génital à madame lors de relations sexuelles non protégées. Avant le début de leur relation, celui-ci était en couple avec une personne qu'il savait porteuse du virus. La conclusion voulant qu'il ait transmis le virus à madame s'appuie sur plusieurs éléments probants, notamment le fait que celle-ci n'avait jamais présenté de symptômes avant leur relation, que les symptômes sont apparus peu après le début de leurs rapports intimes, que les tests de dépistage ont confirmé la présence du virus chez les deux parties, et que monsieur a lui-même admis dans des correspondances écrites être honteux de lui avoir transmis la maladie. Ces faits constituent une présomption grave, précise et concordante.
Avant leur première relation intime, madame a spécifiquement questionné monsieur sur sa santé sexuelle. Celui-ci a affirmé être «clean», sans lui révéler une partie importante de la vérité concernant son exposition antérieure au virus. En ne lui divulguant pas des informations essentielles, monsieur a commis une faute civile. Le fait qu'il ne se savait pas porteur est sans incidence. Il a privé madame de son droit de prendre une décision éclairée. La jurisprudence établit clairement qu'une personne doit transmettre franchement à un nouveau partenaire sexuel les informations importantes concernant sa santé sexuelle. Monsieur a manqué de sincérité et de transparence. Il n'a pas adopté une conduite raisonnable, prudente et diligente en omettant de révéler des informations cruciales.
Bien que la commission d'une faute civile soit établie, il n'est pas prouvé que celle-ci était intentionnelle. Le témoignage de monsieur indique qu'il n'avait pas l'intention de transmettre le virus, croyant erronément qu'il n'était pas porteur et que la transmission n'était possible qu'en présence de lésions visibles. Il ressort de la preuve qu'il n’avait pas l’intention, le désir, ni la volonté de contaminer madame. Il n'est pas non plus possible de conclure qu'il aurait été insouciant au point où son geste constituerait une faute intentionnelle contraire à la Charte. Le témoignage de l'expert en microbiologie-infectiologie confirme qu'une personne peut ignorer être porteuse du virus si les symptômes sont peu sévères. Il mentionne aussi que la transmission en dehors des périodes de récidives visibles ne survient que durant environ 3 % des jours de l'année. Il n'est donc pas possible de conclure que monsieur aurait dû savoir que ses agissements rendaient extrêmement probable la transmission du virus, ce qui est un critère établi par la Cour suprême pour qualifier une faute d'intentionnelle.
Aucune part de responsabilité ne revient à madame dans la présente affaire. Bien que les parties aient rapidement eu des relations sexuelles non protégées après s'être rencontrées sur les réseaux sociaux, madame a pris soin de s'informer auprès monsieur concernant sa santé sexuelle. Ce sont les réponses fautives et incomplètes de celui-ci qui ont directement influencé sa décision d'avoir des relations intimes. En outre, un lien de causalité direct est établi entre la faute de monsieur et les dommages subis par madame. Si elle avait été correctement informée, elle aurait certainement agi autrement et se serait protégée, évitant ainsi les conséquences qu'elle subit actuellement.
Les dommages subis par madame sont considérables. Elle vit entre 10 et 12 récidives aiguës de la maladie annuellement, d'une durée moyenne de 4 à 5 jours chacune, ce qui la place parmi les 20 % des cas les plus graves. Les crises sont décrites comme extrêmement douloureuses. Ces récidives affectent significativement sa vie quotidienne : inconfort constant, difficulté à s'asseoir, entrave à son travail d'esthéticienne qu'elle a dû abandonner, règles menstruelles plus douloureuses, et nécessité de prendre des précautions strictes avec ses enfants pour éviter toute transmission. Sur le plan psychologique, madame présente une diminution de l'estime de soi, elle se sent sale et éprouve une détresse palpable. Sa vie intime est profondément affectée, elle éprouve des difficultés à être en couple et elle a renoncé à son désir d'avoir d'autres enfants. L'expert confirme que toute grossesse future nécessiterait un protocole strict et contraignant pour éviter une transmission potentiellement mortelle au nouveau-né. Madame doit prendre régulièrement des médicaments pour atténuer les récidives, avec l'incertitude des effets secondaires à long terme de cette médication. Considérant la gravité des conséquences subies, son âge (mi-trentaine) et la jurisprudence, une somme de 40 000 $ est accordée à titre de pertes non pécuniaires.
Pour les pertes pécuniaires, la preuve établit des coûts de médication de 2 378,16 $ pour la période écoulée depuis la transmission du virus jusqu'au procès, montant qui doit être remboursé. Pour les coûts futurs, en l'absence d'expertise détaillée, il n'est pas possible de retenir que les antiviraux, les antidépresseurs et les médicaments pour le sommeil qui sont prescrits à madame en ce moment devront continuer d'être utilisés sur une période de 50 ans comme elle le réclame. Considérant la preuve de la nécessité de continuer la prise d'antiviraux, c'est uniquement une somme de 5 000 $ qui est octroyée à ce poste.
Aucune réserve de droit n'est prononcée, la condition de santé de madame étant consolidée et les conséquences de la maladie étant connues et évaluables.