Skip to content

Un homme de 64 ans atteint d'une maladie pulmonaire obstructive chronique restera détenu dans l'attente de son procès. D’une part, la pandémie du coronavirus (COVID-19) n'est pas de nature à diminuer sa dangerosité. D’autre part, la pandémie présente un risque mitigé pour sa santé.

Résumé de décision : Brown c. R., C.S., 26 mai 2020
Un homme de 64 ans atteint

Le prévenu est détenu, en application de l'art. 515 C.cr., dans l'attente de son procès sur des accusations de trafic et de possession de pornographie juvénile. Au moyen d'une requête fondée sur l'art. 520 C.cr., il demande la révision de la décision ayant ordonné sa détention. Il ne conteste pas le bien-fondé de cette décision. Il invoque plutôt un changement important de circonstances, soit la pandémie du coronavirus (COVID-19). Étant âgé de 64 ans et étant aux prises avec des problèmes de santé préexistants, il soutient que la situation sanitaire justifie sa libération.

La pandémie peut avoir un impact à l'égard des trois motifs de détention prévus au par. 515(10) C.cr., mais elle justifiera rarement, à elle seule, la libération d'un prévenu. Selon les circonstances, la situation sanitaire peut inciter un prévenu à se présenter au tribunal, moduler le risque que celui-ci représente, et influer sur la perception du public bien informé envers l'administration de la justice. Sur ce dernier point, il faut présumer que le public bien informé est préoccupé par la santé des personnes incarcérées. Il demeure que la gestion de la crise par les autorités carcérales doit être considérée avec déférence par les tribunaux. Surtout, l'analyse doit être centrée sur les trois motifs de détention énoncés au par. 515(10) C.cr. La pandémie est un facteur dont l'importance n'est pas d'emblée déterminante à l'égard de ces motifs.

Dans la présente affaire, même en tenant pour acquis que le changement de circonstances donne ouverture à un réexamen de la détention du prévenu, ce dernier ne démontre pas qu'il doit être libéré. Au contraire, dans son cas, la détention est toujours nécessaire pour la protection du public et le maintien de la confiance du public envers l'administration de la justice.

Le prévenu présente un risque marqué de perpétration d'une infraction criminelle, spécifiquement en matière de pornographie juvénile et autres crimes sexuels contre les enfants. La pandémie n'est pas de nature à diminuer sa dangerosité. Les crimes de pornographie juvénile peuvent être commis en confinement, au moyen d'un ordinateur ou d'un téléphone. Par ailleurs, le prévenu éprouvait déjà des problèmes de santé au moment des infractions alléguées.

Le maintien de la confiance du public envers l'administration de la justice nécessite aussi la détention du prévenu. En effet, la preuve contre ce dernier paraît solide. En outre, les accusations sont graves. Enfin, le prévenu s'expose à une peine importante s'il est reconnu coupable, considérant la nature des infractions et ses antécédents judiciaires. Ici encore, la pandémie ne fait pas pencher la balance du côté de la libération. Il est vrai que le prévenu exprime des inquiétudes compréhensibles. Selon la preuve médicale soumise, il est atteint d'une maladie pulmonaire obstructive chronique et d'un syndrome d'apnée-hypopnée du sommeil. De plus, une quinzaine de détenus et une quinzaine d'employés de la prison ont malheureusement contracté la COVID-19. Toutefois, la pandémie présente un risque mitigé pour le prévenu. Selon la preuve médicale, son état est stable et ne présente pas d'évidence de détérioration récente. Aussi, le prévenu reçoit des soins de santé adéquats en détention et il a accès à sa médication. Si sa condition devait nécessiter un transfert dans un hôpital, le prévenu pourrait également bénéficier d'une permission de sortie pour des fins médicales. De plus, le prévenu n'a pas été en contact avec des personnes malades de la COVID-19 et les autorités de la prison ont mis en place diverses mesures sanitaires pour contrer la propagation du coronavirus, incluant l'isolement des nouveaux arrivants, la protection des détenus ayant reçu un diagnostic ou présentant des risques particuliers, la réduction des visites et des transferts, la distanciation sociale, le lavage fréquent des mains et la désinfection régulière des lieux. Finalement, le plan de sortie présenté par le prévenu n'est pas susceptible d'atténuer les préoccupations que suscite son cas.

La requête est rejetée.

Également d’intérêt
© Thomson Reuters Canada Limitée. Tous droits réservés. Mise en garde et avis d’exonération de responsabilité.