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Dans un arrêt unanime, la Cour d’appel confirme que des commerçants sont en droit d’afficher des marques de commerce dans une langue autre que le français

Résumé de décision : Québec (Procureure générale) c. Magasins Best Buy ltée, EYB 2015-251574 (C.A., 27 avril 2015)
Blogue juridique

Les Magasins Best Buy ltée, Costco Wholesale Canada Ltd, Gap (Canada) Inc., Old Navy (Canada) Inc., la Compagnie Wal-Mart du Canada, Toys 'R' Us Canada ltée, Curves International Inc. et la Corporation Guess? Canada [les intimés] affichent des marques de commerce dans une langue autre que le français. La procureure générale du Québec [la PGQ] appelle du jugement de la Cour supérieure qui déclarait que cette pratique n'enfreint pas la Charte de la langue française (la Charte).

Il est désormais bien établi que la langue française doit être protégée dans le contexte québécois. La Charte vise cet objectif. L'article 58 de la Charte prévoit que l'affichage public doit s'effectuer en français, ou à tout le moins, d'une manière qui assure la nette prédominance du français. Le troisième alinéa de l'article 58 prévoit néanmoins que le gouvernement peut permettre, par règlement, que l'affichage se fasse uniquement dans une autre langue. L'article 25(4o) du Règlement sur la langue du commerce et des affaires permet ainsi qu'une marque de commerce soit affichée dans une autre langue que le français, sauf dans le cas où une version française en a été déposée. À première vue, cette exception s'applique au cas des intimés.

La Charte doit être interprétée de façon large et libérale. N'empêche, la PGQ a tort de prétendre que l'article 27 du Règlement aurait pour effet de restreindre la portée de l'exception de l'article 25(4o). Le nom d'une entreprise doit, en principe, être en français, en vertu de l'article 63 de la Charte. L'article 27 du Règlement permet toutefois que le nom d'une entreprise contienne une expression qui n'est pas en français, à la condition que cette expression soit accompagnée d'un générique en français. La PGQ fait valoir que les marques de commerce utilisées par les intimés constitueraient des noms. Cela implique, à son avis, qu'un générique français devrait être adjoint à ces marques. Elle a tort. Cette interprétation est incompatible avec le troisième alinéa de l'article 58 de la Charte ainsi que l'article 25 du Règlement. Ceux-ci prévoient que, dans certains cas, il est possible d'afficher « uniquement » dans une langue autre que le français. Or, le fait d'ajouter un générique en français impliquerait que ce qui est affiché n'est plus uniquement dans une autre langue que le français. Ce n'est pas tout. L'interprétation proposée par la PGQ omet complètement l'article 68 de la Charte. Cette disposition énonce qu'une entreprise peut avoir un nom dans une langue autre que le français si ce nom est utilisé avec celui en français. Elle prévoit également, à titre d'exception, que le nom qui est dans une autre langue que le français peut être utilisé seul dans l'affichage public, si cela est permis par l'article 58 et les règlements qui en découlent. C'est le cas des marques de commerce, comme il en a été question précédemment.

Tout compte fait, les intimés ont le droit d'afficher des marques de commerce dans une langue autre que le français, dans la mesure où il n'existe pas de version française de ces marques. Les marques en cause peuvent être affichées sur la façade d'un commerce. L'appel est rejeté.


Ce résumé est également publié dans La référence, le service de recherche juridique en ligne des Éditions Yvon Blais. Si vous êtes abonné à La référence, ouvrez une session pour accéder à cette décision et sa valeur ajoutée, incluant notamment des liens vers les références citées et citant.

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