La Ville de Québec souhaite, depuis plusieurs années, mettre en place sur son territoire un réseau structurant de transport en commun. Elle a opté pour la construction d’un tramway avec la participation du gouvernement du Québec. Les citoyens demandeurs sont en désaccord avec ce choix, estimant que d’autres modes de transport auraient dû être considérés. En plus de s’attaquer aux décisions des autorités publiques, ils sollicitent une injonction forçant l’arrêt de tous les travaux relatifs à la construction du tramway jusqu’à la tenue d’un référendum et formulent une réclamation en dommages-intérêts pour atteinte à leurs droits fondamentaux. Malgré toute la légitimité de leurs craintes, leur recours ne peut faire obstacle à la réalisation du projet. La demande est rejetée.
Les citoyens recherchent, dans un premier temps, la nullité du Décret 655-2022 concernant la délivrance d’une autorisation à la Ville de Québec pour le projet de construction d’un tramway entre les secteurs Chaudière et d’Estimauville sur le territoire de la ville de Québec. Bien que l’action en nullité ait été signifiée 78 jours après la publication du décret, le caractère exceptionnel du dossier milite en faveur d’une conclusion selon laquelle le recours a été introduit dans un délai raisonnable. Certains aspects du litige ne sont pas soumis à l’exigence du délai raisonnable, en ce qu’il soulève des questions à la fois constitutionnelles et relatives à la Charte québécoise et à la Charte canadienne. La nature de l’organisme demandeur, qui n’a pas été constitué par des personnes connaissant les règles spécifiques au domaine de la protection de l’environnement, fait en sorte qu’il peut bénéficier d’un délai raisonnable plus long. Il en va également de la saine gestion des fonds publics. Maintenant, concernant le défaut ou l'excès de compétence de la part du gouvernement, force est de conclure que le Conseil des ministres avait le droit d’adopter le décret et que le processus délimité par la Loi sur la qualité de l’environnement (LQE) a été respecté. Parmi les projets nécessitant l’adoption d’un décret par le gouvernement, on retrouve la construction ou le prolongement d’un système de transport collectif guidé ou sur rail. La construction d’un tramway doit donc recevoir l’approbation gouvernementale, sur recommandation du ministère de l’Environnement. L’art. 31.5 LQE accorde spécifiquement ce pouvoir au gouvernement. Le rapport du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement ne lie pas le gouvernement, puisqu’il s’agit d’un simple processus de consultation. Autrement dit, le gouvernement n’a pas l’obligation de suivre ses recommandations. La preuve révèle que sa décision d’adopter le décret est raisonnable. La population a été consultée à de nombreuses reprises au fil des ans. Le dossier a été analysé sérieusement. On ne peut reprocher à la Ville d’avoir trop rapidement conclu à la nécessité d’un tramway. Contrairement aux dispositions de la LQE applicables à la région de la Baie-James et du Nord québécois, l’acceptabilité sociale n’est pas expressément un critère exigé par la législation pour autoriser un projet comme celui en l’espèce. Quant à l’argument selon lequel le décret serait illégal parce que les formalités prévues au Règlement sur les exemptions de publication intégrale des décrets n’ont pas été respectées, il est rejeté. Aucune disposition ne fait référence à une obligation pour le gouvernement d’annexer les documents auxquels réfère le décret. L’intention du législateur est de faire connaître les décisions prises par l’exécutif pourvu qu’elles soient brèves.
En cas de contravention à l’art. 19.1 LQE, une injonction peut être accordée par la Cour supérieure. Ce pouvoir est toutefois limité à l’art. 19.7 LQE. Cette dernière disposition ne vient pas limiter le pouvoir de contrôle et de surveillance de la Cour supérieure. Simplement, puisque le décret autorisant les travaux préparatoires du tramway a été légalement adopté, les citoyens ne peuvent obtenir une injonction contre les autorités gouvernementales ou les promoteurs du projet.
La constitutionnalité de plusieurs dispositions législatives est contestée, lesquelles auraient pour effet, selon les citoyens, de restreindre l’obligation de tenir un référendum consultatif avant d’autoriser la construction du tramway. Le droit au référendum n’est pas un droit protégé par la Charte québécoise et la Charte canadienne, de sorte que le législateur peut modifier l'obligation de tenir des référendums. Aucune loi n’oblige la Ville à consulter la population au moyen d’un référendum. Les citoyens ne peuvent prétendre que leur droit à la liberté d’expression a été bafoué. Ils ont eu à leur disposition plusieurs moyens pour exprimer leur désaccord. Les principes constitutionnels non écrits ne peuvent servir d’appui à des référendums municipaux, les institutions municipales n’ayant pas de statut constitutionnel. Il n’est pas non plus possible d’imposer un référendum au motif que les élus n’ont pas respecté leurs promesses électorales. Non seulement un élu ne peut à lui seul décider du sort d’un dossier tel que la construction d’un tramway, mais les tribunaux n'ont pas le pouvoir de sanctionner des manquements à l’exercice démocratique.
L’art. 7 de la Loi concernant le Réseau structurant de transport en commun de la Ville de Québec (LRSVQ) ne contrevient pas à l’art. 96 de la Loi constitutionnelle de 1867. Contrairement à la prétention des citoyens, la Cour supérieure conserve sa compétence en matière d’expropriation. S’il est vrai qu’en vertu de la disposition attaquée, le droit de l’expropriant à l’expropriation ne peut être contesté, le droit de faire réviser toute décision d’expropriation prise par la Ville est conservé. S’il est aussi vrai que la LRSVQ retire la suspension automatique des procédures d’expropriation, il est possible pour la Cour supérieure de prononcer une ordonnance de sauvegarde qui aurait le même effet. De plus, afin de déterminer si une loi restreint les pouvoirs de la Cour supérieure, il faut une preuve historique portant sur les compétences et il faut que la loi contienne un transfert de juridiction. Non seulement aucune preuve historique n’a été administrée, mais l’art. 7 LRSVQ ne contient pas un transfert de juridiction. Par ailleurs, cet article n’entre pas en conflit avec le droit à la jouissance paisible et à la libre disposition de ses biens. Ce droit est limité, vu l’expression « sauf dans la mesure prévue par la loi ». Le droit à l’expropriation à des fins publiques s’inscrit justement dans cette réserve.
L’art. 74.4 par. 2 de la Charte de la Ville de Québec, capitale nationale du Québec édicte que malgré tout règlement adopté par un conseil d’arrondissement, le conseil de la ville peut, par règlement, permettre la réalisation d’un projet qui est relatif à de grandes infrastructures, tel un aéroport, un port, une gare, une cour ou une gare de triage ou un établissement d’assainissement, de filtration ou d’épuration des eaux. L’art. 74.5 prévoit qu’un règlement adopté en vertu de l’art. 74.4 n’est pas susceptible d’approbation référendaire. Ainsi, il faut examiner si le tramway constitue une grande infrastructure au sens de l’art. 74.4 par. 2. Plus précisément, le véritable débat consiste à déterminer si, selon la règle ejusdem generis, la liste des projets contenus à cette disposition est limitative ou si, selon la règle sui generis, elle est ouverte. Pour que des termes généraux soient limités, il faut que l’on retrouve une classe ou une catégorie précédant les termes généraux. Autrement dit, pour pouvoir dire que la liste des projets énumérés est limitative, il aurait fallu retrouver l’expression « grandes infrastructures » après l’énumération. En l’espèce, les projets énumérés sont des constructions pour le bien de toute la communauté nécessitant d’importants investissements publics. Par conséquent, le tramway correspond à l’expression « grandes infrastructures » et est donc exempt d’un référendum.
Il n’est pas suffisant d’alléguer la violation de droits fondamentaux. Encore faut-il que cette allégation repose sur des faits objectivement démontrables. Aucune preuve permettant de conclure que des droits fondamentaux ont été violés n’a été produite. Il y a donc lieu de conclure qu’aucune faute n’a été commise.