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L’exercice, par des chauffeurs de camion sikhs, de leur droit religieux de porter un turban ne peut faire échec à l’application d’une norme de sécurité sur les lieux de travail exigeant le port d’un casque protecteur

Singh c. Montréal Gateway Terminals Partnership (CP Ships Ltd./Navigation CP ltée), EYB 2016-270642 (C.S., 21 septembre 2016)
’exercice, par des chauffeurs de camion sikhs, de leur droit religieux de porter un turban ne peut faire échec à l’application d’une norme de sécurité sur les lieux de travail exigeant le port d’un ca

Trois camionneurs de religion sikhe demandent d'être exemptés de l’obligation de porter un casque protecteur lorsqu'ils circulent dans le port de Montréal au motif que la politique de sécurité adoptée en 2005 crée une discrimination fondée sur la religion. Les défenderesses plaident que les Chartes des droits et libertés ne s’appliquent pas à leurs activités. Il est noté que les parties admettent que la mesure d’accommodement mise en place entre 2005 et 2008, en vertu de laquelle les procédures de chargement des conteneurs sur les remorques ont été modifiées de manière à ce que les chauffeurs sikhs demeurent en tout temps à l'intérieur de la cabine de leur camion, n'était pas viable puisqu'elle impliquait une attente humiliante pour les camionneurs et une contrainte excessive, tant du point de vue organisationnel qu’économique, pour les défenderesses. Il est également noté que même si l'homme sikh a l’obligation de porter le turban pour protéger ses cheveux, sa religion ne lui interdit pas de couvrir son turban d'une pellicule de plastique.

Considérant que la manutention de conteneurs dans le port de Montréal fait partie intégrale du transport interprovincial et international de marchandises par navire, il faut conclure que les défenderesses sont assujetties à la réglementation fédérale, dont le Code canadien du travail, qui prévoit l’obligation générale des employeurs de veiller à la protection de leurs employés et des tiers qui se trouvent sur son lieu de travail.

Comme aucun acte du gouvernement n’est invoqué, c'est avec raison que les défenderesses contestent l’application de la Charte canadienne des droits et libertés aux faits en cause. La prétention que la Charte des droits et libertés de la personne (la Charte québécoise) ne s'applique pas est toutefois rejetée vu l'absence de précédents ayant retenu la doctrine de l’exclusivité des compétences pour empêcher l’application des articles 3, 10 et 16 de la Charte québécoise et le fait que le remède découlant de l’application de cette Charte ne porte pas une atteinte grave à l’exercice de la compétence fédérale. La doctrine de la prépondérance fédérale n'est pas applicable non plus puisque l'existence d'accommodements implique nécessairement une absence de conflit d’application entre la loi fédérale et la loi québécoise.

Le devoir d’accommodement incombe à toutes les parties. Même si les camionneurs passent peu de temps à l’extérieur de leur véhicule, ils demeurent exposés à des risques réels, surtout lorsqu'ils procèdent au chargement d’un conteneur en présence d'une grue-portique. Le port du casque est donc dicté par le risque d’accident à la tête et par l'accroissement de la visibilité que cet accessoire procure. Cette exigence ne devient pas discriminatoire du seul fait qu’elle produit des résultats variables en fonction de différences personnelles. En l'espèce, les camionneurs ont démontré une preuve prima facie de discrimination. Toutefois, les défenderesses ont démontré que la politique est imposée pour réaliser un objectif légitime et important, que l’obligation est proportionnelle à cet objectif et que, même si l’atteinte au droit à la liberté de religion des demandeurs est plus que négligeable ou insignifiante, cette entrave est justifiée en regard de l’article 9 de la Charte québécoise. Les effets bénéfiques de la politique surpassent les effets préjudiciables subis par les camionneurs. La demande est rejetée.

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