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La Cour supérieure n’a pas commis d’erreur en refusant d’exempter des camionneurs de confession sikhe de mettre un casque protecteur sur leur turban lorsqu’ils circulent à pied sur le site des terminaux du Port de Montréal. Cette atteinte à leur liberté de religion se justifie au regard de l’article 9.1 de la Charte québécoise

Résumé de décision : Singh c. Montréal Gateway Terminals Partnership, EYB 2019-316325, C.A., 12 septembre 2019
La Cour supérieure n’a pas commis d’erreur en refusant d’exempter des camionneurs de confession sikhe de mettre un casque protecteur sur leur turban

APPEL d'un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté une demande en jugement déclaratoire. REJETÉ.

En juillet 2005, les trois entreprises privées intimées adoptent une politique exigeant que toute personne appelée à circuler à pied à l'intérieur du site des terminaux du Port de Montréal porte un casque protecteur conforme. La politique s'applique donc aussi aux camionneurs au service d'entreprises tierces qui se rendent sur le site afin de livrer ou récupérer des conteneurs, lorsque ces camionneurs se déplacent à l'extérieur de leurs véhicules. Les camionneurs de confession sikhe qui portent le turban refusent de se conformer à cette politique pour des motifs religieux. Après discussions, les intimées décident de mettre en place une mesure d'accommodement qui prévoit que ceux qui portent le turban demeurent en tout temps à l'intérieur de leurs camions. Ce sont d'autres employés qui effectuent à leur place les tâches requises à l'extérieur. Cette mesure ne convient cependant ni à l'une ni à l'autre des parties. Des camionneurs se plaignent des longs délais et plusieurs cessent d'effectuer du transport aux terminaux. Un an plus tard, trois d'entre eux déposent une demande en jugement déclaratoire. Ils souhaitent être exemptés, pour des motifs religieux, du port du casque protecteur lorsqu'ils circulent sur le site. Par ailleurs, après avoir appliqué la mesure d'accommodement pendant trois ans, les intimées l'abandonnent en raison de sa non-viabilité sur les plans économique et organisationnel. Il est acquis qu'un chargement qui prend habituellement entre 10 et 20 minutes peut prendre jusqu'à deux heures lorsque le camionneur demeure dans son camion. En septembre 2016, le juge de première instance a rejeté la demande des appelants. Aucun des reproches qu'ils lui font n'est bien fondé.

Les appelants plaident que le juge a erré en refusant d'appliquer la Charte canadienne. Cet argument, comme l'ont d'ailleurs reconnu les appelants, ne change rien au résultat. Néanmoins, précisons que le juge n'a commis aucune erreur. La politique contestée n'est pas du ressort gouvernemental. Elle a été adoptée et est appliquée par des entreprises privées et aucun acte gouvernemental n'est invoqué. Or, dans de telles circonstances, la Charte canadienne ne s'applique pas.

Le juge conclut que la politique porte atteinte aux droits des appelants, garantis par les art. 10 (discrimination) et 3 (liberté de religion) de la Charte québécoise, mais que cette violation est proportionnelle à l'objectif de la politique et qu'elle constitue une atteinte minimale. Les appelants ne remettent pas en cause ses conclusions en ce qui a trait à l'atteinte discriminatoire. Ils considèrent cependant qu'il aurait dû conclure que la politique ne satisfait pas au critère de l'atteinte minimale à la liberté de religion et que son effet sur cette liberté n'est pas proportionnel à l'objectif poursuivi par les intimées. Ils ne démontrent toutefois aucune erreur manifeste et déterminante justifiant une intervention en appel. C'est à bon droit que le juge conclut à l'existence d'un lien rationnel entre la politique et l'objectif d'assurer la sécurité de toute personne présente sur le site. Par ailleurs, la preuve permet de conclure que la politique se veut la moins attentatoire possible aux droits des appelants. Précisons qu'elle ne contraint pas les personnes qui portent le turban à retirer celui-ci, mais seulement à porter le casque protecteur. Or, selon l'expert entendu en première instance, bien que, généralement, on ne porte rien sur le turban, il s'agit d'un choix personnel et aucune personne ne sera exclue de la religion sikhe pour avoir porté un casque protecteur sur son turban. D'ailleurs, certains camionneurs de confession sikhe ont accepté cette façon de faire. Le juge, comme il se doit, tient compte aussi du contexte particulier et du cadre légal qui s'applique aux intimées (soit les dispositions du Code canadien du travail et de ses règlements et celles du Code criminel entrées en vigueur quelques mois avant l'adoption de la politique). Enfin, c'est avec raison qu'il rejette l'argument voulant que les intimées n'aient pas tenté d'accommoder les appelants.

Les appelants ne remettent pas en cause la conclusion du juge que l'objectif de sécurité prévaut sur les effets préjudiciables temporaires à leur liberté de religion. Ainsi, en concluant que l'effet global de la politique est proportionnel et que l'atteinte à la liberté de religion se justifie au regard de l'art. 9.1 de la Charte québécoise, le juge ne commet aucune erreur révisable. En conséquence, l'appel est rejeté.


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