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Le défaut de suivre les recommandations et avertissements d’un expert avant la vente est fatal à une réclamation d’un acheteur pour vices cachés

Par Me Bryan-Éric Lane, LANE, avocats et conseillers d’affaires inc.
Le défaut de suivre les recommandations et avertissements d’un expert avant la vente est fatal à une réclamation d’un acheteur pour vices cachés

Dans un billet antérieur, nous avons traité de la décision Pleau c. Figueira-Andrinha (EYB 2016-264574 – Texte intégral | Fiche quantum), dans laquelle l’honorable Louis Dionne, j.c.s. est venu nous rappeler l’unicité de la norme applicable à un acheteur, soit celle de l’acheteur prudent et diligent, et ce, même si l’acheteur a décidé d’avoir recours aux services d’un inspecteur préachat.

Toutefois, même si la norme s’appliquant à un acheteur décidant de retenir les services d’un inspecteur préachat ne se trouve pas accentuée, il n’en demeure pas moins qu’un acheteur faisant défaut de suivre les recommandations et avertissements de son expert face à des signes annonciateurs d’un vice caché ne saura être considéré comme ayant agi en acheteur prudent et diligent, s’il vient par la suite à découvrir des vices se rapportant aux signes annonciateurs initialement soulevés par son expert lors de son inspection préachat.

Plus particulièrement, le défaut par un acheteur d’effectuer des vérifications/inspections plus approfondies recommandées par son inspecteur préachat à l’égard de problématiques recensées dans le cadre de son inspection sera en principe fatal à un éventuel recours pour vices cachés de l’acheteur, s’il appert que de telles vérifications/inspections avant la vente auraient pu mener à la découverte des vices en cause/aurait permis à l’acheteur de découvrir les vices en question.

La décision Desmeules c. 1845-0460 Québec inc. (EYB 2009-160302 – Texte intégral | Fiche quantum) applique à la lettre ce principe. Dans cette décision de 2009 rendue par l’honorable Marc Lesage, j.c.s., et qui est toujours d’actualité, il est ici question d’une propriété construite en 1845, anciennement un chalet, dans laquelle des vices y furent découverts après la vente par l’acheteur, que ce dernier prétendait comme étant cachés. Soulignant que l’acheteur avait d’abord négocié une diminution préliminaire de 55 000 $ pour les réparations requises par son inspecteur préachat et que le bâtiment et le terrain avaient été vendus 400 000 $, soit 75 000 $ à 85 000 $ de moins que le montant d’abord réclamé, le tribunal refuse de consentir à la diminution du prix de vente d’environ 251 000 $ réclamée par l’acheteur Desmeules, pour le motif que les vices en cause ne constituent pas des vices cachés.

Les vices soulevés par l’acheteur se rapportaient essentiellement à la pourriture de la lisse de support, à l’absence d’un drain français et à la pourriture du parement extérieur.

Plus particulièrement, le rapport d’inspection préachat de l’immeuble, que l’acheteur a admis ne pas avoir lu dans son intégralité, faisait état de plusieurs indices et signes relatifs à des infiltrations d’eau et à un mouvement des murs, en plus d’émettre des recommandations de procéder à des inspections et vérifications spécifiques par un spécialiste relativement à ces indices et signes problématiques.

La Cour nous rappelle que l’acheteur qui a retenu les services d’un expert avant la vente et qui se fait émettre des recommandations en lien avec des problématiques soulevées par son expert se doit de les suivre :

« l'acheteur, pour demeurer prudent et diligent s'il engage un expert, doit suivre les recommandations qui lui sont adressées sinon on ne peut plus parler de prudence et de diligence. »

[22] Pour considérer la nécessité de ces travaux et vérifier s'il s'agit de vices cachés dont le demandeur ignorait la présence avant la vente, il faut revenir au rapport d'inspection obtenu par le demandeur.
[...]
[35] Il est vrai qu'un acheteur prudent n'a pas à excaver le long d'une maison pour voir l'état des fondations. Mais il en est tout autrement lorsqu'un expert lui dit de le faire car il y a risque de pourriture. L'article 1726 C.c.Q. énonce bien que le vendeur n'est pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni du vice apparent qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert. Bien plus, le demandeur avait eu recours à un expert qui l'a mis en garde.
[...]
[42] Par contre, le Tribunal est d'opinion que si l'acheteur décide de faire examiner l'immeuble par un expert, il ne peut se retrancher sous le prétexte qu'il n'avait pas à recourir à un expert tout en ne tenant pas compte des avertissements et recommandations de l'expert. Il est alors mis au courant des problèmes constatés par l'expert, qui lui dévoile les vices de la construction pour lesquels il ne pourra plus prétendre à un dédommagement puisqu'ils ne sont plus cachés. En l'espèce, le vendeur a fait la preuve de la connaissance du vice par l'acheteur, lors de la vente (2-384).
[...]
[44] Comme souligné ci-dessus, le nouvel article 1726 C.c.Q. met fin à la controverse sur l'exigence ou non d'un expert pour être un acheteur prudent et diligent. Mais l'acheteur, pour demeurer prudent et diligent s'il engage un expert, doit suivre les recommandations qui lui sont adressées sinon on ne peut plus parler de prudence et de diligence.

Essentiellement, l’acheteur qui décide de faire l’acquisition d’une résidence malgré les éléments annonciateurs à cause du véritable coup de coeur, comme l’acheteur Desmeules l’a fait, et qui fait fi de suivre les recommandations de son inspecteur préachat qui lui ont été formulées à la suite de son inspection à l’égard de certaines problématiques, ne saura être considéré comme étant un acheteur prudent et diligent comme la Loi l’exige.

Une nuance s’impose toutefois : comme nous l’avons mentionné dans un billet antérieur, il faut faire la distinction entre des recommandations spécifiques de procéder à des inspections/vérifications additionnelles formulées par un inspecteur préachat en raison du constat par ce dernier de signes ou d’indices annonciateurs de la présence d’un vice ou d’une problématique spécifique, et des recommandations abstraites, d’ordre général, et limitatives de responsabilité formulées par un inspecteur préachat en raison de son impossibilité d’inspecter une composante de l’immeuble. Plus particulièrement, un avertissement général ou abstrait de procéder à des vérifications ne constitue pas un indice positif d’un vice si l’inspecteur ne décèle pas d’indices ou de signes problématiques particuliers.

« Il s’avère donc essentiel pour le plaideur consulté par un acheteur prétendant à l’existence de vices cachés dans sa propriété d’analyser scrupuleusement, avec recul et objectivité, le rapport d’inspection préachat de son client, aux fins de déterminer si des recommandations spécifiques ont été émises par ce dernier, et de vérifier auprès de l’acheteur si celles-ci ont été suivies ou non. »

Il s’avère donc essentiel pour le plaideur consulté par un acheteur prétendant à l’existence de vices cachés dans sa propriété d’analyser scrupuleusement, avec recul et objectivité, le rapport d’inspection préachat de son client, aux fins de déterminer si des recommandations spécifiques ont été émises par ce dernier, et de vérifier auprès de l’acheteur si celles-ci ont été suivies ou non.

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À propos de l'auteur

Diplômé en droit de l'Université de Sherbrooke, Me Bryan-Éric Lane oeuvre au sein de la firme LANE, avocats et conseillers d'affaires inc., qu'il a fondée en 2006. En parallèle à sa pratique en droit des affaires, Me Lane se spécialise en droit immobilier, et plus particulièrement en matière de recours pour vices cachés, domaine dans lequel il a développé avec les années une solide expertise. Me Lane a donné de nombreuses conférences en matière de recours pour vices cachés. Il a également collaboré avec les Éditions Yvon Blais au développement de l'outil de recherche La référence Quantum – Vices cachés.